La production d’électricité d’origine hydraulique demeure un pilier du mix énergétique français. Elle offre une flexibilité bienvenue, notamment dans l’optique d’une transition énergétique. Et si l’essentiel du potentiel français est déjà exploité, de nouvelles centrales d’hydro-électricité pourraient voir le jour, et soutenir les autres énergies renouvelables. Mais des blocages ralentissent souvent leur déploiement.

L’année 2018 a été celle du rebond pour la production d’hydro-électricité en France : après une année 2017 historiquement sèche, à la production limitée à 49,6 Twh (en baisse de 18% par rapport à 2016), les trois premiers trimestres de 2018 annoncent une année record, selon les chiffres du dernier Baromètre des énergies renouvelables en France de l’Oberv’ER (après l’éolien et le photovoltaïque, nous analysons ses conclusions sur l’hydro-électricité).

En neuf mois la filière a produit plus de 63 GWh : de quoi dépasser probablement les 80 GWh sur l’année, effaçant des tablettes le record de 75 GWh de l’année 2013.

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Une puissance installée stable, dominée par les grandes centrales de lacs

Pour autant, si la production d’électricité d’origine hydraulique varie d’une année à l’autre, en fonction notamment de la pluviométrie, la puissance installée en France évolue peu. La plupart des grands ouvrages réalisables l’ont été. Fin septembre 2018, 25,8 GW de puissance hydraulique étaient raccordée au réseau électrique, répartie sur 2 300 sites. Les 95 plus grandes centrales (entre 50 et 600 MW) représentent à elles-seules 60% de cette capacité.

La plupart de ces grandes centrales sont des centrales de lac, associées à des barrages. La France compte une centaine de ces centrales, pour une puissance totale de 9 GW. Les centrales d’éclusée, qui fonctionnent sur le principe d’une retenue d’eau temporaire (quotidienne ou hebdomadaire) utilisée pour répondre aux pics de consommation, représentent 4,2 GW répartis sur 150 centrales, la plupart de taille moyenne. Les centrales au fil de l’eau sont à la fois les plus nombreuses et celles dont la puissance moyenne est la plus faible : 7,6 GW en tout pour cette technologie, réparti sur 1 900 sites. Enfin, la dizaine de STEP que compte la France représentent en tout 4,5 GW de puissance, qui sont davantage un dispositif de stockage qu’une capacité de production brute.

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D’un point de vue géographique, les Alpes et les Pyrénées regroupent la majorité de grandes installations. Conséquemment, la région Auvergne-Rhône-Alpes, avec 11,6 GW installés, représente à elle seule 45% du total français, et l’Occitanie, avec 5,38 GW, environ 21%.

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L’hydro-électricité, une aubaine pour la transition énergétique et la flexibilité

L’hydro-électricité demeurent donc, et de loin, l’énergie renouvelable numéro 1 en France. Mieux, elle a un rôle central dans l’optique de la transition énergétique, en soutien de source d’énergies intermittentes, par la flexibilité bienvenue qu’elle offre au réseau électrique. L’hydraulique permet en effet dans le même temps de fournir  une production régulière d’électricité, de soutenir le réseau en cas de pic de consommation grâce aux centrales de lac, ou d’absorber les surplus de production en cas de période de basse consommation, grâce aux STEP. L’hydro-électricité est ainsi un atout pour intégrer plus largement éolien et photovoltaïque.

L’exécutif ne s’y est pas trompé : durant son discours de présentation de la PPE, le président de la République a largement souligné l’importance de l’hydraulique et le soutien que l’Etat comptait lui accorder. Paradoxalement, malgré sa bonne santé, cette filière en a besoin : les projets de nouvelles centrales ou de rénovation de centrales existantes sont entravés par de nombreux freins.

Une PPE qui laisse la filière mitigée

Du coté des STEP, les grands sites exploitables ont déjà été mobilisés, mais plusieurs centrales gagneraient à être modernisés. Un potentiel fort existe aussi pour les petites STEP, s’appuyant sur des bassins existants (des anciennes carrières notamment) : le valoriser permettrait d’apporter une flexibilité bienvenue à niveau local, surtout dans l’optique d’un développement des renouvelables intermittents, en évitant les coûts de renforcement des réseaux.

