La Smart City apporte la promesse d’une expérience générale améliorée de la ville. Pourtant, sans gouvernance, elle est vouée à rester un concept. En effet, une telle vision nécessite une véritable réflexion sur l’articulation entre bien commun et bien individuel, à une époque où la logique individuelle prévaut. Démonstration par l’exemple à travers 5 cas concrets…

  1. Le stationnement intelligent

En quoi consiste le Smart Parking ? En la détection automatique de places de parking disponibles dans une ville. Le GPS recherche à la fois le meilleur itinéraire et les places de parking disponibles à destination.

Exemple d’application : la mairie de New York a déjà un plan en place pour mettre en œuvre le Smart Parking. En France, la gestion des amendes a basculé dans le giron municipal depuis le 1er janvier 2018. Cette réforme conduit certaines collectivités locales à se lancer dans le « smart parking ».

Avantages : un impact positif quasi immédiat sur la vie des automobilistes, avec la possibilité de réserver une place de parking à l’avance. La ville devient plus efficace dans sa gestion du stationnement.

Freins à l’adoption : des dispositifs, mal expliqués, ou orientés dans un sens uniquement répressif sans offrir de nouveaux services, pourraient refroidir les usagers.
Problématique de gouvernance : dans les nouvelles villes ou quartiers, par exemple Dubaï, la problématique est relativement simple puisque tout est à créer.

Dans les centres-villes historiques comme Paris, Berlin ou Frankfort, les acteurs sont bien plus nombreux. Il s’agit de déterminer qui a la donnée et qui contrôle l’information. Les instances politiques ont souvent un rôle déclencheur pour amener le réaménagement et le re-travail des logiques de circulation à l’ordre du jour, en accord avec les directives environnementales. Aux politiques d’orchestrer l’écosystème pour travailler de manière structurée une solution relativement simple techniquement. Ceci est facilité par le fait que des équipements privés existent et sont déjà aménagés (Les places de parking gérées par des acteurs privés comme INDIGO, par exemple).

Conseil de mise en œuvre : identifier les besoins des citoyens et être à leur écoute pour les rassurer quant aux perspectives rendues possibles par les technologies existantes.

Eduquer les citoyens à conserver la maîtrise de leurs données : « prendre conscience du fait que si le service est gratuit, le produit, c’est vous ! »

Généraliser l’usage d’abord et établir des règles de priorisation de stationnement progressivement.

  1. La gestion intelligente des déchets

En quoi consiste le Smart Waste Management ? Un capteur sur la poubelle déclenche une collecte si elle est pleine, en fonction de la température, de sa localisation, etc.

Exemple d’application : des villes comme Barcelone ou Sydney, où les températures sont élevées en été, avec un impact économique important du tourisme ou la mise en place après une grève qui a permis de récolter des données sur le remplissage (en Italie ou dans le Sud de la France).

Avantages : cela permet à la fois d’éviter des infections et un impact négatif sur l’image d’un quartier.

Freins à l’adoption : le coût additionnel du matériel de collecte, la réflexion autour des procédures de travail impliquant un changement de dynamique des tournées en fonction du remplissage.

Problématique de gouvernance : les acteurs privés traitent les déchets. Ce sont souvent des agrégats de petites structures aux coûts très bas et aux services minimaux. Les questions de responsabilité et de prise en charge se posent donc : qui prend en charge le coût des capteurs ? Qui va gérer la maintenance de cet équipement connecté plutôt qu’un dispositif simple en plastique ?

Conseil de mise en œuvre : une approche plateforme permet de segmenter les fonctions et les responsabilités : on confie la donnée à un tiers dont la responsabilité est de traiter cette donnée plutôt qu’aux entreprises d’éboueurs.

Il faut également penser les capteurs de remplissage et de toxicité de manière modulaire car les usages vont évoluer dans le temps. Anticiper est important pour ne pas se retrouver dans une impasse technologique.

  1. L’éclairage intelligent

En quoi consiste le Smart Lighting ? Couplé à un détecteur de présence et de mouvement, l’éclairage public s’allume lors d’une présence ou d’un passage. Ce cas concret est l’un des plus simples à mettre en œuvre techniquement car est déjà, dans la plupart des cas, pré-cablé.

Exemple d’application : dans la ville de Düsseldorf en Allemagne

Avantages : augmente la durée de vie des éclairages, réduit la consommation d’électricité.

