En France, la biomasse solide est majoritairement utilisée pour la production de chaleur, mais les centrales en cogénération, produisant également de l’électricité, s’implantent progressivement, suite aux différents appels d’offre lancés par la CRE depuis 2003. Pour autant, le développement de cette technologie demeure lent, entravé par des contraintes qui ralentissent la concrétisation des projets validés par appels d’offre. Mais la volonté gouvernementale et l’apparition de nouvelles technologies pourraient changer la donne.

Suite de notre analyse du Baromètre 2018 des énergies renouvelables électriques en France, publié en début d’année 2019 par l’Observatoire des Energies Renouvelables (Observ’ER). Après avoir étudié l’état des filières photovoltaïque, éolienne et hydro-électrique en France, gros plan sur la biomasse solide.

La biomasse solide : 42,3% de la production primaire d’énergies renouvelables en France

Cette technologie reste la principale source d’énergie renouvelable en France : la biomasse solide a représenté, en 2017, 42,3% de la production primaire d’énergies renouvelables dans l’Hexagone. La combustion de bois, de déchets verts, de résidus agricoles a produit 25,4 millions de tonnes équivalents pétroles sur cette période. La majorité de cette énergie est thermique, notamment via tous les types de chauffage à partir du bois ou de ses dérivés.

Mais la biomasse permet aussi de produire de l’électricité. Les rendements étant trop faibles pour une production électrique exclusive, la totalité des centrales biomasse produisant de l’électricité en France métropolitaine s’appuient sur la cogénération : la combustion de matières organiques produit directement de la chaleur, et la vapeur dégagée sert à entraîner des turbines pour produire de l’électricité.

591,53 MW installés pour une production de 3 150 GWh

Fin 2018, 45 centrales à biomasse produisaient de l’électricité par cogénération en France, pour une puissance installée totale de 591,53 MW. 34 sont des lauréates des quatre appels d’offre lancés par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) en 2003, 2006, 2009 et 2010 sur le principe d’un tarif d’achat préférentiel de l’électricité produite. 8 ont été construite dans le cadre du tarif d’obligation d’achat à guichet ouvert mis en place par la suite, et abrogé en 2016.

biomasse solide france 1 2 metropole - Les Smart Grids

Deux vendent de l’électricité directement sur le marché hors de tout dispositif de soutien étatique, la dernière est en autoconsommation. Trois centrales sont par ailleurs en construction, pour une puissance totale de 35,5 MW, une relevant de l’appel d’offre de 2010, et deux du tarif obligatoire d’achat. La production électrique totale de la filière s’élevait à 3 150 GWh en 2017.

biomasse solide france 1 2 metropole - Les Smart Grids

Des réalisations très décevantes suite aux appels d’offre

Mais ce paysage est très largement en-dessous des ambitions gouvernementales : le taux de réalisation des quatre appel d’offre successifs sont de faibles 36%, 23%, 65% et 33%. La filière peine à décoller en France métropolitaine, malgré la volonté de l’exécutif.

Les raisons sont multiples : « les contraintes réglementaires, les incertitudes sur le débouché chaleur qui accompagne généralement ces installations pour en améliorer l’efficacité énergétique, la forte concurrence sur les usages du bois et les éventuels conflits qui peuvent en résulter ont significativement ralenti, voire conduit à annuler, la réalisation des projets désignés lauréats des quatre appels d’offres organisés depuis 2003 » pointait ainsi la CRE en 2014.

biomasse solide france 1 2 metropole - Les Smart Grids

Une PPE ambitieuse, grâce à de nouvelles technologies

Pour autant, la filière espère un rebond, et la dernière Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE), publiée en fin d’année 2018, table sur un objectif compris entre 790 MW (option basse) 1040 MW (option haute) installés en 2023.

Pour atteindre ces objectifs, la France peut compter sur de nouveaux procédés technologiques. A l’été 2017 la centrale d’Europlasma CHO Power de Morcenx (11 MWe, Landes) a été mise en service. « Il s’agit d’une unité de gazéification de biomasse qui produit du gaz de synthèse à partir de déchets et de biomasse et utilise la technologie de la torche à plasma pour “cracker” les goudrons produits lors de la réaction. Le gaz ainsi raffiné est ensuite utilisé pour produire de l’électricité » détaille le dernier baromètre de l’Observ’ER. Plusieurs centrales utilisant ce procédé devraient ouvrir prochainement, en 2019 dans le Doubs, en 2020 à Thouars et en 2021 à Locminé.

Le charbon « vert », pour des centrales biomasse 100% électriques ?

Autre technologie émergente : le charbon « vert ». En 2020, un complexe industriel ouvrira dans la Marne : il sera composé d’une centrale de cogénération d’une capacité de 49,9 MW thermiques et de 12 MW électriques, et, surtout d’une usine de préparation de combustible, menée par la société Ficap. Cette dernière utilisera des résidus de bois issus de forêts de la région pour produire chaque année 120 000 tonnes de granulés à haut pouvoir calorifique industriel (HPCI), substitut renouvelable au charbon de terre, à partir d’un procédé de vapocraquage. L’électricité produite sera injectée sur le réseau et, pour valoriser au maximum le complexe, la vapeur émise par la centrale de cogénération, après avoir entraîné les turbines produisant de l’électricité, sera transférée à l’usine de fabricant de combustible, où elle servira à produire les pellets.

biomasse solide france 1 2 metropole - Les Smart Grids

Mieux, EDF envisage de substituer ces granulés à HPCI au charbon dans deux des centrales thermiques encore en service en France, celles de Cordemais (2 tranches) et du Havre (1 tranche). Des tests sont en cours dans la centrale du Cordemais visant à améliorer les rendements calorifiques des pellets construits à partir de résidus de bois, ou pour en produire à partir de bois de classe B (qui ont été traités chimiquement). Des essais ont prouvé que la centrale pourrait fonctionner avec 80% de biomasse et 20% de charbon. Le tout avec un rendement aussi élevé – alors qu’il s’agit d’une centrale thermique « pure », et pas d’une cogénération ! Cette technologie ouvrirait la porte au développement de ces centrales biomasse 100% électrique.

De quoi appuyer les objectifs assez élevés fixés par la PPE pour la filière, même si la biomasse solide demeurera, sur le territoire métropolitain, une électricité de complément, rentable uniquement localement. En revanche, dans les ZNI d’Outre-Mer, la biomasse doit être un pilier de l’ambition d’autonomie énergétique pour 2030 affichée par ces territoires, comme nous le verrons demain, dans la suite de notre étude.

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.