Les statistiques de vente de véhicules électriques dans le monde au premier semestre 2019 sont tombées. La hausse se poursuit largement, confirmant le franc décollage de ce marché. Qui plus est, tout est en place (financement, modèles industriels, soutiens publics…) pour que cette tendance s’accentue dans les années à venir. Tirée par une locomotive nommée Chine. Début du tour d’horizon.
Cette fois, ce n’est plus un frémissement. Les ventes de véhicules électriques dans le monde poursuivent leur hausse, qui tend à devenir exponentielle. Cette hausse continue semble annoncer une prochaine maturité de ce marché, dans lequel tous les constructeurs automobiles sont décidés à s’engager. C’est d’autant plus net qu’elle prend place dans un marché automobile globalement en régression.
C’est le résultat de l’analyse, par nos collègues d’Automobile Propre, des statistiques des ventes de véhicules électriques dans plusieurs pays du monde durant le premier semestre 2019, publiée par le CAM (Center of Automotive Management).
Chine : l’eldorado de la mobilité électrique
La Chine continue d’être, et de loin, l’eldorado de la mobilité électrique. Certes, après avoir été habitué à des hausses de ventes de VE de 90% depuis deux ans, les 52% du premier semestre 2019 pourraient sembler timides. Mais il ne faut pas oublier que cette progression se déploie dans un marché automobile chinois en franche récession, puisque les ventes totales d’automobiles ont baissé de 12% dans l’Empire du Milieu sur la même période.
Au total, 628 000 véhicules électriques se sont vendus en Chine durant les six premiers mois de 2019 – soit plus que dans tous les autres pays du monde confondus. La part de marché de l’électrique en Chine a ainsi progressé de 75%, pour atteindre un impressionnant 5%.
Des ventes dopées par des mesures gouvernementales
Il est vrai que les autorités chinoises soutiennent sans aucune retenue l’essor des VE. Au-delà des soutiens à l’achat, le gouvernement a imposé à tous les constructeurs des quotas de ventes de véhicules électriques, sous peine de se voir imposer de lourdes taxes.
Une technique qui fonctionne : de nombreux constructeurs ont développés des modèles électriques spécifiquement pour le marché chinois. Et plusieurs ont conçu leur premier VE pour la Chine. Pékin, par un effet d’entraînement, engage ainsi l’ensemble de l’industrie automobile mondiale à prendre le chemin de l’électrique.
Etats-Unis : un cadre réglementaire moins favorable…
Aux Etats-Unis, la situation réglementaire est loin d’être aussi positive. L’administration Trump, proche des lobbys du pétrole, marque un vrai retour en arrière de ce point de vue.
Plusieurs Etats (Wisconsin, Connecticut) ont ainsi interdit la vente des Tesla. D’autres, comme l’Illinois, ont mis en place des taxes sur les VE plus élevées que celles pesant sur les véhicules thermiques. Les bonus fédéraux sur l’achat d’un VE sont menacés de toutes parts, alors que les normes d’émissions pour les véhicules thermiques, mises en place par l’administration Obama, pourraient être abrogées.
Heureusement, certains Etats continuent de faire de la résistance. La Californie, suivie par quelques autres Etats (dont New York), a ainsi mis en place le programme Zero Emission Vehicle, qui impose aux constructeurs de proposer au moins un modèle de VE à la vente, et d’en faire la promotion. Objectif : atteindre les 3,3 millions de véhicules zéro émission d’ici 2025.
… mais des ventes toujours en hausse, et des perspectives encourageantes
Ces mesures font de ces Etats les locomotives des ventes de VE aux Etats-Unis, puisqu’ils concentrent 40% du total. Un total plus qu’honorable compte tenu de l’environnement réglementaire : avec 149 000 VE vendus au premier semestre 2019, la hausse est de 20% par rapport au premier semestre 2018. Soit une part de marché de 2%.
Mieux : tous les voyants semblent au vert pour poursuivre cette hausse régulière des ventes, malgré l’opposition de Trump et de ses proches. Un changement de tête à la Maison Blanche l’accélérerait probablement, mais le mouvement semble si profond que toute l’énergie du lobby pétrolier ne peut la contenir.
Des fabricants de batteries de VE d’importance, comme le coréen LG Chem ou l’allemand Akasol, ont ainsi récemment annoncé la construction de nouvelles usines sur le territoire américain. Les analystes estiment que le cap du million de VE vendu en un an devrait être atteint d’ici quelques années.
VE : quand l’Allemagne s’éveille et investit massivement
Avec 48 000 VE vendus au premier semestre, l’Allemagne se hisse quant à elle pour la première fois sur le podium mondial. Dans un marché domestique stagnant, cette progression de 41% impressionne – d’autant qu’elle atteint les 80% sur les véhicules 100% électriques (sans compter les hybrides). Soit une part de marché de 2,6%.
Il est vrai que l’Allemagne semble avoir (enfin) décidé de mettre son exceptionnelle puissance industrielle au service de la mobilité propre. Longtemps en retard, l’industrie automobile allemande veut frapper fort dans les années à venir : avec 40 milliards d’euros d’investissement sur trois ans, les différents constructeurs allemands annoncent pas moins de 150 nouveaux modèles d’ici 2023.
Vers un Airbus des batteries, enfin ?
Sur le front sensible des batteries de VE également, l’Allemagne est décidé à changer de braquet. Peter Altmaier, ministre de l’industrie, est devenu le héraut de cet « Airbus des batteries » attendu depuis des années, pour contrecarrer la mainmise chinoise sur cette industrie cruciale.
Trois projets d’usines géantes de batteries sont ainsi en projet en Allemagne. Le plus avancé est celui porté par Volkswagen et le suédois Northvolt, qui prévoit l’installation d’une usine de 12 GWh à Salzgitter en Basse-Saxe – ce qui en ferait la plus importante d’Europe. Mais sa capacité pourrait être portée à 30 GWh – tutoyant ainsi les plus grandes usines de batteries du monde.
Quand les géants chinois des batteries investissent en Allemagne
Parallèlement, les constructeurs chinois de batteries se sont décidés à s’implanter, eux aussi, en Allemagne, pour fournir au plus près la puissante industrie automobile allemande – et, sans doute, s’offrir une image plus positive en garantissant des emplois bien germaniques.
CATL avait ainsi planifié la construction d’une usine de 14 GWh à Erfurt, en Thuringe. Mais, constatant que tous les constructeurs européens revoyaient leurs prévisions à la hausse, le fabricant chinois a annoncé une multiplication par huit de son investissement – et par 10 de la capacité de l’usine. Soit plus que l’ensemble des usines actuellement en service dans le monde…
Derrière ces trois leaders, la Norvège se maintient au quatrième rang mondial, les Pays-Bas continuent de s’envoler, et la France demeure dans la moyenne – comme nous le voyons dans la seconde partie de notre étude.
