Le régulateur français de l’énergie, la CRE, a proposé de restructurer le mécanisme de vente de la production nucléaire (Arenh) et les règles entourant sa modification et son annulation en réponse aux litiges juridiques qui ont surgi au plus fort de la crise du Covid-19.
La CRE a cherché à redéfinir les conditions du terme »de force majeure » dans le cadre de ce mécanisme, qui réglemente la vente de la production nucléaire d’EdF, une entreprise publique, à des fournisseurs alternatifs. Le régulateur a suggéré de supprimer une référence aux « conditions économiques raisonnables » dans lesquelles les parties sont censées remplir leurs obligations et dont l’absence peut déclencher la clause de force majeure.
Le ministère français de l’écologie devrait maintenant rendre une décision conforme aux suggestions de la CRE avant le prochain appel d’offres d’Arenh fin novembre.
La proposition ne vise pas à limiter les conditions dites de force majeure, mais à les rendre plus claires en les rapprochant de la définition générale du droit civil, a déclaré la CRE.
Néanmoins, la plupart des fournisseurs alternatifs qui ont participé à la consultation publique de la CRE avant sa délibération ont exprimé des inquiétudes contre la redéfinition, affirmant que celle-ci restreindrait l’exécution de toute clause réputée de force majeure par les entreprises privées et favoriserait EdF. Les associations françaises de fournisseurs alternatifs et de grands clients – AFIEG et Anode – ont également fait valoir que la clause était déjà clairement définie, tandis qu’Uprigaz, le syndicat des industries gazières du secteur privé, a soutenu la proposition de la CRE.
EdF était également favorable à la proposition, suggérant des restrictions supplémentaires aux résiliations de contrats par les fournisseurs alternatifs.
La suggestion de la CRE intervient alors que le projet a été mis à mal au plus fort de la crise du Covid-19, les fournisseurs du secteur privé cherchant à obtenir une aide d’urgence pour leurs achats, en invoquant la baisse rapide de la demande et la diminution des prix de l’électricité sur le marché de gré à gré.
Les prix au comptant en France ont atteint une moyenne de 15,33 €/MWh entre la mi-mars – lorsque le pays s’est retrouvé en situation de verrouillage – et la fin mai, dans un contexte de baisse rapide de la demande. Et le contrat du deuxième trimestre est arrivé à expiration fin mars à un niveau record de 18,20 €/MWh. En comparaison, EdF, qui exploite le parc nucléaire français de 61,1 GW, vend jusqu’à 100 TWh/an de sa production nucléaire à des fournisseurs alternatifs dans le cadre du mécanisme à un prix fixe de 42 €/MWh.
EdF a initialement rejeté les demandes de force majeure des entreprises, mais a été légalement tenue de suspendre les volumes de vente par le tribunal de commerce de Paris. En juin, l’entreprise a résilié unilatéralement son contrat avec trois fournisseurs alternatifs, mais le tribunal de commerce a annulé cette décision en juillet. EdF a fait appel de ces deux décisions.
Le gouvernement français négocie actuellement avec l’UE des plans de réforme plus larges pour l’Arenh au-delà de 2025, notamment l’introduction d’une fourchette de prix de 42-48 €/MWh. Fin juillet, EdF a déclaré qu’elle attendait l’issue des discussions entre Paris et l’UE, mais qu’elle soutiendrait les modifications apportées au régime.