Le gouvernement a prévu de fermer les quatre centrales au charbon encore en activité en France à l’horizon 2022. Promesse de campagne du président Emmanuel Macron, ces fermetures n’ont, aujourd’hui, rien d’une évidence. A cause des emplois en jeu, faut de plan de reconversion. A cause de la sécurité d’approvisionnement, qui impose de disposer de capacités de production immédiatement disponibles. Un chemin semé d’embuches pour l’exécutif.

Le candidat Macron en avait fait une promesse de campagne. La nouvelle Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) l’a confirmé : les quatre centrales à charbon encore en service en France devraient fermer à l’horizon 2022, remplacées par une électricité renouvelable.

Ces quatre centrales regroupent cinq unités de production : deux à Cordemais (Loire-Atlantique) et une au Havre (Seine-Maritime), gérées par EDF ; une à Saint-Avold (Moselle) et une à Gardanne (Bouches-du-Rhône), gérées par l’énergéticien allemand Uniper.

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Fermer les centrales à charbon : une évidence écologique

Cette fermeture permettrait d’effacer des émissions de 10 millions de tonnes de CO2 par an, et faire de la France une champione incontestée de l’électricité à faible émission. Elle présenterait aussi une vraie économie pour le budget national : ne disposant plus de mines en service, la France importe l’intégralité du charbon qu’elle utilise, pour une facture de 1,5 milliards d’euros annuels.

Sur le papier, cette fermeture ne semble d’ailleurs pas poser de problème insurmontable au mix électrique français. Avec 3 GW, ces cinq unités de production ne représentent que 2,3% du parc français. Pour à peine 1,8% de l’électricité consommée.

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Le charbon a un rôle clé dans la sécurité d’approvisionnement électrique de la France

Pour autant, ces centrales jouent un rôle crucial dans la sécurité d’approvisionnement en électricité de la France. La puissance électrique issue du charbon est en effet mobilisable et pilotable sur demande, ce qui permet de répondre aux pics de consommation, notamment dans les régions les plus froides.

Or, avec les nouvelles normes concernant la sécurité de l’approvisionnement, mises en place par le Réseau de Transport d’Electricité (RTE) et validées tacitement par le gouvernement via la nouvelle PPE, cette sécurité d’approvisionnement nécessite un parc de production plus important. Dès lors, le RTE a rconfirmé que la fermeture ne serait-ce qu’une seule des cinq unités à charbon de France était absolument exclu avant fin 2020.

Aligner les planètes de la consommation, de l’effacement et des renouvelables

Au regard des besoins du réseau français, l’objectif d’une fermeture totale est atteignable en 2022, mais il faut que les planètes s’alignent à la perfection, et qu’un certain nombre de conditions soient remplies. Selon RTE, il faudrait d’abord que la consommation d’électricité n’augmente pas trop et que les énergies renouvelables se développent fortement. Les effacements de consommation électrique devront être accrus et fiabilisés, et les trois nouvelles interconnexions (une avec l’Italie, deux avec la Grande-Bretagne), prévues pour 2020-2021, devront être effectives à cette date.

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Du coté du parc de centrales, il faudrait par ailleurs que la centrale combinée gaz de Landivisiau (Finistère) de Direct Énergie et Total soit bien mise en service en novembre 2021, et, surtout, que le fameux EPR de Flamanville soit enfin opérationnel. La mise en service de ce dernier est, pour l’heure, programmée entre 2020 et 2022, mais il s’agit, rappelons-le, d’un des projets ayant accumulé le plus de retards de l’histoire industrielle française… Il faudrait également qu’aucune autre unité ne soit fermée.

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Les problématiques fermetures de réacteur nucléaires pendant les visites décennales

Les gestionnaires réseau doivent également rester vigilants sur la durée d’arrêt des centrales nucléaires durant leurs visites décennales. En effet, tous les dix ans environ, un réacteur doit être interrompu pendant une durée d’environ 5 mois pour changer une partie du combustible nucléaire et, surtout, réaliser des tests spécifiques de grande ampleur et un réexamen périodique de sûreté, qui permet d’analyser le respect des nouvelles normes de sécurité. Ces fermetures périodiques peuvent poser de sérieux problèmes au réseau électrique français.

En janvier 2019, par exemple, les deux réacteurs de la centrale de Flamanville ont été simultanément arrêtés, obligeant un recours massif à la centrale à charbon de Cordemais.

« Respecter la totalité de ces conditions » pour pouvoir fermer les centrales à charbon en 2022

Au final, pour pouvoir progressivement fermer toutes les centrales au charbon d’ici 2022, « il faut respecter la totalité de ces conditions, avec peut-être avec un petit joker sur les renouvelables ou l’effacement. Mais si deux conditions ne sont pas remplies, on se retrouvera avec un système moins résistant à des vagues de froid », prévient Thomas Verenck, directeur stratégie prospective de RTE. Ce qui imposera de conserver une partie des unités au charbon.

Mais au-delà de cette question cruciale, les autres éléments nécessaires à ces fermetures ne sont pas non plus réunis. Pas de plan de reclassement des emplois supprimés, pas même de cadre réglementaire pour la fermeture, ni de plan d’indemnisation des exploitants. De quoi donner mal au crâne au gouvernement, comme nous le verrons demain, dans la suite de notre étude.

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