Pour autant, si le soutien affiché par le président a satisfait les acteurs de la filière, ils sont restés plus mesurés devant les objectifs de la PPE. Si celui de maintenir la puissance installée au niveau actuel à l’horizon 2023 leur semble réaliste, compte tenu du peu de projets d’ampleur en cours et des délais de construction, l’objectif pour 2028, situé dans une fourchette entre 26,4 et 26,7 GW, paraît bien timide au regard du potentiel français.

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Des appels d’offre limités mais largement suivis

Une étude de la Direction Générale de l’Energie et du Climat évalue ce potentiel à un maximum de 11,7 TWh de production supplémentaire par an, dont 10,3 TWh pour de nouveaux sites et 1,4 TWh par l’augmentation des seuils des centrales existantes. Mais ce potentiel est purement théorique, et largement limité par les contraintes écologiques imposés aux sites de production. Les trois-quarts de ce potentiel concernent ainsi des cours d’eau classés en catégorie 1, jouant un rôle clé dans la préservation de la biodiversité, où aucun nouvel ouvrage ne peut être construit. De même, les centrales doivent, depuis le 1er janvier 2014, réserver un débit minimum plus élevé pour garantir la vie, la circulation et la reproduction des espèces existantes.

Dès lors, les appels d’offre pour de nouvelles centrales sont limités, et concernent uniquement de petites centrales. Entre 2018 et 2020, trois cessions sont prévues, de 35 MW chacune, pour un total de 105 MW supplémentaire. Preuve de l’attractivité de la filière, près de 100 MW de projets ont été présentés en janvier 2018, pour 14 dossiers retenus, représentant 36,9 MW supplémentaire, à un prix moyen de 89,6 euros par MWh.

Des freins à lever pour éviter l’enlisement des nouveaux projets

Mais les arbitrages entre les différentes autorités chargées de valider les dossiers manquent aujourd’hui de cohérence, les recours sont souvent nombreux, enlisant de nombreux dossiers – même lauréats d’un appel d’offre. Les difficultés à faire aboutir les nouveaux projets sont tels que de nombreux acteurs préfèrent se détourner de cette énergie. Pourtant, des technologies existent pour allier construction de centrales et préservation de la biodiversité, mais qui peinent à être reconnues et prises en compte. De plus, la fiscalité pesant sur les parties des ouvrages dédiées à la préservation de cette biodiversité reste élevée. Les coûts de construction des centrales ont par ailleurs tendance à augmenter, sans que le prix de vente de l’électricité produite imposée par les appels d’offre ne compose cette hausse.

Ces freins posent question aux acteurs de la filière, et expliquent un développement actuellement très lent. La volonté présidentielle de développer l’hydro-électricité « partout où c’est possible » les rend néanmoins optimistes, même s’il faudra, pour lever ces freins, faire évoluer le cadre réglementaire afin de soutenir le développement de la filière. Les mois à venir seront, de ce point de vue, décisifs.

1 COMMENTAIRE

  1. Les ouvrages de production hydroélectriques ont ainsi un rôle majeur à jouer dans la fiabilité du Système Électrique de notre pays, pour pallier les fluctuations tant de la consommation que de la production (notamment du solaire et de l’éolien).
    Comme la plus grande partie d’entre eux (centrales de lac) gèrent un stock d’eau donc d’énergie, ils doivent être gérés pour garantir leur disponibilité en période de pointe de consommation ou de creux de production, pour assurer l’équilibre entre production et consommation, et ceci au moindre coût pour les consommateurs.
    Ce serait une erreur de confier la concession de ces ouvrages à des groupes privés, qui les exploiteraient avec l’objectif d’en tirer un bénéfice financier maximum, pas d’apporter une sécurité d’alimentation maximale aux consommateurs.

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