En cette fin mars 2018, le groupe de travail sur la méthanisation et le biogaz, mandaté par le gouvernement, a rendu ses conclusions sur les moyens techniques et humains à mettre en place pour déployer une filière française de cette énergie. Une énergie qui répond à plusieurs enjeux de demain : développer le biogaz, une énergie renouvelable ; mieux gérer la gestion de déchets, notamment agricoles ; offrir un complément de revenu bienvenu pour le secteur agricole.
Réuni pour la première fois le 1er février 2018, juste avant le salon de l’agriculture, le groupe de travail national chargé d’accélérer le développement de la méthanisation a rendu ses conclusions le 26 mars de la même année, après près de deux mois de travail.
Un groupe de travail regroupant tous les acteurs de la filière naissante
Voulu par le gouvernement, présidé par Sébastien Lecornu, le secrétaire d’Etat auprès de Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, ce groupe de travail était composé :
- de fédérations professionnelles
- des gestionnaires de réseau et fournisseurs
- d’établissements bancaires et financiers
- d’administrations, de collectivités et d’établissements publics
- de parlementaires
- d’associations de défense de l’environnement.
Son objectif est de mettre en place une filière nationale de la méthanisation et du biogaz, en renforçant le soutien public, simplifiant la réglementation, accompagnant le financement, facilitant le raccordement au réseau.
Objectif : 10% de gaz renouvelable en 2030
Le gaz représente environ 20% de la consommation d’énergie en France. Sa facilité de stockage en fait un précieux atout pour la stabilité et la réactivité de système énergétique français, mais son impact carbone doit impérativement être réduit. La loi de Transition énergétique donne l’objectif que 10% du gaz soit d’origine renouvelable en 2030, ce qui représenterait une réduction de 3% des émissions françaises de gaz à effet de serre (12 millions de teqCO2 évitées).
Le gouvernement estime que le développement biogaz obtenu par méthanisation de déchets organiques est le principal levier pour atteindre cet objectif. Et si, aujourd’hui, environ 400 installations agricoles, territoriales ou industrielles constituent une preuve de la viabilité de cette énergie, le gouvernement veut que cette filière change d’échelle, en s’appuyant tout particulièrement sur le secteur agricole.
La méthanisation, qu’est-ce que c’est ?
La méthanisation consiste à récupérer des déchets organiques (fumier et lisier d’animaux, boues de station d’épuration, déchets ménagers…), puis à les déposer dans une unité de stockage, où ils sont mélangés à des bactéries. Ces dernières accélèrent la fermentation de ces déchets, en conditions contrôlées et en absence d’oxygène. Cette fermentation produit du biogaz (essentiellement du méthane), qui peut utilisé exactement comme le gaz naturel.
La méthanisation consiste en réalité à accélérer et contrôler un processus de fermentation qui aurait eu lieu de toute façon : ce gaz aurait fini par être produit, sur du très long terme – la méthanisation est donc à la fois une ressource de récupération et une énergie renouvelable.
La méthanisation est une technologie qui relève de la biomasse, c’est à dire de l’utilisation de ressources naturelles pour produire de l’énergie : mais, à la différence des deux autres principales techniques de biomasse – la production directe par combustion et les biocarburants -, la méthanisation ne remet pas en cause l’équilibre agricole ou forestier, puisqu’elle n’utilise que des déchets.
Quelles matières premières ?
Toutes les matières organiques peuvent être utilisées dans le cadre de cette technologie, mais le potentiel de production de méthane est extrêmement variable : la méthanisation est parfaitement adaptée aux substrats riches en eau contenant de la matière organique facilement dégradable. Compte tenu des matières premières privilégiées, le développement de la méthanisation est associée à quatre secteurs : principalement l’agriculture, mais aussi l’industrie, le traitement des déchets ménagers et l’assainissement de l’eau.
L’origine de ces matières premières peut être directement agricole (déjections animales, cultures intermédiaires, résidus de récolte, eaux de salles de traites…), agro-industriel (notamment abattoirs, caves vinicoles, laiteries, fromageries) ou municipale (boues et graisses de station d’épuration, ordures ménagères fermentescibles, tontes de gazon…).
Quelle utilisation pour le biogaz produit ?
Le groupe de travail encourage vivement que le biogaz ainsi produit soit injecté dans le réseau de gaz naturel s’il existe, car cette technologie a de loin la meilleure efficacité énergétique. Pour les régions ne disposant pas d’un réseau de gaz naturel, le biogaz peut être utilisé comme « carburant » dans des véhicules adaptés (aidant ainsi à décarbonner le secteur des transports), ou être brûlé pour produire de la chaleur et l’électricité (cogénération, solution à l’efficacité énergétique la moins convaincante).
Le groupe de travail souligne les quatre avantages complémentaires principaux de la méthanisation :
- diminuer les émissions de gaz à effet de serre en utilisant le biogaz en remplacement de combustibles fossiles (gaz naturel notamment)
- réduire la quantité de déchets à traiter par d’autres filières, et même offrir un traitement adapté à certains déchets organiques graisseux ou très humides, difficilement traitable par ailleurs
- limiter les émissions d’odeur, les stations de méthanisation étant hermétiquement closes
- offrir un complément de revenu aux agriculteurs, permettant de soutenir un secteur en grande difficulté
Cette technologie est en effet à la croisée de l’énergie, du traitement des déchets, du climat et de l’agriculture, ce qui motive d’autant le gouvernement à soutenir fermement la création d’une filière : la méthanisation, au-delà des questions de coûts et de rentabilité, n’a que des avantages.
Un vrai dynamisme français, que le gouvernement veut encourager et renforcer
Une filière française est en train de se mettre en place, 80 nouvelles installations ont été créées en 2017, la quantité de biométhane injecté dans les réseaux de gaz naturel a doublé au cour de cette même année.
La programmation pluriannuelle de l’énergie a d’ailleurs fixé des objectifs élevé en terme de déploiement de la méthanisation – une injection dans les réseaux de gaz de 1,7 TWh pour fin 2018 (objectif qui devrait être atteint), puis de 8 TWh pour fin 2023, soit une multiplication par 5 en 5 ans.
Le groupe de travail a donc proposé un certain nombre de mesures afin de soutenir l’essor de cette filière. Nous les détaillerons dans la suite de notre étude, dès demain.