L’Energy Observer est un bateau hybride, fonctionnant avec trois énergies renouvelables et deux unités de stockage différentes. Sa mission est à la fois technologique et pédagogique, puisqu’il voyage de par le monde pour défendre et expliquer la transition énergétique. Mais comment cet étonnant navire fonctionne-t-il ?

Nous avons présenté, dans la première partie de notre étude, le projet de l’Energy Observer, son histoire, ses objectifs à la fois techniques et pédagogiques, son financement, son programme de navigations et d’escales jusqu’en 2022. Nous allons désormais rentrer dans le cœur de l’ambition énergétique de ce surprenant navire électrique.

Penser un bateau autonome énergétiquement

D’emblée, l’Energy Observer a été pensé comme un bateau visant l’autonomie énergétique et la neutralité carbone. D’un poids de 30 tonnes, il n’émet aucun gaz à effet de serre ou de particules fines, étant électrique. Pour alimenter ce moteur électrique, Victorien Erussard et Jérôme Delafosse l’ont équipé de trois sources d’énergie renouvelable différentes, pour sécuriser l’apport électrique.

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La majorité des bateaux de plaisance qui fonctionnent aux énergies renouvelables sont dotés de panneaux photovoltaïques sur leur revêtement : c’est la source verte la plus traditionnellement associée à la marine. L’Energy Observer ne fait, bien entendu, pas exception : il était à l’origine recouvert de 120 m2 de panneaux photovoltaïques, mais le chantier d’optimisation conduit entre décembre 2017 et mars 2018 a porté cette surface à 143 m2.

Le photovoltaïque, principale source d’électricité de l’Energy Observer

La puissance installée est de 23,7 kWh, permettant de produire entre 50 et 150 kWh en fonction de la saison et de la latitude. L’Energy Observer combine plusieurs technologies de panneaux photovoltaïques pour optimiser sa production en fonction des spécificités d’un bateau.

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Ainsi, toutes les panneaux installés à l’horizontale, sur le revêtement du bateau, sont équipés de cellule Sunpower conformable, classiques, avec ou sans antidérapant en fonction de la partie du navire qui est équipée.

Trois types de cellules photovoltaïques différentes

En revanche, les ailes solaires latérales, l’aile solaire arrière ainsi que sur la verrière de la nacelle centrale ont été recouvertes de cellules bifaciales, une technologie développée en collaboration avec l’Institut National de l’Energie Solaire à Chambéry. Elle permet de valoriser la réverbération du solaire sur les surfaces blanches du bateau et sur la mer, offrant 30% d’énergie en plus.

Certaines de ces cellules bifaciales ont, en plus, bénéficié de la technologie expérimentale de l’hétérojonction, qui permet deux combiner deux types de silicium, offrant un rendement en moyenne plus élevé de 22% qu’une cellule classique.

Des éoliennes verticales sur un bateau

L’Energy Observer utilise également l’énergie du vent grâce à deux éoliennes : certains navires ont déjà testé l’utilisation d’éoliennes, avec un axe systématiquement horizontal. Mais Victorien Erussard et Jérôme Delafosse ont préféré expérimenter deux éoliennes d’1kW à axe vertical, plus efficaces pour récolter l’énergie de vents changeants. Cette technologie offre notamment un meilleur rendement à de basses vitesses de vent.

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Ces deux éoliennes fonctionnent en navigation ou en mouillage ; elles offrent une électricité d’appoint au navire (5% du total environ), qui reste propulsé en grande partie par les panneaux solaires (près de 95%).

Des moteurs réversibles, qui se transforment en hydroliennes

Nous avons évoqué trois sources d’énergies renouvelables : la troisième, qui est également un appoint, se cache… dans les moteurs du bateau ! L’Energy Observer est équipé de deux moteurs de 42kW, représentant une puissance totale de 115 chevaux. Conçus par Phase Automation, ils proposent le plus haut rendement du marché actuel, de l’ordre de 97%, évitant tout gaspillage d’énergie.

