Même si elle a souffert de la baisse des coûts du photovoltaïque, l’énergie solaire thermique demeure une excellente solution pour réussir la transition énergétique. Elle permet en effet de produire de la chaleur et de la vapeur d’eau (à usage industriel) avec une rendement supérieur au photovoltaïque associé à des appareils électriques. Alors que la plus grande centrale solaire thermique de France vient d’être inaugurée pour l’usine à papier de Condat, cette technologie doit continuer à être soutenue – elle peut en effet soulager les réseaux électriques d’une importante demande.
Le solaire thermique vient probablement de sauver un site industriel d’importance, premier employeur de Dordogne, tout en réduisant drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre. L’usine à papier de Condat produit en effet chaque année 430 000 tonnes de papier couché de haute qualité.
Usine à papier de Condat : une chaudière à gaz terriblement énergivore et polluante
Mais les baisses de commande mettaient en danger une ligne de production, qui menaçait de fermer, laissant 250 employés sur le carreau. Pour la sauver, les dirigeants de l’usine, soutenus par l’Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (Ademe), ont décidé de convertir leur chaudière aux renouvelables.
L’industrie du papier a besoin de beaucoup de vapeur d’eau et de chaleur pour fonctionner : cette chaudière au gaz représentait 30% des coûts d’exploitation du site industriel, l’équivalent de la consommation énergétique d’une ville de 100 000 habitants, et des émissions de CO2 de 1 000 tonnes par an.
Une centrale thermique pour sauver l’emploi et réduire les émissions de CO2
Cette chaudière au gaz a été remplacée par une centrale solaire thermique. Pour rappel, cette technologie utilise des capteurs solaires à concentration, qui permettent de chauffer un fluide et de produire de la vapeur. Cette vapeur peut servir à faire tourner des turbines et produire de l’électricité, dans le cas de centrales de grande ampleur (le solaire thermodynamique).
Mais elle peut aussi être utilisée directement, soit pour pour produire de la chaleur ou chauffer de l’eau à usage domestiques, soit pour purifier de l’eau, soit dans un site industriel comme l’usine de Condat.
4 000 MWh d’énergie thermique propre par an
“Ce n’est pas une centrale photovoltaïque. Il s’agit en fait d’un gros chauffe-eau solaire. Le site, pour produire de la vapeur a besoin d’eau qu’il pompe dans la Vézère. Cette eau arrive à 20°C, et avec nos panneaux solaires thermiques, nous allons remonter la température à 80°/90°C pour qu’ensuite l’usine la transforme en vapeur. Toute cette partie-là était faite avec du gaz, donc avec des énergies fossiles et des émissions de CO2”, a détaillé aux journalistes de France Bleu André Minguzzi, le président de Condat.
Cette centrale de 3,4 MW permet de produire 4 000 MWh d’énergie thermique propre par an. Et donc d’éviter l’émission de 1 000 tonnes de CO2 dans l’atmosphère.
Des trackers pour plus d’efficacité et de flexibilité
Elle utilise des trackers, qui permettent d’orienter les panneaux en fonction de la course du soleil. Cela permet d’assurer un rendement supérieur de 15% à une installation classique – et aussi d’interrompre la production en détournant les panneaux si les besoins sont nuls.
“Contrairement à une centrale solaire couplée à un réseau de chaleur dont la demande est très linéaire, une centrale comme celle de Condat connectée à un site industriel nécessite de la flexibilité. Les trackers nous permettent ainsi de moduler la puissance de la centrale voire de carrément l’arrêter en cas de rupture de charge au sein de l’usine”, détaille Hugues Defréville, directeur de la société bordelaise Newheat, maitre d’œuvre du chantier de cette centrale.
Le solaire thermique, parent pauvre de la transition énergétique française
La centrale, d’un budget de 2,2 millions d’euros, a été financé à 65% par l’Ademe, via son fond chaleur. L’agence veut en effet réhabiliter cette technologie relativement délaissée ces dernières années au profit du photovoltaïque, dont les coûts ont largement baissé.
“C’est une façon pour nous de souligner le rôle de la filière solaire thermique qui demeure le parent pauvre dans le Yalta des renouvelables que nous sommes en train de vivre. C’est d’autant plus important que 45% de l’énergie consommée aujourd’hui l’est en chaleur. Il est ainsi important de maintenir les compétences sur cette filière”, défend Arnaud Leroy, président de l’Ademe.
Pour produire de la chaleur, le solaire thermique offre les meilleurs rendements des EnR
En effet, dans l’optique d’une production d’énergie 100% renouvelable, le solaire thermique doit avoir son rôle à jouer. Pour produire de la chaleur, de l’eau chaud sanitaire, de la vapeur d’eau (à usage domestique ou industriel), cette technologie demeure celle qui offre le meilleur rendement. Bien plus qu’utiliser de l’électricité produite par des sources renouvelables.
Elle n’est pas toujours rentable, ce qui limitera forcément son déploiement, mais elle doit être privilégiée quand elle est techniquement possible, même à un coût légèrement plus élevé que l’électricité. Elle permet en effet de décharger les réseaux électriques d’une contrainte supplémentaire, et d’élargir le mix énergétique national. Dans les sites industriels en particulier, elle offre une alternative plus crédible que l’électricité pour remplacer le gaz, comme à Condat.
Le soutien de l’Ademe à ce projet est un signal fort, mais qui ne pourra être prolongé que si des projets similaires se développent. Cette technologie, parfaitement connue, maîtrisée et mature, ne doit pas être mise de coté par les décideurs : elle a un beau rôle à jouer dans la transition énergétique, si on lui laisse l’espace pour cela.
