L’année 2018 a été particulièrement riche pour la filière photovoltaïque en France : des installations à la hausse, dans le prolongement des résultats de 2017, et des signaux forts envoyés par le gouvernement et EDF prouvant que le pays veut s’appuyer sur le photovoltaïque pour réussir sa transition énergétique. Dans la foulée, la nouvelle PPE a fixé pour le photovoltaïques des objectifs élevés, qui proposent d’installer, chaque année d’ici 2028, 2,3 GW – soit le double de la puissance photovoltaïque raccordée en 2018 ! De quoi être optimiste… même si de nombreuses zones d’ombre demeurent.
L’histoire du photovoltaïques en France, sur les dix dernières années, se divise en trois périodes. D’abord le début des années 2010, où une volonté de favoriser cette énergie, notamment en toitures de maison individuelle, se traduit par une véritable effervescence. L’année 2011 voit notamment 1,83 GW de puissance photovoltaïque raccordée au réseau électrique, avec des emplois se comptant en dizaine de milliers.
2018 : des installations photovoltaïques toujours en hausse
Puis le soufflé est légèrement retombé, les installations en toiture se sont raréfiées, relayée par des projets de plus grande capacité. Mais la puissance installée baissait d’année en année, jusqu’à l’année 2016, historiquement basse avec 640 MW installés. Depuis, profitant de l’effet de relance de la loi de Transition Ecologique, les installations sont reparties à la hausse. 875 MW en 2017, 700 MW sur les trois premiers trimestres de 2018, ce qui peut laisser espérer un total annuel dépassant le GW.
Ces informations proviennent du Baromètre annuel de l’Observatoire des Energies Renouvelables (Observ’ER). Après avoir analysé l’année 2018 de la filière éolienne, penchons-nous sur celle du photovoltaïque.
La Nouvelle Aquitaine, championne de France de PV
Un segment du marché est particulièrement dynamique, celui des installations de 100 à 250 kW. Sur ce segment, 76 MW ont été raccordé au réseau sur les trois premiers mois de 2018, contre 46 MW sur toute l’année 2017. Un effet direct des procédures d’appel d’offre simplifiées pour ce segment, mises en place en 2015 et 2016.
Au niveau de la répartition géographique, trois régions peuvent se targuer d’une croissance supérieure à 20 % sur un an (entre fin septembre 2017 et fin septembre 2018) : Bourgogne Franche Comté, Auvergne-Rhône-Alpes et Nouvelle Aquitaine. Pour ce qui est de la puissance totale installée, le sud du pays se taille, assez logiquement, la part du lion : à elles trois, la Nouvelle Aquitaine (2,23 GW), l’Occitanie (1,78 GW) et Provence-Alpes-Côte d’Azur (1,2 GW) représentent 60% du total français.
Mais l’objectif de la PPE pour fin 2018 n’a pas été atteint
Les installations sont en hausse, donc. Mais pas suffisamment pour atteindre l’objectif de 10,2 GW fixé par la précédente PPE pour fin 2018. Fin septembre 2018, la puissance photovoltaïque raccordée en France plafonnait à 8,76 GW. Au final, il devrait manque un peu plus d’un GW. Soit la puissance installée sur une année.
Les raisons de ce retard sont multiples. Un manque de soutien à la filière, des appels d’offre imposant un tarif trop bas, le manque de foncier pour construire des centrales de grandes ampleurs – et, plus généralement, le sentiment que le photovoltaïque n’était pas perçu comme une priorité par les autorités.
« Là où le potentiel est le plus important pour nous, c’est dans le solaire»
Mais la donne semble avoir changé. Cela s’explique par les tarifs des cellules photovoltaïques, en chute libre, et par une dynamique mondiale plébiscitant le photovoltaïque, désormais énergie renouvelable numéro 1 pour les investissements, et qui devrait, dans un avenir proche, devenir leader des investissements, toute source d’énergie confondue.
