Le gouvernement a affiché sa volonté de lever le principal frein au plein essor du photovoltaïque en France, la disponibilité du foncier. Si les engagements de la SNCF et de la grande distribution sont encourageants, si les installations de panneaux sur les parking ou dans d’anciens sites industriels progressent enfin, c’est bien du coté du ministère des Armées qu’est venue la meilleure nouvelle de ces derniers mois.
La France accuse un certain retard dans le développement du photovoltaïque. Les énergies solaires comptent pour moins de 3% de la consommation électrique française, contre 6% en Allemagne par exemple, alors même que le pays dispose d’un potentiel d’ensoleillement nettement plus élevé.
Pourtant, les autorités semblent décidées à enfin favoriser largement cette énergie, poussée tant par l’effondrement des coûts (qui rend le photovoltaïque chaque jour plus rentable) que par l’urgence climatique et la nécessité de tenir les engagements pris – les centrales photovoltaïques étant plus rapides à installer que les fermes éoliennes, et moins sujettes aux recours, elles permettent un développement de la part d’EnR dans le mix électrique plus rapide.
Solaire : une PPE ambitieuse, s’appuyant pour les 2/3 sur les PV au sol
Le vaste plan solaire d’EDF de 2018 faisait ainsi du photovoltaïque la priorité pour développer les EnR électriques en France, suivi par le plan « Plein Soleil » du gouvernement, concrétisé par une nouvelle Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) plutôt ambitieuse. La puissance photovoltaïque installée en France est actuellement de 9 GW, et la PPE prévoit de la faire passer à 20 GW à horizon 2023, puis entre 35,6 et 44,5 GW en 2028.
Si les panneaux en toitures représentent un tiers de ce total, le reste doit provenir de panneaux installés au sol, si possible dans de grandes centrales, pour réaliser d’importantes économies d’échelle.
Le foncier, éternelle épine dans le pied du photovoltaïque en France
Or, pour installer une ferme photovoltaïque, il faut des terrains. L’accès au foncier demeure le frein principal au développement de cette énergie en France : « Il est difficile de trouver les terrains permettant de produire de façon compétitive », estime Samy Engelstein, responsable du photovoltaïque au Syndicat des énergies renouvelables (SER). Le gouvernement en est conscient, qui a fait de la libération du foncier sa priorité numéro 1. Et ce, d’autant plus que la loi interdit de transformer des terres agricoles en centrales PV.
Fin 2018, la SCNF a promis de mettre à disposition des friches ferroviaires dans ce but, la grande distribution s’est également engagée (sans effet contraignant) à installer massivement des PV sur les ombrières de ses parking. 200 hectares pourraient ainsi être libérés.
Valorisation des ombrières sur parking : les réalisations se multiplient
Globalement, la valorisation des parking comme espace d’installation de PV est en plein essor en France. En avril 2019, Neoen, le producteur français d’électricité d’origine renouvelable, a ainsi inauguré un parc solaire installé sur un parking d’une douzaine d’hectares, appartenant au logisticien Groupe Charles André, en banlieue lyonnaise.
Au total, 37 620 panneaux solaires ont été posés sur 61 ombrières, pour une production annuelle attendue de 19,5 GWh : « L’une des originalités de ce parc réside dans l’optimisation du foncier, avec la mise en place de panneaux à hauts rendements, qui assure une production d’un mégawatt heure par hectare, soit le double de ce qui se fait généralement. Cela montre que l’on peut construire des parcs solaires en gérant au mieux l’espace », détaille Xavier Barbaro, le PDG de Neoen.
A Carcassonne, le parking du centre hospitalier a été lui aussi équipé d’ombrières photovoltaïques. La centrale de 4,24 MW en résultant, inaugurée à l’été 2019, va permettre d’alimenter l’hôpital en électricité (pour 245 kW), le surplus étant vendu sur le réseau (pour 4 MW).
Les zones délaissées, un potentiel considérable
Autre piste d’importance pour libérer de l’espace : l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) a identifié 18 000 sites « propices à l’installation d’une centrale photovoltaïque qui pourraient générer plus de 50 gigawatts, soit bien plus que l’objectif fixé par l’Etat ». La plupart sont des « zones délaissées », anciens sites industriels, dépôts d’hydrocarbure, garages, carrières ou sites de stockage de déchets.
Sur ce front également, les premières réalisations d’importance sortent de terre. Neon a ainsi lancé, fin mars 2019, la construction d’un parc photovoltaïque à Remiremont (Haute-Garonne) sur une ancienne gravière du groupe Colas. Petit bonus : des moutons ont été engagés pour brouter l’herbe et éviter qu’elle cache les panneaux – une tonte écologique, en somme.
Un site classé Seveso converti en centrale photovoltaïque
Le 3 juillet 2019, Corsica Sole, acteur innovant du photovoltaïque, a lui aussi inauguré une centrale photovoltaïque au cœur de l’usine Arkema de Saint-Auban (Alpes de Haute-Provence). Ce site industriel, classé Seveso, est toujours en activité, mais une partie des terrains, qui accueillaient des ateliers de solvant, étaient devenus des friches contaminées et inutiles.
Ces terrains, représentant 10 des 51 hectares du site industriel, ont donc été équipés de panneaux photovoltaïques, pour former une centrale de 10 MW : « Cette centrale témoigne de la capacité de Corsica Sole à apporter des réponses nouvelles à des problématiques complexes. L’innovation, fait partie de notre ADN. Nous l’avions déjà démontré en ouvrant en Corse la première centrale avec stockage d’énergie en 2015 et en réalisant le premier parasol solaire au monde, via notre filiale Driv’Eco, en 2016 » défend Michael Coudyser, directeur général de Corsica Sole.
Au-delà, ce projet, lauréat d’un appel d’offre de 2016 de la CRE, est une démonstration grandeur nature de la possibilité de valoriser les sites classés Seveso en centrales photovoltaïques.
Mais c’est bien du coté des Armées que le potentiel foncier immédiatement disponible est le plus élevé. Il va commencer à être mis à disposition de la transition énergétique française, comme nous le verrons dans la suite de notre étude.