Nous avons eu le plaisir d’interviewer Arnaud Jacques, Responsable R&D Smart Grids chez ARKOLIA Energies, un constructeur de centrales électriques à partir d’énergies renouvelables (solaire, biogaz et éolien).

ARKOLIA Energies livre l’intégralité de ses projets clé en main, c’est-à-dire en y incluant notamment des solutions de maintenance prédictive, l’occasion pour nous de revenir sur cet ensemble de techniques qui révolutionnent l’industrie de l’énergie.

Question toute simple, qu’est-ce que la maintenance prédictive ?

Mieux vaut prévenir que guérir. À l’heure de l’industrie 4.0, on entend par maintenance prédictive l’ensemble des moyens et méthodes qui vont permettre d’anticiper les pannes dans un process donné, et donc optimiser son fonctionnement. On la rapproche souvent de la maintenance préventive conditionnelle à laquelle elle apporte un degré d’optimisation supplémentaire en automatisant les alertes par exemple.

Ce type de maintenance intervient bien en amont de la maintenance curative et est permis par une digitalisation de plus en plus importante dans l’industrie : par l’installation de capteurs et de systèmes de supervision couplés à des algorithmes d’analyse de données et des modèles prédictifs, on est en mesure de mieux décrire le fonctionnement d’un système.

On décèle avec une plus grande précision les problèmes et on anticipe les dérives d’un process pour en augmenter la productivité et les gains associés.

Selon une étude du cabinet McKinsey, la maintenance prédictive permettra aux entreprises du monde entier d’économiser 630 milliards de dollars d’ici 2025, quels sont les efforts à mettre en œuvre pour que ce scénario se réalise ?

Si les process industriels sont déjà pour beaucoup très instrumentés et pilotés, il reste toute une collecte des données et une interopérabilité à mettre en place, permise par le développement des objets connectés.

Le challenge repose sur un choix pertinent des données à exploiter. Ensuite, pour développer l’aspect prédictif, il faut faire travailler de pair ingénieurs et techniciens, car si la machine peut apprendre, l’expertise process humaine sera toujours nécessaire pour bâtir cette intelligence, interpréter les résultats et agir en conséquence.

Il faudra également accompagner les petites et moyennes structures, qui, régulièrement, disposent de moins de moyens humains et financiers pour accompagner cette mutation.

Pour une entreprise du secteur de l’énergie, pourquoi est-il plutôt opportun de choisir une maintenance prédictive plutôt qu’une maintenance préventive ou curative ?

Le secteur de l’énergie vise un haut niveau de performance, tant sur les rendements de production, l’efficacité des systèmes que sur la réduction des consommations, dans un objectif environnemental majeur.

La maintenance préventive apporte une réponse évidente sur ce point, puisqu’un système entretenu périodiquement vivra plus longtemps et nécessitera moins de maintenance curative – plus coûteuse.

La maintenance prédictive vient quant à elle optimiser cette maintenance préventive, en ciblant mieux les actions à mener. Il ne faut donc pas négliger l’une par rapport à l’autre, elles restent complémentaires.

Pensez-vous que les outils dédiés à la maintenance prédictive sont aujourd’hui au point dans le secteur de l’énergie ?

Les solutions techniques existent, nous disposons de nombreux outils, mais rien n’est encore « normalisé » dans le secteur (connecteurs IoT, logiciels de supervision connectés aux installations, collecte des datas qui alimentent les algorithmes de machine learning…).

D’autre part, chaque entreprise présente un fonctionnement différent et les solutions proposées sur le marché ne répondent pas toujours à un besoin de personnalisation des outils pour les rendre adaptés et performants.

La mise en place de ces solutions doit, également, être couplée à une réorganisation des équipes et une formation accrue des techniciens de maintenance.

Pourquoi la modernisation de l’infrastructure énergétique est essentielle en France afin d’intégrer les énergies renouvelables ?

De plus en plus de Français se sentent concernés par les enjeux énergétiques, la sécurité de l’approvisionnement et leur impact carbone ce qui, de fait, va entraîner une modification de notre infrastructure énergétique et propulser les réseaux intelligents / Smart Grids.

Ils garantissent la stabilité du réseau ainsi que la sécurité de l’approvisionnement en France et demain à l’étranger. Ils permettent, également, de moduler et intégrer des niveaux importants de productions d’EnR en complément des énergies traditionnelles et donc d’optimiser les productions / consommations.

Cela permet, enfin, de penser des réseaux locaux (production locale, consommation locale) d’énergie dans des nouveaux quartiers : c’est ce que nous allons réaliser en 2019 dans le Sud de la France dans un quartier pavillonnaire de 71 logements, où l’énergie photovoltaïque cohabitera avec l’énergie du réseau en fonction des besoins des riverains et la production de la centrale photovoltaïque implantée sur un bassin de rétention.

En quoi le déploiement des compteurs connectés chez l’habitant permet la mise en place de solutions de maintenance prédictive ?

Les compteurs connectés, aujourd’hui, sont la base de la remontée d’information et permettent de pouvoir intervenir à distance.

Une fois les données remontées, nous pouvons :

– Centraliser l’information pour la retravailler ;
– Mettre en place des capteurs pour avoir une vision en temps réel de l’installation ;
– Suivre et normer des profils de consommation.

Une fois les profils mis en place, nous pouvons détecter des anomalies dès qu’elles se produisent, alerter le client ou les équipes de maintenance.

Vous travaillez actuellement sur un projet de maintenance prédictive au sein d’une centrale de production d’électricité, pouvez-vous nous en dire plus ? Quelles économies vont pouvoir être réalisées ou quel gaspillage va pouvoir être évité ?

Nous avons ciblé aujourd’hui trois centrales de notre parc photovoltaïque au sol pour étudier leur performance de façon plus précise. En effet, l’ensemble des données collectées par les systèmes de monitoring des centrales nous sont remontées sur des interfaces de visualisation avec des alertes en cas de défaut.

L’ennui, c’est que les indicateurs de performance globale fournis dans ce type de solution et la remontée automatique d’alertes ne suffisent plus pour maintenir nos centrales. À mesure que notre parc grandit et vieillit, le nombre d’alertes croit et il nous faut mieux cibler nos actions.

Une des centrales analysées montrait en 2017 des dysfonctionnements importants, ce qui impactait sa production, mais la dégradation de la performance avait été masquée les années précédentes par un meilleur ensoleillement.

L’idée est donc de développer des méthodes d’analyse statistique grâce à nos datascientists pour décorréler les différents facteurs impactant la production photovoltaïque et donc la rentabilité des projets avec pour objectif :

– D’améliorer le suivi de nos actifs sur le plan financier pour mieux évaluer leur performance future et donc leur valeur, notamment dans le cadre de refinancement ;
– D’anticiper et mieux planifier les actions des mainteneurs suivant les alertes ;
– De faire du « repowering », à savoir remplacer du matériel (panneaux, onduleurs, etc.) par un nouveau plus performant, par analyse comparative.

Ces méthodes seront prochainement déployées via des outils numériques pour faciliter le suivi des centrales. Elles permettront un meilleur tri des alertes suivant l’impact des dysfonctionnements et donc d’optimiser les plannings d’intervention.

Des gains sont attendus sur les recettes liées à la production et sur les frais de déplacement notamment. Les économies restent difficiles à chiffrer pour le moment, mais nous sommes confiants quant aux bénéfices de cette maintenance prédictive.

Propos d’Arnaud Jacques, – Responsable R&D Smart Grids chez ARKOLIA Energies, recueillis par Julien Jormot.

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