L’année 2018 donne le sentiment d’un réveil, tant d’EDF que du gouvernement français, qui semblent s’apercevoir que le photovoltaïque va devenir l’énergie la plus rentable du monde. Il l’est déjà dans les zones de fort ensoleillement. Mais il le deviendra aussi sous nos latitudes.
Premier signal fort envoyé à la filière : en janvier, EDF annonce un grand plan solaire, visant 25 milliards d’investissement entre 2020 et 2035. Avec un mea culpa du patron de l’énergéticien, Jean-Bernard Levy : « Il faut reconnaître que des freins, des lenteurs ont pu donner ce sentiment paradoxal qu’en France, nous n’étions pas complètement en phase avec ce mouvement mondial accéléré en faveur des énergies nouvelles ». Une profession de foi : « Là où le potentiel est le plus important pour nous, c’est dans le solaire». Et une promesse de fédérer les énergies et de libérer les friches d’EDF pour y construire des centrales photovoltaïques.
Un plan solaire gouvernemental à l’écoute de la filière
Second signal : le gouvernement a missionné, en avril 2018, un groupe de travail sur le photovoltaïque en France, piloté par le secrétaire d’Etat à la transition écologique, Sébastien Lecornu. Ses conclusions, rendues en juin 2018 et s’appuyant très largement sur les avis de la filière, prennent la forme d’une série de mesures, intégrées par la suite à des lois ou des décrets.
Un des axes de ces propositions est de faciliter la décentralisation des politiques énergétiques et le développement de l’autoconsommation. Une des mesures vise ainsi à élargir la maille des projets d’autoconsommation collective. Autrefois bridé par le fait de devoir s’installer en aval d’un poste de transformation d’électricité de moyenne en basse tension, ils peuvent désormais se déployer entre consommateurs et producteurs dans un rayon d’un kilomètre.
Deux priorités : le secteur agricole et la libération de foncier
Le groupe de travail a obtenu, également, une simplification des démarches administratives, de nature à faire gagner du temps (et de l’énergie) aux professionnels de la filière. Des mesures ont également été mises en place pour favoriser l’essor du photovoltaïque dans le monde agricole, dans une optique d’autoconsommation. En effet, les exploitations agricoles disposent de réserve foncière importantes et sont souvent dans une situation économique précaire – d’où leur intérêt à faire des économies d’énergie, voire gagner de l’argent en vendant de l’électricité sur le réseau.
Autre bonne nouvelle : plusieurs institutions et acteurs privés se sont engagés à soutenir la filière en libérant des terrains. C’est notamment le cas du ministère des Armées, qui va mettre 2 000 hectares à disposition pour l’installation de fermes photovoltaïques. La SNCF va mobiliser ses friches ferroviaire, et veut équiper ses toits de panneaux. Des enseignes de grande distribution se sont également engagées à installer massivement des panneaux photovoltaïques sur leurs ombrières de parking.
Une PPE qui valide une réelle ambition française
L’année s’est achevée par la publication de la nouvelle Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE), qui fait la part belle au photovoltaïque. Les objectifs fixés pour la filière sont les plus ambitieux de la nouvelle feuille de route énergétique. La France vise, d’ici fin 2023, 20,6 GW de puissance photovoltaïque raccordée, et entre 35,6 et 44,5 GW d’ici fin 2028. Soit environ 2,3 GW par an d’ici 2023. Et entre 3 GW et 4,78 GW par an entre 2023 et 2028.
Rappelons que l’année 2018 devrait dépasser péniblement le chiffre de 1 GW. Et que les appels d’offre des deux dernières années annoncent, déjà, que 2019 ne dépassera pas les 2 GW. Bien entendu, ces chiffres rendent les professionnels de la filière optimistes : de tels objectifs prouvent que le gouvernement a réellement la volonté de soutenir largement le photovoltaïque. Mais de nombreuses zones d’ombre demeurent. Rendez-vous demain, pour la seconde partie de notre étude, qui se penchera sur le coté obscur de cette année 2018.