Une société britannique, AFC Energy, vient de présenter une borne de recharge de véhicule électrique très particulière : plutôt que d’être reliée au réseau de distribution, elle tire son électricité d’une pile à combustible, fonctionnant avec de l’hydrogène stocké. Un débouché potentiel pour les parcs éoliens et photovoltaïques – et un moyen de flexibilité potentiel supplémentaire. Reste à savoir si la rentabilité économique sera au rendez-vous.
Si on vous dit « mobilité propre et hydrogène », vous risquez de penser d’abord à un véhicule propulsé par une pile à combustible, sans doute une voiture, ou pourquoi pas, aussi, un train ou un bateau. Mais l’hydrogène va peut-être se trouver un autre débouché, au soutien de la mobilité électrique.
C’est du moins le pari d’AFC Energy, une société anglaise, qui vient de présenter un prototype commercialisable de sa solution « CH2arge », comme « borne de recharge » et dihydrogène (symbole H2).
CH2arge : une pile à combustible pour recharger les véhicules électrique
AFC Energy planche sur cette borne depuis dix ans, et l’a présenté en grande pompe dans une émission de la BBC dédié à l’automobile, en rechargeant la batterie d’une BMW i8. CH2arge fonctionne donc avec une bonbonne d’hydrogène sous pression, qui sert à alimenter une pile à combustible.
Cette dernière est reliée à un « onduleur similaire à celui utilisé par Toyota dans son centre de recherche sur les véhicules électriques », expose AFC Energy. Cet onduleur transfère l’énergie produite vers le chargeur, qui peut ensuite être branché sur la prise d’un véhicule électrique. L’ensemble est complété d’un bloc de batteries Lithium-Ion de 48 V, afin de répondre aux pointes de demande en énergie.
La borne présentée est dimensionnée pour recharger deux véhicules en même temps, en charge lente, accélérée ou rapide ; elle est compatible avec le pilotage intelligent de la charge. Mais CH2arge peut être dimensionné pour alimenter jusqu’à dix véhicules, et la solution peut s’adapter à domicile, sur un parking privé ou public.
Une solution qui « peut être débarrassée à 100% de toute d’émission »
Quels sont les avantages de ce système ? D’après AFC Energy, « la recharge classique des véhicules électriques engendre une pollution du fait d’une électricité produite à partir de combustibles fossiles, alors que la solution CH2arge d’AFC Energy peut être débarrassée à 100% de toute d’émission ». Comme toujours avec l’hydrogène, tout est dans le « peut être débarrassée », car tout dépend de la façon dont cet hydrogène est produit.
Le modèle économique de CH2arge s’appuie sur de l’hydrogène produit avec les surplus d’électricité des éoliennes ou des panneaux photovoltaïques, notamment les jours de grand vent ou de grand soleil. Dans ce cas, et uniquement dans ce cas, la solution d’AFC Energy est effectivement sans émissions.
Pour autant, comme toutes les technologies utilisant l’hydrogène, cette borne de recharge présente l’immense avantage de désynchroniser la production d’électricité d’origine renouvelable et sa consommation, et est une excellente réponse à l’intermittence de ces énergies. Plus généralement, l’utilisation de l’hydrogène, s’il se généralise, permettra de valoriser l’électricité quand elle est produite en surplus, comme n’importe quelle autre technique de stockage.
Un gain de flexibilité
La solution d’AFC offre ainsi un gain en flexibilité, précieuse dans un scénario où la mobilité électrique se développe à grande échelle, et c’est exactement ce que la société britannique met en avant. D’ici 2030, 9 millions de véhicules électriques devraient circuler en Grande-Bretagne : le réseau national d’électricité estime qu’une augmentation de production de l’ordre de 8 GW sera nécessaire pour répondre aux demandes des véhicules ; AFC Energy est plus pessimiste, et estime qu’en cas de pic de recharge, les besoins pourraient monter à 25,7 GW.
En s’appuyant sur ces calculs, la société britannique juge que si 10% des véhicules électriques veulent recharger leur batteries d’une capacité moyenne de 57 kWh en même temps, la demande en électricité supplémentaire imposera la construction de 17 100 éoliennes !
Le chiffre est spectaculaire, mais nettement exagéré, car il part du principe qu’aucune technique de flexibilité et d’effacement de la charge n’a été mis en place. De nombreuses solutions de ce type sont actuellement expérimentées. La charge intelligente à domicile est une des pistes privilégiées des gestionnaires du réseau de distribution : une telle borne de recharge favorise, via une incitation tarifaire, la charge de la batterie quand l’électricité est produite en abondance.
« Distribuer le courant sans investir dans l’extension du réseau de distribution conventionnel »
Pour autant, la borne de recharge à hydrogène pourrait être une composante efficace de cette flexibilité, comme un réseau parallèle et décentralisé de distribution d’électricité : “Disséminées un peu partout sur le territoire, à domicile ou bien sur les parkings de supermarché, nos piles à combustible permettraient de distribuer le courant sans avoir à investir de lourdes sommes dans l’extension du réseau de distribution conventionnel » expose AFC Energy. Pas besoin d’un raccordement au réseau, pas de transformateur, pas de câbles : le module de recharge est autonome. Sous réserve qu’on le livre régulièrement en hydrogène sous pression !
C’est sans doute le talon d’Achille d’un telle solution – tout en pouvant devenir son point fort : elle n’est viable que déployée à grande échelle, dans un monde où l’hydrogène sous pression est produit, lui aussi, à grande échelle à partir de sources renouvelables. Car il faut que des camions (électriques, sans doute!) viennent régulièrement récupérer les bonbonnes vides pour en livrer des pleines. Il faut pour cela un écosystème de l’hydrogène mature. Ce qui, vu le potentiel de la pile à combustible et les investissements en cours, devrait arriver à moyen terme.
Une piste intéressante, qui pourrait s’intégrer dans une transition énergétique réussie
Reste une question centrale : AFC Energy affirme que sa solution sera proposé à un prix compétitif avec celui d’un Superchargeur Tesla. Mais quelle rentabilité économique propose exactement ce système ? La réponse dépend en grande partie du développement de la filière hydrogène, et AFC reste évasif sur les questions financières. En attendant, l’entreprise cherche des partenaires pour industrialiser sa solution.
Reste qu’à la manière des bornes de recharge équipées de panneaux photovoltaïques et de batteries, cette technologie propose d’ajouter de la flexibilité dans la recharge de VE : en cas de réussite, elle aurait parfaitement sa place dans le cadre d’une transition énergétique réussie.