Mais ces deux moteurs sont également réversibles : ils peuvent être transformé en générateurs d’électricité, produite grâce au mouvement de l’eau, à la manière d’une hydrolienne. C’est notamment le cas quand le bateau est tracté, ou quand il est amarré dans une zone avec un fort courant, notamment dans un fleuve.

Stocker l’électricité : les batteries Lithium-ion

Pour autant, l’Energy Observer fonctionne donc, essentiellement, avec de l’énergie solaire. Mais il parvient également à avancer la nuit, ou quand le soleil est absent. Il dispose en effet de deux solutions de stockage. La première est une unité pour le stockage à court terme, composée de batteries Lithium-ion, pour un poids total d’1,4 tonnes.

Elles servent tout particulièrement pour faire avancer le navire en cas de temps nuageux ou en fin de journée, quand le soleil faiblit.

Stocker l’électricité : une chaîne hydrogène complète à bord

Ces batteries passent le relai à l’hydrogène pour les longues routes de nuit ou les journée de mauvais temps. Car, contrairement à ce qui est parfois dit ou écrit de l’Energy Observer, il ne s’agit pas d’un bateau « à hydrogène » : son moteur n’est pas propulsé à l’aide de l’hydrogène, mais surtout, contrairement à des projets de cargos à hydrogène, son principe n’est pas de partir avec un gigantesque réservoir rempli d’hydrogène produit à terre par des sources renouvelables.

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L’Energy Observer produit lui-même son hydrogène, à partir de l’eau de mer. Ses flotteurs sont équipé d’une chaîne complète qui permet de désaliniser, purifier, électrolyser, compresser à 350 bars et stocker l’hydrogène dans huit réservoir. L’hydrogène est ensuite converti en électricité grâce à une pile à combustible.

L’ensemble de cette chaîne hydrogène (électrolyseur, compresseur, réservoir, pile à combustible) pèse 2,1 tonnes et offre un rendement de seulement 30%, contre 90% pour les batteries – mais il est beaucoup plus léger et compact, et permet ainsi de stocker davantage d’électricité à poids et volume égal, le rendant idéal pour le stockage au long terme.

Une mission pédagogique qui nécessite de se brancher parfois

C’est également pour cette raison, associée à sa dimension pédagogique, que l’Energy Observer n’est pas, à proprement, autonome énergétiquement. En effet, en mer, les panneaux solaires peuvent remplir les réservoirs sur une période compris entre 32 et 96 jours (en fonction de l’ensoleillement) ; donc, en optant pour une navigation favorisant les trajets de jour, en arrêtant parfois les moteurs la nuit pour ne pas utiliser trop souvent les réservoirs à hydrogène et les garder pour les cas de gros temps, l’Energy Observer fonctionne en autonomie énergétique.

Mais Victorien Erussard et Jérôme Delafosse ont préféré multiplier les trajets et les escales, afin de visiter plus de ports et de pays. Pour ce faire, le bateau doit avancer toutes les nuits, si bien qu’il faut souvent recharger une partie des réservoirs à hydrogène en branchant le bateau au port sur le réseau électrique local (il lui faut un peu moins d’une semaine à quai pour remplir la totalité de ses réservoirs).

Comme un micro-grid navigant

Au final, l’Energy Observer fonctionne exactement comme un micro-grid, produisant, stockant, consommant de l’électricité en fonction de ses besoins, captant parfois de l’électricité à partir du réseau électrique, mais fonctionnant la majeure partie du temps en autonomie, et visant, à terme, le 100% d’autonomie.

Il est ainsi tout à la fois un démonstrateur des technologies d’énergies renouvelables adaptées à la navigation maritime, et un démonstrateur de micro-réseau électrique aux enseignements applicables également à terre – tout en prêchant la bonne parole de la transition énergétique.

Sil y a bien un projet énergétique dont la France peut être fière, c’est bien celui-là !

 

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