En France, l’opinion publique comme le gouvernement, par la voix de Nicolas Hulot, sont favorables à une bascule des investissements énergétiques du nucléaire vers les renouvelables. Pour répondre à ces demandes, EDF vient de présenter un ambitieux « plan solaire », qui prévoit notamment 25 milliards d’investissement dans le photovoltaïque entre 2020 et 2035.
Nous avons vu, dans la première partie de notre étude, comment les Français se montraient nettement favorables à des investissements dans les énergies renouvelables plutôt que dans le nucléaire, et comment le ministre de la Transition Ecologique et Solidaire, Nicolas Hulot, avait mis la pression sur EDF pour aller, rapidement, dans ce sens.
La France en retard sur le développement du photovoltaïque
La première réponse concrète de l’énergéticien a été la présentation, le 11 décembre 2017, d’un vaste « plan solaire », visant à combler une partie du retard français dans le domaine de l’électricité photovoltaïque.
En la matière, ce retard tient en quelque chiffres : la France dispose du cinquième potentiel d’ensoleillement d’Europe, mais le photovoltaïque fournit seulement 1,6% de l’électricité produite, contre 6% pour l’Allemagne et 3,5% pour le Royaume-Uni – ce dernier pays ayant pourtant un ensoleillement plus faible que la France !
Et Jean-Bernard Levy, le PDG d’EDF, l’a admis de bonne foi : « Il faut reconnaître que des freins, des lenteurs ont pu donner ce sentiment paradoxal qu’en France, nous n’étions pas complètement en phase avec ce mouvement mondial accéléré en faveur des énergies nouvelles ».
25 milliards d’euros sur quinze ans, pour passer de 7 à 30 GW installés
EDF envisage des investissements à hauteur de 25 milliards d’euros entre 2020 et 2035, avec pour objectif de passer de 7 GW de puissance photovoltaïque installée en France à plus de 30 GW à l’horizon 2035. Le but, selon Jean-Bernard Lévy, est de provoquer « une formidable accélération du solaire photovoltaïque ».
Le choix du photovoltaïque est vigoureusement défendu par ce dernier, qui estime que l’éolien, dont le potentiel reste élevé en France, souffre grandement des lourdeurs administratives ou d’oppositions de riverains : la quasi-totalité des parcs éoliens de France prennent du retard dans leur installation, et la France peine encore à valoriser un potentiel off-short conséquent.
Le photovoltaïque, plus facile à développer à grande échelle que l’éolien
«Il est très difficile aujourd’hui d’implanter en France des fermes éoliennes d’importance. On arrive à faire quatre machines par-ci, six machines par là», note Jean-Bernard Lévy, qui complète : «Le potentiel éolien français, qu’il soit à terre ou en mer, nous pensons que dans une première étape il va continuer à croître mais il est limité. Là où le potentiel est le plus important pour nous, c’est dans le solaire».
En effet les panneaux photovoltaïques ne posent pas les mêmes soucis de nuisances, visuelle, sonore ou écologique : ils sont simples à installer, la technologie a grandement progressé ces derniers années, faisant baisser les coûts et augmenter le rendement des panneaux. Dès lors, l’option photovoltaïque s’impose pour un développement rapide.
Cela ne signifie pas que l’éolien est abandonné, le gouvernement va continuer de lancer des appels d’offre d’importance – simplement EDF fait le choix de favoriser le solaire à très grande échelle.
Puiser dans le patrimoine foncier d’EDF pour installer des fermes solaires
La filière EDF Energies nouvelles (EDF EN) s’occupera de la mise en œuvre de ce plan, qui va nécessiter de l’espace, beaucoup d’espace – entre 25 000 et 30 000 hectares. Pour y parvenir, le groupe entend mobiliser au premier chef son important patrimoine foncier : « Nous avons lancé un inventaire pour repérer les terrains à proximité des centrales nucléaires, les friches industrielles ou les sites en démantèlement utilisables », détaille Antoine Cahuzac, président d’EDF EN.
Le groupe veut également continuer le développement du photovoltaïque flottant, une technologie émergente mais prometteuse, en utilisant notamment les retenues d’eau de ses barrages : il s’agira d’installer des panneaux photovoltaïques sur ces étendues d’eau, pour bénéficier à la fois d’un ensoleillement maximum dans ces zones sans ombre, de la réflexion solaire sur l’eau et du rafraîchissement naturel des panneaux qu’offre cet élément liquide sous eux.
Des fermes géantes, cofinancées par des partenaires
EDF compte investir également les toits de certains bâtiments pour les couvrir de panneaux photovoltaïques (hangars, centre commerciaux), mais le « plan solaire » s’appuiera surtout sur des grandes fermes au sol, de très grande capacité, supérieure à 100 MW. Le groupe estime que pour des projets de cet ampleur, une mobilisation de partenaires financiers sera aisée, la visibilité économique de ces fermes étant assurée.
En effet, EDF EN ne compte pas débourser seul ces 25 milliards d’euros, le groupe compte sur le soutien de partenaires, d’investisseurs et de banques pour cofinancer certains projets, notamment les plus importants. La viabilité de cet ambitieux plan repose également sur la baisse des coûts du solaire, qui atteint encore les 50 euros le mégawattheure (MWh) en France, mais que le groupe estime pouvoir faire baisser de 20% d’ici 2022.
A titre de comparaison, les fermes solaires les plus économiques récemment construites, dans des zones à l’ensoleillement maximal, au Mexique ou en Arabie Saoudite, ont fait descendre les prix sous les 20 euros le MWh.
Un nécessaire accompagnement gouvernemental
Par ailleurs, avec l’annonce de ce plan, EDF renvoie la balle au gouvernement : si le ministre avait pu se montrer critique avec le manque d’engagement du groupe dans le renouvelable, les ambitions qu’affichent désormais EDF auront besoin d’un fort soutien gouvernemental pour être atteinte.
Il faudra d’abord faire évoluer la législation, rapidement, pour permettre la mise en place de très grandes fermes solaires – ce qui n’est pour l’instant pas possible. Il faudra aussi, et surtout, que le rythme des appels d’offre gouvernementaux suive celui des projets d’EDF : en effet, en France, une ferme solaire ne peut être construite sans faire l’objet d’un appel d’offre par le gouvernement.
Il est probable que sur certains projets, notamment ceux situés sur des terrains appartenant à EDF, l’énergéticien d’Etat n’aura pas de grande concurrence, mais ces étapes administratives sont indispensables. Il convient maintenant aux autorités et à EDF de marcher main dans la main pour faire de cet ambitieux plan une réalité qui fera vraiment basculer la France vers sa transition énergétique.