Dans un contexte où le prix des énergies renouvelables baisse fortement, la France accuse un retard certain dans le déploiement des ces énergies, malgré un potentiel conséquent. Des faibles émissions carbone dues à un parc nucléaire important expliquent ce retard, criant si on le compare à la politique de l’Allemagne en la matière. Pour autant, le modèle allemand trouve ses limites dans le recours massif au charbon de ces dernières années… Décryptage.

Le coût des énergies renouvelables les plus matures, hors hydro-électricité, est en chute libre : entre 2010 et 2017, l’Agence Internationale pour les Energies Renouvelables (IRENA, International Renewable Energy Agency) estime que les coût de production de l’éolien ont chuté de 23% et ceux du photovoltaïque de 73%.

Importance du nucléaire et faiblesse de la volonté politique

Pour autant, la France, malgré un potentiel plus que conséquent, ne s’est pas encore couvertes d’éoliennes et de panneaux photovoltaïques, faute d’une volonté politique forte. Le parc nucléaire français, très important, assure au pays des émissions de gaz à effet de serre parmi les plus faibles de l’Union Européenne : cette position du « bon élève », ainsi que la volonté des énergéticiens de favoriser le nucléaire, a freiné le développement des renouvelables en France.

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Cette absence de volonté nationale de défendre les énergies renouvelables est une des explications des résistances très fortes aux éoliennes au niveau local, renforcée par un manque de discussion : la France est le pays d’Europe où le délai d’installation d’éoliennes est le plus long.

18% seulement d’énergies renouvelables dans la production d’électricité en France…

Cette politique se traduit en chiffres : en 2017, sur les 529,4 TWh d’électricité produite en France, une écrasante majorité est d’origine nucléaire (71,6%, soit 379,1 TWh). 10,2% provient des combustibles fossiles, et 18% seulement d’une énergie renouvelable : 10,1% pour l’hydro-électricité (53,6 TWh), 4,5% pour l’éolien (24 TWh), 1,7% pour le solaire (9,1 TWh) et 1,7% pour les bioénergies (9,1 TWh).

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Et si, concernant ce bilan, la RTE se félicite de l’augmentation de la production éolienne et photovoltaïque, en soulignant qu’elle « représente pour la première fois plus d’un tiers de la production renouvelable française », cette augmentation récente ne doit pas dissimuler un score particulièrement faible, surtout au regard du potentiel du pays et des réalisations de notre voisin allemand.

contre 33,3% en Allemagne !

« Depuis plus d’une décennie, l’Allemagne a fait le choix d’investir massivement dans l’énergie renouvelable en diversifiant les sources d’approvisionnement : photovoltaïques, hydrauliques, thermique, biogaz… » souligne Kilian Dubost. directeur des opérations France de l’agrégateur et fournisseur d’énergie natGAS, dans une tribune pour nos collègues de l’Usine Nouvelle.

Là encore, les effets de cette politique volontariste se retrouvent dans les chiffres. En 2017, l’Allemagne a produit 654,8 TWh d’électricité ; les renouvelables représentent 33,3% de la production brute d’électricité – et 36,4% de la consommation d’électricité, dépassant déjà l’objectif fixé par le pays pour 2020 (35%).

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L’Allemagne a pris une belle avance technologique dans le secteur

Plus impressionnant encore, la part des énergies renouvelables intermittentes (éolien et solaire) atteint les 22,3%. L’hydro-électricité étant historiquement peu développée en Allemagne faute d’un potentiel suffisant, elle ne couvre que 3,1% de la production, la biomasse 6,9% et les déchets 0,9%.

Une politique volontariste est seule à l’origine de cette réussite, car le potentiel allemand n’est pas supérieur à celui de la France. Mais cette réussite offre une position privilégiée à notre voisin dans ce secteur clé : «  les acteurs et agrégateurs français sont donc moins développés, ce qui explique pourquoi des entreprises allemandes, plus mûres en termes de gestion et de solutions technologiques automatisées, s’implantent sur le marché des renouvelables français, soit en créant une filiale soit en rachetant de petites entreprises locales » expose Kilian Dubost.

Des subventions plus fortes pour soutenir l’essor des renouvelables intermittents

La France semble cependant enfin se réveiller, et augmenter enfin le rythme d’installation de ses sources d’électricité renouvelable, pour profiter des atouts que lui offre sa façade maritime venteuse, tant pour l’éolien offshore que terrestre, et l’ensoleillement fort de nombreuses régions du sud du pays.

Le gouvernement a ainsi décidé de mettre en place un système de subventions plus incitatives, à l’image de ce qu’a fait l’Allemagne voici quelques années, en garantissant un prix d’achat aux parcs éoliens et photovoltaïques supérieur à celui du marché : « pour l’heure, ces énergies vertes ne sont pas encore rentables et restent subventionnées par des taxes sur la consommation d’énergie des industriels et des particuliers — comme le rappellent volontiers les détracteurs du renouvelable. Mais c’est une étape obligée pour atteindre un jour la masse critique qui rendra les énergies renouvelables autosuffisantes », rappelle Killian Dubost.

Mais ce principe de subvention n’a rien d’éternel : les derniers appels d’offre en Allemagne ont attribué, pour la première fois au monde, des parcs éoliens (offshore en l’occurrence) sans aucune subvention ! Preuve que cette masse critique est plus proche de nous que les détracteurs veulent bien l’affirmer.

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Ne pas quitter le nucléaire à marche forcée

En revanche, le point sur lequel l’Allemagne ne doit pas forcément être prise en modèle est sa sortie à marche forcée du nucléaire, suite à la catastrophe de Kukushima, qui a contraint le pays à rouvrir de nombreuses centrales au charbon et à la lignite. En 2017, le nucléaire ne représente plus que 11,7% de la production d’électricité allemande, contre 36,6% pour le charbon et la lignite et 13,2% pour le gaz. L’électricité allemande produit donc beaucoup plus de gaz à émission de serre que la France.

Si l’arrêt du nucléaire et son remplacement par des énergies renouvelables doit être un objectif à moyen terme, le modèle énergétique français ne doit pas précipiter la fermeture des centrales nucléaires, qui stabilisent notre système électrique et permettent une transition douce vers les renouvelables intermittents.

Un défi réaliste, qui ne doit plus attendre

Le développement massif de ces énergies renouvelables imposera une généralisation des solutions smart grids, pour rendre le réseau plus flexible, ainsi qu’un développement des solutions de stockage, pour pallier à leur intermittence en sécurisant un approvisionnement électrique régulier. L’exemple allemand prouve qu’une volonté politique alliée à une population convaincue (comme l’est de plus en plus la population française) permet de faire des miracles dans le développement massif de l’éolien et du photovoltaïque.

Ce défi est donc tout à fait réaliste pour la France, et les investissements massifs dans les renouvelables (bien plus importants que notre trop timide « plan solaire ») ne doivent pas attendre.

 

 

 

 

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