Alors que la lutte contre le réchauffement climatique doit s’intensifier pour éviter des conséquences dramatiques, l’Agence Internationale de l’Energie appelle à mobiliser toutes les énergies renouvelables, notamment la biomasse. Si le message de l’agence est sain, il faut se méfier de conclusions trop hâtives – car la biomasse n’est renouvelable que dans le cadre d’une utilisation raisonnée.

Hasard du calendrier : le 8 octobre 2018 a vu la publication de deux rapports complémentaires. Le premier est celui du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sur l’état du réchauffement climatique ; le second est celui de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) sur l’évolution des énergies renouvelables dans le monde.

Réchauffement climatique : le GIEC s’alarme mais propose des solutions

Le GIEC continue de tirer la sonnette d’alarme, en signalant que les politiques actuelles sont trop timides par rapport aux enjeux climatiques en cours : en continuant ainsi, impossible de maintenir le réchauffement climatique sous les 1,5°C, ce qui signifierait à moyen terme des bouleversements catastrophiques de notre environnement.

Pour autant, le GIEC, fidèle à sa politique, ne verse pas dans le pessimisme et souligne que le point de non-retour n’a pas été atteint et qu’un infléchissement des politiques mondiales est encore largement possible pour éviter le drame.

L’objectif doit être de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 45% d’ici 2030 par rapport à 2010 : pour cela, le GIEC préconise entre autre de porter la part des énergies renouvelables (EnR) dans la production électrique de 20% à 70% d’ici 2050 – des objectifs parfaitement réalistes compte tenu des coûts actuels des EnR et du potentiel mondial en la matière.

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Les EnR en fortes progressions, portées par un solaire en pleine forme

Le rapport de l’AIE, de son coté, souligne justement que les installations d’EnR continuent de croître dans le monde, et qu’elles vont continuer à le faire. L’agence prévoit ainsi que le développement des EnR, notamment dans le secteur de l’électricité, va s’intensifier dans les cinq années à venir : elle prévoit  qu’en 2023, un tiers de la production électrique sera d’origine renouvelable – parfaitement dans les temps de passage évoqués par le GIEC.

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L’Agence souligne tout de même de fortes disparités entre les différentes EnR : sur les 178 GW de puissance renouvelable installée en 2017, plus de la moitié provient du solaire (97 GW), dont le dynamisme ne faiblit pas. La baisse spectaculaire des coûts du photovoltaïque et la rentabilité désormais élevée du solaire thermique créent un effet d’entraînement vertueux.

En revanche, avec 44 GW installés, l’éolien terrestre accuse un franc recul, qu’explique à la fois le boom du solaire (moins cher et plus simple à installer) et les difficultés techniques que peuvent poser les éoliennes dans certains sites venteux. En la matière, de futures évolutions technologiques pourraient relancer cette filière.

De belles perspectives pour l’électricité renouvelable, moins pour la chaleur et les transports

Mais cette année, ce sont les bioénergies que l’AIE a décidé de mettre en avant, car l’agence juge que leur potentiel est globalement sous-estimé. L’Agence souligne en effet que, si le secteur de l’électricité se convertit largement à l’énergie verte, « les usages des renouvelables s’étendent beaucoup plus lentement dans les secteurs des transports et de la chaleur » – domaine où la biomasse peut être largement valorisée, via les biocarburants et la combustion de végétaux ou de résidus végétaux.

Pour autant, quand le directeur exécutif de l’AIE, Fatih Birol, souligne, en parlant de la biomasse, que « sa part dans la consommation totale d’énergie renouvelable dans le monde est d’environ 50% aujourd’hui, en d’autres termes autant que l’hydro, l’éolien, le solaire et toutes les autres énergies renouvelables combinées », il oublie de préciser que certains de ces usages, notamment la cuisson et le chauffage au feu de bois dans les pays pauvres, ne sont pas forcément « 100% renouvelables ».

La biomasse : « d’énormes perspectives de croissance future »

Pour que l’usage de la biomasse-bois soit renouvelable, il faut une utilisation responsable de la forêt, où à chaque arbre coupé correspond un arbre planté – ce qui n’est pas toujours le cas dans le monde entier. L’effet d’annonce est percutant, mais il masque une réalité plus ambiguë, qui va à l’encontre des objectifs de l’AIE.

L’Agence ne s’y trompe d’ailleurs pas, puisque ce ne sont pas les bioénergies « traditionnelles » qu’elle recommande de valoriser : « La bioénergie moderne devrait continuer à dominer et représente d’énormes perspectives de croissance future. Mais il faudra les bonnes politiques et des réglementations rigoureuses en termes de soutenabilité pour que le potentiel soit atteint » souligne le rapport.

Valoriser les déchets, oui…

La bioénergie moderne, que met en avant l’AIE, se compose de deux versants : le premier est une valorisation de déchets d’origine biologique, et est, par essence, renouvelable et environnementalement bénéfique. Qu’il s’agisse de production de biogaz par putréfaction accélérée de déchets agricoles ou alimentaires, ou l’utilisation de résidus agricoles dans des centrales à combustion en remplacement de combustibles fossiles, ces filières doivent être soutenues et encouragées sans réserve.

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Le second versant est plus problématique : il s’agit de l’utilisation de terres forestières ou agricoles pour produire, à terme, de l’énergie. Nous avons déjà évoqué les forêts : elles doivent absolument être gérées de façon durable pour assurer une énergie 100% renouvelables.

confisquer des terres pour produire du biocarburant, non !

Les biocarburants posent encore d’autres problèmes, car les cultures nécessaires à leur production peuvent entrer en concurrence avec des cultures vivrières ; de plus, en cas de cultures intensives avec utilisation massive d’engrais et de pesticides, les sols seront rapidement épuisés ; enfin, les biocarburants peuvent favoriser la déforestation pour libérer des terres agricoles pour ces cultures « énergétiques ». Plus que pour n’importe quelle autre ressource renouvelable, la façon dont elle est produite est déterminante dans sa durabilité.

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Sur le fond, la volonté de l’AIE de promouvoir la biomasse est compréhensible, mais des garde-fois sont plus qu’indispensables, surtout du coté du bois et des biocarburants. Un effet d’annonce mal relayé (comme c’est malheureusement le cas dans une majorité des articles français traitant de ce rapport de l’AIE, qui se contentent de valoriser la bioénergie) peut donner une image fausse d’une énergie certes cruciale pour l’avenir de la terre, mais qu’il faut exploiter avec raison et sagesse.

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