Responsable de conférence au congrès Smart Grids qui aura lieu les 11,12 et 13 juin prochains à Paris, Géraldine Trapp répond à nos questions et nous éclaire sur les enjeux de la transition énergétique. 

Le congrès Smart Grids Paris ouvrira ses portes, les 11, 12 et 13 juin prochains pour la quatrième année consécutive, quelles seront les lignes de force de cette nouvelle édition?

Nous aborderons la question des smart grids sous différents points de vue. C’est pour cette raison que le titre devient « des smart grids au smart networks ». L’idée est de parler de l’interconnexion entre les réseaux électricité, gaz, eau et réseau de chaleur pour aller vers la notion de ville intelligente, voire de territoire intelligent. On dépasse en effet le cadre de la ville pour aborder davantage la notion de territoire, on se dirige vers l’intercommunalité et même vers de plus grands espaces.

Chaque année, le congrès réuni plus de participants, est-ce synonyme d'une explosion du marché des smart grids, ou simplement symptomatique de l'intérêt grandissant des acteurs institutionnels et industriels pour cette technologie ? 

Il est clair que le marché est en pleine expansion, la première année  nous avons reçu 1200 personnes alors que nous en attendions 500, la deuxième année nous en avons reçu 1700 et la troisième 2500. Le marché est en plein mouvement. C’est vrai qu’il a été un peu ralenti, retard du déploiement de Linky oblige. Mais le marché va s’activer puisqu’on va passer dans une phase de développement et donc d'industrialisation des compteurs intelligents Linky et Gazpar. Les industriels vont pouvoir proposer leurs offres et leurs services à ERDF pour Linky et à GRDF pour Gazpar.

Quel est selon vous le positionnement de la France en ce qui concerne les smart grids ? On parle beaucoup du déploiement à venir des compteurs communicants Linky et Gazpar, pour lequel l'État a beaucoup fait, mais d'autres initiatives sont-elles portées/soutenues par les pouvoirs publics ? 

On a en ce moment un positionnement fort grâce à Arnaud Montebourg à l’origine du financement des 34 plans de la Nouvelle France industrielle, dont celui sur la filière des réseaux électriques intelligents appelés communément smart grids. Il y a en France des leaders sur le marché tant dans l’électricité que dans les autres secteurs. On a également  de grosses structures tant dans les équipementiers électriques que dans les opérateurs de réseaux ou les intégrateurs. Ces différents corps de métiers sont leaders sur le marché français et déploient leur savoir-faire à l’étranger. La France est donc de mieux en mieux positionnée.  

Une analyse faite par plusieurs acteurs a d’ailleurs été pilotée par RTE. Cette analyse a porté sur l’effectivité de la filière des réseaux électriques intelligents. L’objectif est de  savoir s’il y a vraiment du business à faire dans ce marché et donc de réelles perspectives d’emplois. Ce qui est clair c’est qu’il y a des budgets d’investissement d’avenir qui ont d’ores et déjà permis de soutenir des projets démonstrateurs et que probablement d’autres montants vont être débloqués pour cet objectif.  

Face à des pays aux investissements colossaux (Chine et États-Unis) la France n'a-t-elle pas un train de retard ?

Aux Etats-Unis, Obama avait investi des sommes colossales pour lancer les smart grids mais le réseau américain était un peu en retard par rapport au nôtre. Nous avons eu la chance d’avoir un opérateur monopolistique, EDF, qui a investi dans le développement des réseaux. Sur toute la France, on a une très bonne qualité des réseaux et qui étaient déjà intelligents. Aux États-Unis chaque État a des distributeurs différents, les réseaux n’étaient pas de qualité. Les Américains avaient vraiment besoin des smart grids pour rendre leur réseau plus  intelligent pour permettre l’intégration des EnR et favoriser le développement de cette énergie distribuée. Ils ont massivement investit et assez tôt par rapport à nous.

La Chine aussi a de l’avance, mais c’est lié à une impulsion étatique comme en Corée. Il y a des investissements publics qui permettent aux industriels d’aller développer de nouvelles solutions et de nouveaux produits pour favoriser l’émergence des réseaux intelligents.

Linky et Gazpar sont aujourd’hui lancés, ERDF et GRDF sollicitent les industriels français pour proposer leurs produits et leurs services afin de permettre le déploiement massif qui doit se faire en quelques années. Ça va vraiment doper l’économie française. Maintenant que tout est lancé, on pourra rattraper notre retard.

