Mis à l’eau en 2017, l’Energy Observer est un bateau mêlant trois types d’énergies renouvelables et deux solutions de stockage pour atteindre l’autonomie énergétique : projet à la fois technologique et pédagogique, porté par un marin et un scaphandrier-réalisateur originaires de Saint-Malo, il sillonne les mers pour convaincre les populations de s’engager la transition énergétique.
Au démarrage de ce beau projet, on retrouve, comme souvent, une rencontre humaine. Victorien Erussard est un ancien coureur au large et officier de marine marchande, passionné de nature et d’écologie, persuadé que la sauvegarde de la planète passe par des projets innovants et par la conversion des populations à la transition énergétique. Jérôme Delafosse est scaphandrier professionnel et réalisateur documentaire, lui aussi convaincu par la nécessité d’agir vite pour l’avenir de notre Terre.
Energy Observer, un démonstrateur d’EnR à visée pédagogique
Ils habitent tous les deux Saint-Malo : c’est dans cette ville qu’ils se sont rencontrés et qu’ils ont fondé, ensemble, le projet « l’Odyssée pour le Futur d’Energy Observer ». Leur idée : transformer un catamaran de course au large en un prototype de bateau du futur, propulsé uniquement par des énergies renouvelables et donc autonome énergétiquement. Quand on sait les problématiques que posent la conversion des bateaux à des énergies propres, la démarche est déjà salutaire, dans l’esprit du Solar Impulse, le projet d’avion solaire de Bertrand Picard et André Borschberg.
Mais les deux hommes décident, d’emblée, d’ajouter une dimension pédagogique à leur entreprise : ce bateau, nommé « Energy Observer », est un démonstrateur grandeur nature, mais il va tester ses technologies en voyageant à travers le monde, faisant de régulières escales pour informer les populations sur la transition énergétique, en s’appuyant sur le modèle proposé par le bateau lui-même.
Renouant ainsi avec l’esprit de la Calypso de Jacques-Yves Cousteau, Victorien Erussard et Jérôme Delafosse décident de réaliser des documentaires au fil de leurs voyages, équipant le bateau de matériel de tournage et de montage.
Un ancien catamaran, transformé en navire électrique multi-EnR et multi-stockage
Pour ce faire, ils récupèrent un catamaran de course qu’ils reconditionnent. Et pas n’importe quel bateau : Energy Observer est en fait l’ancien Formule Tag du navigateur Mike Birch, construit au Canada en 1983. Ce bateau a marqué l’histoire des multicoque en étant le premier voilier à franchir les 500 miles en moins de 24 heures, dès 1984, puis en battant de nombreux records, dont celui du tour du monde en équipage, en 1994. Recycler un bateau rentre d’ailleurs parfaitement dans la logique des deux fondateurs, qui n’entendaient pas construire un navire ex nihilo.
Pour autant, l’Energy Observer n’est pas un bateau à voile. Il est propulsé à l’aide d’un moteur électrique, alimenté par trois type d’énergies renouvelables : solaire, éolienne et hydrolienne. Pour répondre à l’intermittence de ces énergies, l’Energy Observer dispose de deux solutions de stockage à bord : des batteries lithium-ion pour le court terme, de l’hydrogène, produit à par électrolyse de l’eau de mer, pour le long terme.
L’idée est de tester un maximum de technologies et d’optimiser l’utilisation de ces trois énergies et du stockage, afin d’atteindre l’autonomie énergétique. Tous les ans, le bateau sera mis à quai pour un nouveau « chantier », amélioration ou modification de certains de ses aspects, en fonction des enseignements de l’année passée.
Un projet privé, soutenu par des sponsors, des mécènes et des institutions
Energy Observer est un projet privé, financé par le sponsoring et le mécénat. Les quatre partenaires principaux sont AccorHotels, Thélem Assurances, Delanchy Transports et Engie. Le projet est également soutenu par plusieurs entreprises d’importance comme Toyota, CCR, Air Liquide, Delta Dore ou Le Petit Forestier, ainsi que par des partenaires technologiques et opérationnels.
L’Energy Observer reçoit également le soutien d’institutions de premier plan, comme l’Union Européenne, l’UNESCO, l’IRENA (Agence internationale de l’énergie renouvelable) et le Ministère de la Transition écologique et solidaire.
L’ancien ministre Nicola Hulot est d’ailleurs un ami de longue date de Victorien Erussard. Il a accepté de parrainer le projet : « Energy Observer est plus qu’un bateau c’est un démonstrateur et un capteur de solutions . Il dessine un futur déjà présent. Un projet évolutif au long cours qui se veut créer une vague d’énergie positive. Energy Observer est un condensé d’énergies renouvelables qui donne envie de précipiter la transition énergétique. Je me reconnais dans l’état d’esprit de l’équipe qui est résolument tourné non plus vers un constat mais vers l’innovation » a déclaré Nicolas Hulot.
Victorien Erussard a même été nommé premier ambassadeur français des Objectifs de développement durable (ODD) par le gouvernement, et le bateau a reçu le haut patronage de président Emmanuel Macron.
Un voyage de 6 ans autour du monde, avec une centaines d’escales
L’ensemble de ces soutiens a permis au projet de se concrétiser rapidement. Et c’est donc un bien étrange esquif qui a quitté le port de Saint-Malo pour la première fois le 26 juin 2017, après avoir été mis à l’eau le 14 avril de la même année.
L’Energy Observer est parti pour une expédition de six ans, qui le conduira dans 50 pays, avec une centaine d’escales prévues d’ici 2022 : capitales maritimes, ports historiques, réserves naturelles, écosystèmes menacés et grands événements internationaux. Après avoir longé les côtes française et espagnole en 2017, allant de Saint-Malo à la Seyne-sur-Mer, il consacre l’année 2018 à un tour de la Méditerranée, avant de partir en Europe du Nord, le long des côtes atlantiques, à partir de 2019.
L’Energy Observer voyage avec une équipe de 4 à 10 personnes suivant les étapes ; l’équipage est aussi bigarré que le projet du navire, puisqu’on retrouve des marins issus de la course au large ou de la marine marchande, des ingénieurs et une équipe de tournage. Victorien Erussard est le capitaine du navire, Jérôme Delafosse le chef d’expédition ; deux bordées d’équipage se relaient toutes les trois semaines, pour que le navire reste opérationnel 7 jours sur 7.
Un équipage composé de marins, d’ingénieur, de cinéastes, dans un bateau confortable
L’Energy Observer veut également prouver que l’on peut naviguer aux énergies renouvelables dans des conditions autres que spartiates : « Réduire notre impact sans réduire notre confort » a été le mantra de l’équipe pendant la conception du bateau.
L’Energy Observer offre en effet un confort bien supérieur à un bateau de compétition, avec une cuisine tout équipée, des cabines petites mais inspirées de l’hôtellerie de luxe. Bien entendu, il peut arriver que, pour économiser un peu d’électricité pour le moteur, certains appareils électriques soient temporairement interdits – il faut alors renoncer à manger et boire chaud !
Mais ce bateau multicoque, multi-énergies et multi-stockage, comment fonctionne-t-il de l’intérieur ? Rendez-vous demain pour découvrir l’alliage de technologies qui fonde l’originalité profonde de l’Energy Observer.