Le projet de décret de la nouvelle PPE a été publié début mars 2019, et il contient une évolution inattendue mais cruciale pour l’avenir des réseaux électriques français : le « critère de défaillance du système électrique » va être durci. Cela entrainerait un retard dans la fermeture de certaines centrales au charbon ou nucléaire. Mais assurerait à la France de conserver l’un des réseaux électriques les plus fiables du monde.

La nouvelle Programmation Pluriannuelle de l’Energie consacre donc un changement stratégique de la RTE (Réseau de Transport d’Electricité) : le gestionnaire du réseau de transport d’électricité français a décidé de durcir le « critère de défaillance du système électrique ». Ce critère vise à assurer une continuité de l’approvisionnement électrique, quoiqu’il arrive – et sert ainsi de base au dimensionnement du parc de production.

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La défaillance : coupure électrique ou simple baisse de tension ?

Le principe est de disposer en permanence d’une réserve de production pour pallier aux éventuels problèmes techniques des sources produisant de l’électricité, ou pour répondre à un pic de consommation inattendu. La question est d’autant plus cruciale que la France veut augmenter la part de renouvelables intermittents (éolien et photovoltaïque notamment) dans son mix électrique.

Le Code de l’Energie prévoit que la durée moyenne de défaillance du système électrique, pour des raisons de déséquilibre entre l’offre et la demande, ne doit pas dépasser trois heures par an. Cela signifie, implicitement, que la notion de « défaillance » correspond aux coupures dues au décalage entre la production et la consommation d’électricité.

Mais, depuis deux ans environ, la RTE interprète plus largement cette notion de « défaillance ». Il suffit, d’après le gestionnaire de réseau de transport, qu’un consommateur soit exposé à des « actions non consenties ». Une baisse de tension peut, dès lors, être considérée comme une défaillance.

La France durcit le ton : de trois à deux heures de coupures annuelles autorisées

Le décret d’application de la nouvelle PPE, publié début mars 2019, reprend cette politique de la RTE. Le gouvernement va donc baisser de trois à deux heures la durée annuelle des coupures, et fixer à trois heures la durée moyenne de « défaillance annuelle ». Cette dernière notion est définie comme un besoin de recourir à des moyens exceptionnels : « interruptibilité, appel aux gestes citoyens, la sollicitation des gestionnaires de réseaux de transport frontaliers (hors mécanismes de marché), dégradation des marges d’exploitation, baisse de tension sur les réseaux et, en dernier recours, le délestage ».

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En clair : le réseau électrique français devra désormais être encore plus résilient. Le parc installé devra permettre de limiter les coupures à deux heures annuelles, contre trois précédemment. A titre de comparaison, nos voisins d’Europe sont beaucoup moins contraignant sur cette question : la Belgique accepte par exemple jusqu’à 20 heures de coupures par an, l’Irlande jusqu’à 8 heures. L’Allemagne et l’Italie n’ont pas de critères chiffrés, mais leurs objectifs de réserve de production stratégique correspondent à des durées plus élevées dans les faits.

Cette politique française permet à notre réseau électrique d’être l’un des plus fiables (sinon le plus fiable) du monde, robuste, à la sécurité d’approvisionnement assuré. Ce durcissement du critère de défaillance va, en revanche, avoir de fortes conséquences sur le le parc de production d’électricité en France.

Un retard dans les fermetures de centrales à charbon et nucléaires

Cette prudence de la RTE a déjà conduit le gouvernement à retarder la fermeture de centrales conventionnelles (thermique et nucléaire). C’est en fonction de ce principe que, dès novembre 2017, le gouvernement renonçait à l’un des objectifs de la Loi pour une Transition Ecologique et la Croissance Verte de 2015 : baisser la part du nucléaire à moins de 50% dès 2025. La nouvelle PPE fixe d’ailleurs l’horizon 2035 pour cet objectif.

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Concernant la fermeture des réacteurs nucléaires existant, cette nouvelle PPE prévoit qu’elle concerne, assurément, quatre réacteurs : les deux de Fessenheim (Haut-Rhin), deux autres en 2027-2028. Deux autres pourraient être fermés en 2025-2026, mais uniquement si la sécurité de l’approvisionnement le permet : avec l’augmentation des renouvelables intermittents dans le mix, et malgré les gains programmés de flexibilité du réseau de distribution, il semble hautement probable que ces fermetures n’auront pas lieu.

En novembre 2018, de la même façon, la RTE recommandait d’étaler entre mi-2020 et 2022 la fermeture des cinq centrales à charbon de France – alors que le ministère de la Transition Ecologique semblait déterminé à les clore beaucoup plus tôt. La nouvelle PPE envisage même de prolonger au-delà de 2022 l’exploitation de la centrale de Cordemais, dans la Loire-Atlantique.

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Un manque de confiance de l’exécutif dans la flexibilité et les renouvelables

Il reste à savoir, et c’est sans doute la plus grande question, si cette volonté de privilégier ce critère de défaillance va entraver le développement des énergies renouvelables en France. A priori, les deux questions ne sont pas directement liées, mais la timidité gouvernementale en matière de sécurité de l’approvisionnement ne semblent pas un bon signal.

Elle laisse supposer que l’exécutif n’est pas réellement convaincu par le potentiel d’augmentation de flexibilité électrique de la France, malgré toutes les promesses ouvertes par les smart grids, l’effacement ou le stockage d’électricité. Pour le gouvernement, une augmentation de la puissance renouvelable installée est souhaitable, mais doit s’accompagner d’un parc thermique et nucléaire encore très important.

La France dispose pourtant de la technologie pour augmenter la flexibilité et assurer un approvisionnement et une tension constante malgré une part importante de renouvelables intermittents. Mais l’exécutif ne semble pas encore décidé à lancer cette grande révolution, pourtant déjà en cours chez certains de nos voisins. Un retard que le pays pourrait, à terme, payer cher.

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