On sait que les smart grids mettent en avant les EnR. Se déploient-ils assez vite pour permettre à la France de tenir les objectifs que Bruxelles lui a fixé, à savoir perfuser 23% d'EnR dans le réseau d'ici 2020 ? 

Il est certain qu’on a un objectif élevé en termes d’EnR, on est très en retard, mais les smart grids sont là pour faciliter l’intégration des EnR sur le réseau. On est passé d’un développement centralisé à un développement décentralisé. La décentralisation  permet le déploiement et cela ne sert à rien d’avoir des panneaux photovoltaïques ou des éoliennes si l’on ne peut pas intégrer l’électricité sur le réseau. Les smart grids favoriseront l’intégration et la distribution d’EnR en tout cas, ça va dans le bon sens.

Faut-il selon vous redéfinir le cadre technique, économique et juridique articulant la mise en place de smart grids ? Dans quel sens ? 

La CRE (Commission de régulation de l’énergie) a lancé une consultation sur le cadre technique, juridique et économique des smart grids. Cette consultation s’est terminée en décembre 2013. A partir des éléments recueillis, la CRE émettra des recommandations pour que le gouvernement définisse le cadre de développement des smart grids aux trois niveaux cités. 

La plus grande difficulté aujourd’hui concerne le stockage de l’énergie, quelles seront les innovations de demain ?

Le stockage de l’énergie est une priorité gouvernementale. C’est un des plans industriels lancés par Arnaud Montebourg. Anne Lauvergeon en fait aussi état dans son plan « innovation 2030 ». Il y a énormément de technologies, mais qui suscitent un budget colossal pour la recherche. Il s’agit de savoir quel type de technologie choisir par rapport à quel type de stockage et quel usage. Il y a aussi une grande question,  quel type de stockage et à quelle maille ? C’est à dire à quel endroit stocker l’électricité. Est-ce que ce sera près des domiciles ? A un niveau plus communal ? Ou plutôt départemental ? Quels seront les acteurs  concernés par le stockage de cette énergie ?  Le stockage connaît un vrai problème de recherche pour définir quelles sont les meilleures technologies. Il y a également un problème de business plan pour savoir comment le développer et à quelle maille.

Comment imaginez-vous la ville de demain ?

Je l’imagine interconnectée au niveau des réseaux. Les réseaux seront intelligents entre eux et pas seulement intelligents tout seuls. Il s’agira bien sûr des réseaux d’électricité, de gaz, et de chaleur, mais aussi tout ce qui concerne les télécoms pour que le citoyen ou la personne en entreprise puisse piloter sa consommation d’énergie de manière globale et pas seulement sur un des réseaux. Nous n’aurons pas de compteurs par types de réseaux, il faudra aller vers une intelligence mutualisée. Je pense qu’il faut même inclure tout ce qui est éclairage et transports pour avoir une vision interconnectée la plus large possible.

Les villes intelligentes supposent l’enregistrement de données confidentielles de la vie privée, que répondez-vous aux gens inquiets de voir ces données subtilisées ? 

Je pense que c’était déjà le cas en faisant des achats sur Internet. Des données très confidentielles sont en ligne et révèlent nos modes de consommation et notre typologie de consommateur. Cela est potentiellement générateur de business surtout pour le e-commerce. Le fait qu’un distributeur ou un fournisseur d’énergie connaisse nos volumes de consommation est certain. Maintenant ils n’iront pas jusqu'à savoir les moments où par exemple nous prenons notre douche. Ce n’est pas leur objectif. Ils veulent évaluer la consommation globale à certains moments de la journée pour pouvoir optimiser et équilibrer la consommation et la production d’électricité. Si on compare avec Internet, des données beaucoup plus confidentielles circulent et peuvent nous être davantage nuisibles. Il est clair que c’est un faux problème.

Si vous aviez un argument phare pour la promotion des smart grids lequel serait-il ?

Je pense que c’est une nouvelle filière économique pour les industriels qui est génératrice de business. Nous aurons au niveau de nos villes une gestion plus économe, et une meilleure maîtrise de nos consommations d’énergie. De passifs nous deviendrons actifs. Les smart grids vont permettre au grand public d’appréhender sa consommation et de la maîtriser en la pilotant avec des outils ou des applications que nous aurons bientôt sur nos smart phones. 

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