Le transport maritime demeure un considérable émetteur de gaz à effet de serre, et les solutions technologiques matures pour le rendre plus propre ne sont pas légion. La propulsion à hydrogène semble aujourd’hui capable de remplacer les combustibles fossiles, notamment pour les cargos. Mais, comme pour le transport automobile, l’hydrogène peut très vite devenir un faux ami, faussement vert. Vigilance de mise.

Le transport maritime tend à conquérir la palme des pollueurs, car les système de propulsion et les moteurs des bateaux, notamment des cargos géants, en plus d’être hautement toxiques, n’ont pas connu les mêmes améliorations en terme d’émissions que les moteurs à explosion du secteurs automobile.

Bientôt plus polluant que le transport terrestre en Europe ?

Si bien que Hjalti Pall Ingolfsson, un analyste de la compagnie Icelandic New Energy, a estimé que les navires vont rapidement devenir la plus importante source de pollution de l’air dans l’Union Européenne : d’ici 2020, les émissions de dioxyde de soufre et d’oxydes d’azote provenant des navires dépasseront les émissions des transports terrestres en Europe.

Mais comment rendre le transport maritime plus propre ? Pour les petits navires de plaisance, effectuant de petites distances, la solution pourrait être l’électrification des moteurs associée à des batteries stockant de l’énergie d’origine renouvelable.

L’électrification des moteurs, une bonne solution, mais limitée aux petits bateaux

Certains bateaux disposent même déjà d’un couple panneau photovoltaïque – batterie, afin de produire leur propre électricité et d’atteindre l’autonomie. Bien évidemment, cette solution est encore très loin d’être généralisée, mais elle est techniquement viable, une volonté politique forte pourrait l’imposer.

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Mais ces petits bateaux, même extrêmement nombreux, ne pèsent pas lourd, en terme d’émissions de polluants, face aux géants des mers, cargos, porte-containers, tankers, qui effectuent des distances considérables et nécessitent un moyen de propulsion plus puissant qu’un moteur électrique.

Des initiatives existent pour réduire la pollution de ces navires, par exemple en mélangeant au diesel du gaz naturel ou du méthanol. Cette voie est prometteuse pour rendre le transport plus propre, et elle doit continuer à être encouragée ; mais elle ne permet pas, actuellement, de faire naviguer un bateau avec une propulsion 100% verte. Voir un géant des navires avancer uniquement grâce à du biogaz ne semble pas encore pour demain, ni même pour après-demain.

La propulsion à hydrogène, seule voie pour une propulsion propre ?

Dès lors, la meilleure option pour propulser ces navires avec une énergie propre semble être d’utiliser la combustion de l’hydrogène. Des petits bateaux à hydrogène circulent déjà, comme la navette fluviale Jules Verne 2 à Nantes, qui transporte d’une rive de l’Erdre à l’autre une dizaine de passagers. Mais des armateurs envisagent de l’utiliser pour propulser des bateaux au tonnage autrement plus impressionnant, au Japon notamment, où Kawasaki Heavy Industry a annoncé à l’horizon 2030 un bateau de grande taille utilisant une pile à combustible.

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Les plus avancés, en la matière, semblent être les armateurs norvégiens de Viking Cruises. L’entreprise travaille à un prototype de navire à hydrogène liquéfié, le Viking FellowSHIP, long de 230 mètres et pouvant transporter 900 passagers – ce n’est pas encore un cargo surdimensionné, mais on est également très loin de la petite navette fluviale.

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« En tant que norvégiens avec des navires norvégiens, nous voulons ouvrir la voie à des navires à zéro émission grâce à la technologie des piles à combustible. La route à ce stade est encore longue, mais ici à Viking, nous voulons être en avance » a ainsi déclaré en septembre 2017 Torstein Hagen, président de Viking Cruises.

La route est longue et les adorateurs de l’hydrogène souvent aveuglés

La première mauvaise nouvelle est que la route semble effectivement encore très longue avant de voir un bateau de fort tonnage circuler en rejetant uniquement de l’eau. Les expérimentations se multiplient, mais les délais semblent excessivement longs.

La seconde mauvaise nouvelle est qu’il faut se méfier de l’hydrogène. Présenter un navire (ou une voiture) qui avance sans aucune émission de polluants est impressionnant. Rappeler que l’hydrogène est le composé le plus abondant de l’univers et qu’il est le carburant de notre soleil renforce l’espoir. Mais s’arrêter à ce constat est dangereux. Car pour pouvoir faire fonctionner une pile à combustible, l’hydrogène doit avoir été mis sous pression. Mettre de l’hydrogène sous pression nécessite… de l’énergie. Et l’origine de cette énergie est au cœur des problématiques (et polémiques) sur l’utilisation de l’hydrogène dans les transports.

Car, aujourd’hui, 95% de l’hydrogène sous pression est produit par combustion de combustibles fossiles, gaz ou, pire, charbon. Le bateau qui l’utilise ne produira, certes, que de la vapeur d’eau. Mais qui correspondra à des kilos de CO2 nécessaire à pressuriser l’hydrogène.

L’hydrogène ne produit pas d’énergie par lui-même, il stocke une énergie qu’il a fallu produire

C’est toute l’ambigüité de ce gaz : il est trop souvent vu comme un combustible existant ex nihilo, à l’exemple du pétrole ou du gaz naturel. Alors que l’hydrogène sous pression est en fait une énergie stockée, que la pile à combustible libère. L’hydrogène ne produit aucune énergie par lui même : il permet de stocker très efficacement une énergie qui a été produite.

Toute la question est donc l’origine de cette énergie, pour aujourd’hui et pour demain. Car il ne faut pas non plus verser dans le catastrophisme inverse, en affirmant que, l’hydrogène étant produit aujourd’hui à partir de combustible fossile, il n’est pas une solution d’avenir.

Anticiper l’avenir, accepter un hydrogène « sale » pour qu’il soit un jour propre

Electrifier le transport automobile (et même le transport maritime petite distance) est une entreprise dont l’impact écologique à moyen terme est quasi-certain : aujourd’hui, une part encore importante de l’électricité utilisée pour ces véhicules est produite à partir de charbon ou de gaz, générant des émissions de gaz à effet de serre. Mais son développement est programmé pour aller de pair avec celui de sources d’électricité renouvelable intermittente, parfaitement adaptée à ce modèle technologique.

Pour l’hydrogène, la même logique prévaut. Les investissements verts dans cette technologie partent du principe que les sources d’énergie renouvelable intermittente vont continuer de se développer largement et qu’elles pourront produire de grandes quantités d’hydrogène vert. Symptomatiquement, le numéro un mondial de la production d’hydrogène, le français Air Liquide, vient d’ouvrir au Danemark, à Hobro, une usine de production d’hydrogène décarboné.

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La grande différence entre le transport maritime et le transport automobile est que le premier n’a pas réellement d’alternative viable à l’hydrogène pour équiper ses géants des mers.

Conclusion : l’hydrogène est-il l’avenir d’un transport maritime propre ? Réponse : très probablement, mais attention à ne pas être trompé sur la marchandise…

 

 

 

 

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