Les cours de certains métaux clés dans la construction des batteries de véhicules électriques (lithium, cobalt, nickel) déclenchent des réactions frisant le catastrophisme. Si les cours du lithium s’effondrent, c’est que le secteur du véhicule électrique est à l’arrêt ; si le cobalt et le nickel risquent de manquer, l’industrie des batteries risque d’être paralysée… Dans un cas comme dans l’autre, et comme souvent, il faut distinguer les faits de leur interprétation. En réalité, aucun de ces trois métaux n’aura de réel impact sur l’essor du véhicule électrique. Explications et désintox.

Premier étage de la fusée d’intox sur le thème « métaux rares et véhicules électriques ». Début août 2019, une campagne médiatique de très grande ampleur s’abat sur le monde et sur la France.

Idée reçue : si les cours du lithium, s’effondrent, c’est que les VE ont du plomb dans l’aile

Son thème : les cours du lithium s’effondrent. C’est, pour ces analystes, la preuve que le marché du véhicule électrique ne progresse pas aussi vite qu’attendu. Et que les débouchés attendus en terme de batteries de VE n’arrivent pas. Provoquant, en un an, une chute de 30% des cours du lithium, ce métal rare à la base des batteries Lithium-Ion. Alors que ces cours avaient triplé depuis 2015 !

lithium cobalt nickel vehicules electriques - Les Smart Grids

En réalité, l’électrification de la mobilité a bien pris un peu de retard sur les prévisions. Mais cette baisse des cours est davantage un effet de compensation après des années de spéculation abusive sur ce métal, qui avait fait s’envoler son prix. Il a suffi, dès lors, que l’Australie ouvre des mines en série pour voir ces mêmes spéculateurs prendre peur.

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Pourquoi la baisse des cours du lithium est une bonne nouvelle pour la mobilité électrique

Autre indice qui inquiète ces spéculateurs : l’intensité des recherches, partout dans le monde, pour trouver des alternatives au lithium dans la conception de batteries de véhicule électrique (sans compter le cas des piles à combustible avec réservoir d’hydrogène), laisse supposer l’arrivée prochaine de nouvelles batteries, aussi efficace que les Lithium-Ion mais utilisant moins de composants rare (et sans doute plus du tout de lithium…).

Imaginer une mobilité électrique sans lithium d’ici cinq ou dix ans n’a donc rien du scénario de science-fiction. Plus ironique encore : si les crédits alloués à la recherche sur des alternatives au lithium pour les batteries de VE sont aussi importants, c’est justement parce que le lithium est rare et coûte cher – et donc, en partie, à cause des spéculateurs qui ont provoqué l’envol des cours !

Si bien que cette baisse des coûts est, au final, une excellente nouvelle pour le développement du véhicule électrique. D’une part parce que les batteries actuelles pourront être produites à moindre coût. Et d’autre part parce qu’elle prouve que d’autres solutions devraient émerger.

Vers une pénurie de cobalt ou de nickel ?

Mais, mi-août, deux autres métaux rentraient dans la danse. Sarah Maryssael, la responsable de Tesla en charge des achats de matériaux pour batteries, a affirmé qu’elle redoutait une pénurie de cobalt ou de nickel, qui pourrait avoir un impact désastreux sur les fabricants de batteries Lithium-Ion pour les VE.

Une déclaration reprise, déformée, amplifiée dans les médias. Second étage de la fusée.

Cobalt : rare, stratégique, mais en quantité de plus en plus réduite dans les batteries

Le cobalt est à la fois le plus rare, le plus cher et celui qui pose le plus de problème. Car la moitié de la production mondiale provient d’un unique pays, la République Démocratique du Congo, en proie à des conflits armés, et qui exploite des enfants dans les mines.

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Mais le catastrophisme ne semble pas de mise. D’une part parce que le taux de cobalt dans les batteries Lithium-Ion est en chute libre. Les cathodes des premières Renault Zoé contenaient 30% de cobalt, elles n’en contiennent plus que 20% aujourd’hui. Et des cellules n’en contenant que 10% apparaissent. Certains constructeurs ont même développé des batteries Lithium-Ion sans cobalt – qui s’avèrent cependant moins performantes en termes de densité d’énergie ou de durée de vie. Mais des innovations laissent espérer, dans un futur proche, de batteries viables sans cobalt.

Nouvelles mines et recyclage assurent un approvisionnement correct en cobalt

Par ailleurs, de nombreuses mines de cobalt ont ouvert ces trois dernières années, et de nombreuses autres devraient suivre, au Canada, aux USA, en Roumanie, au Brésil et surtout en Australie. Parallèlement, le recyclage des batteries permet désormais de récupérer du cobalt de seconde main. Au terme d’une vie de batterie, le cobalt n’est pas dégradé, la quantité présente est toujours la même, réutilisable dans sa plus grande part.

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Si bien qu’entre la réduction de la quantité de cobalt utilisé, l’accroissement de la production mondiale et l’apparition de cobalt recyclé, il semble hautement improbable que l’essor du VE soit bloqué par un manque de ce métal.

Non, le nickel n’est pas en voie de raréfaction

Le cas du nickel est différent. Le métal est plus abondant sur terre (deux fois plus que le cuivre), les réserves mondiales sont très importantes. C’est d’ailleurs ce métal qui remplace, le plus souvent, le cobalt dans les batteries de VE. Mais il est essentiellement utilisé, dans l’industrie mondiale, pour la fabrication d’aciers inoxydables – à peine 5% du nickel utilisé dans le monde l’est pour des batteries.

Or, si les cours du nickel se sont, eux aussi, récemment envolé, c’est suite à la décision du président de l’Indonésie d’interdire les exportations de nickel, afin de booster le secteur industriel local. Mais les réserves sont importantes, et, là encore, l’ouverture de nouvelles mines devraient permettre de compenser largement le manque du nickel indonésien. Le recyclage du nickel est, lui aussi, possible.

Des investissements nécessaires dans ces métaux stratégiques

D’ailleurs, la déclaration de Sarah Maryssael était faite devant des industriels américains du secteur minier et des responsables politiques américains. Elle a bien dit qu’elle craignait une pénurie de nickel ou de cobalt, mais en précisant tout de suite « si les investissements  nécessaires ne sont pas faits pour accroître les capacités de production ». Trop de médias ont oublié ce contexte.

Le but de l’employée de Tesla était de convaincre les autorités américaines d’investir dans la production nationale de ces métaux. Elon Musk lui-même a récemment affirmé que Tesla allait peut-être se lancer dans l’exploitation minière, pour maîtriser totalement sa chaîne d’approvisionnement.

En clair : non, le développement des véhicules électriques n’est en aucun cas remis en question par les cours (montant ou descendant) du lithium, du cobalt ou du nickel.

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