Freins à l’adoption : crainte d’insécurité de la part de certains riverains

Problématique de gouvernance : qui prend en charge le coût des ampoules intelligentes et connectées ? Quel est le niveau de sécurisation nécessaire et qui en décide ? Les essais en cours sont réussis mais cela bloque souvent au niveau des donneurs d’ordre au moment de généraliser le système, sauf quand le Smart Lighting est lié à d’autres projets de Smart City, du type Smart Parking + Smart Lighting + Smart Trafic, qui renforce le sentiment général de sécurité.

Conseil de mise en œuvre : inscrire la sécurité au cœur des politiques publiques et du Système d’Information, à l’aide notamment du recrutement de Responsables de la sécurité des systèmes d’information et de l’intégration systématique de la sécurité dans les schémas directeurs des systèmes d’information.

  1. Le réseau électrique intelligent

En quoi consiste le Smart Grid ? En l’ajustement en temps réel de la production et de la distribution de l’électricité, en hiérarchisant les besoins de consommation selon leur urgence.

Exemples d’application : en Europe, diminuer de 5°C la température de chauffage des bureaux le soir pendant l’hiver et l’augmenter chez les particuliers. Au Moyen-Orient, où il peut faire très chaud, cela consiste plutôt à réduire la climatisation des bureaux la nuit pour en faire bénéficier les hôpitaux.

Avantages : une répartition optimale de la consommation d’énergie au sein d’une ville sans augmenter la masse totale d’énergie produite.

Freins à l’adoption : la protection des données, les nouvelles directives européennes qui séparent les fournisseurs d’énergie et ne rendent pas la communication facile.

Problématique de gouvernance : comment s’opère l’arbitrage entre les différents bâtiments ? Qui est décisionnaire ? Quid de la protection des données ? Les constructeurs de bâtiment ont un rôle majeur à jouer.

Conseil de mise en œuvre : on se souvient encore de la canicule de 2003 en France… Il faut être au clair sur les objectifs et anticiper des usages imprévus qui vont avec le réchauffement climatique et l’ensemble des chaînes de valeurs identifiées aujourd’hui afin d’éviter de se retrouver dans une impasse demain.

  1. Le contrôle intelligent du trafic

En quoi consiste le Smart Traffic Control ? Dans un aéroport, les portes automatiques sont équipées d’une minuterie pour qu’elles s’ouvrent plus ou moins vite afin de réguler le flux de personnes. C’est également le cas des tourniquets dans la plupart des parcs d’attraction qui permettent de décongestionner et fluidifier la circulation. Dans la ville, un système de contrôle à distance des feux rouges permet d’optimiser le trafic routier.

Exemples d’application : Le Caire, Ryad, Moscou, Sao Paulo, Le Cap…

Avantages : éliminer les embouteillages, dégager des voies de secours en cas d’accident.

Freins à l’adoption : peur de la technologie de centralisation de l’information et de son ‘hacking’ potentiel, cas d’usages complexes et potentiellement vitaux (engorgement, accidents, pollution,…) 

Problématique de gouvernance : toucher au trafic est un sujet éminemment politique et risqué. Plusieurs organismes de contrôle, des critères de succès divergents (vitesse de déplacement, pollution générée, sécurité, engorgement ou pas, temps de livraison, coexistence avec les piétons, transports en commun, …) rendent l’équation complexe et les arbitrages malaisés. D’un autre côté, bien mené, c’est la clé du succès pour rendre les villes plus accessibles et plus vivables, avec un impact visible et mesurable pour tous les habitants et les visiteurs.

Conseil de mise en œuvre : techniquement, des données sont pré-existantes. Il existe déjà des salles de contrôle de trafic avec caméras vidéo dans les villes mais ces données sont peu ou pas exploitées. Il ne faut pas inonder les opérateurs sans exploiter à 100% les capacités d’un système de smart trafic. Il faut anticiper les modules à déployer à terme : des modules d’Intelligence Artificielle (IA) et de robotisation pour focaliser l’intelligence humaine là où il y a des décisions à prendre, pour éviter de créer des congestions autour de zones d’accident par exemple.

L’enjeu est de trouver le bon mix entre l’IA, la robotique et l’humain… Car on ne peut s’abstenir de l’humain !

En définitive, loin des concepts nébuleux, la concrétisation de la Smart City demande à redéfinir le lien entre les différents acteurs : privés, publics, usagers, consommateurs. Si les algorithmes permettent de pré-opérer un arbitrage, c’est encore et toujours l’humain qui doit en décider les fondations, ainsi que les ultimes conséquences et les assumer. Les villes ne deviendront pas intelligentes toutes seules. La Smart City se fera par l’Humain, pour l’Humain et avec des moyens humains. Le Robot Process Automation ne fera que porter ces choix.

Par David Milot – Vice-Président Solutions Europe, Moyen-Orient et Afrique chez Software AG.

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