En première ligne dans la fronde des Etats américains défendant l’accord de Paris, la Californie mène une politique de transition énergétique exemplaire. La cinquième puissance économique mondiale vient ainsi de s’engager à atteindre, dès 2045, 100% d’électricité propre et locale. Atouts climatiques et volonté politique de fer sont à la base de cette ambition.
Aux Etats-Unis, la transition énergétique dispose, avec la Californie, d’un héraut de poids. Avec 39,1 millions d’habitants en 2015, soit 12,2 % de la population des États-Unis, la Californie est l’État le plus peuplé du pays. Elle est aussi largement en tête en matière de PIB avec 2 481 milliards de dollars en 2015 – ce qui en fait l’officieuse cinquième économie du monde.
« A la pointe de la lutte contre le changement climatique »
Or, depuis que Donald Trump, le président des Etats-Unis, a décidé de se retirer avec fracas de l’accord de Paris, l’année dernière, un groupe de 16 Etats, auxquels se sont associées des collectivités comme New York ou Washington, a décidé de poursuivre la lutte contre le réchauffement climatique. La Californie a pris la tête de cette coalition, dont l’objectif est que les Etats-Unis atteignent les objectifs d’émissions de gaz à effet de serre fixés par Barack Obama en 2016 quand il a ratifié l’accord de Paris.
« La Californie sera toujours à la pointe de la lutte contre le changement climatique, quelle que soit la personne qui occupe la Maison Blanche », a ainsi affirmé le sénateur californien Kevin de Leon. L’Etat s’est en effet engagé depuis plusieurs années dans une valorisation de son potentiel éolien et solaire.
80% de renouvelables dans le mix électrique, un jour de mai 2017
Ainsi, en 2016, l’électricité californienne était décarbonné à 51,9%, et surtout renouvelable à 42,8% – hydraulique 14,0 %, géothermie 6,0 %, biomasse 2,9 %, éolien 6,6 %, solaire photovoltaïque 12,1 %, solaire thermodynamique 1,2 %. Symboliquement, l’Etat a même établi un record, le 13 mai 2017, en dépassant les 80% de renouvelables dans sa production d’électricité ce jour-là.
La Californie profite notamment d’un potentiel solaire considérable, chiffré par le Laboratoire National des Energies Renouvelable, à 7 kWh/m2 par jour. Et l’Etat exploite déjà largement ce potentiel : en 2017 la Californie a produit 31 370 GWh d’électricité photovoltaïque, soit 42,5% du total américain sur cette année ! L’Etat est également en pointe pour la valorisation de son potentiel géothermique et profite des vents, forts et réguliers, qui frappent sa façade océanique.
Une loi qui vise le 100% d’électricité renouvelable pour 2045
Mais l’Etat veut poursuivre ses efforts : le lundi 10 septembre 2018, son gouverneur Jerry Brown a ratifié le 100 Percent Clean Energy Act, une loi qui fixe un objectif de 100% d’électricité « propre » en 2045, avec un palier à 50% en 2025 et à 60% d’ici 2030.
« Avec cette loi, la Californie est sur les rails pour remplir les objectifs des accords de Paris et même aller au-delà. Ce ne sera pas facile, ce ne sera pas immédiat, mais ça doit être fait », a déclaré le gouverneur Brown.
Une politique de grands travaux pour une autonomie électrique renouvelable
La Californie va donc poursuivre sa politique de grands travaux en matière d’énergies renouvelables : l’Etat va se doter de nouveaux parcs éoliens, de nouvelles fermes solaires et de nouvelles centrales hydrauliques.
Le défi est d’importance, car l’Etat envisage également, à cette date de 2045, d’avoir électrifié une bonne part de ses véhicules automobiles, imposant une plus forte consommation d’électricité.
Autre ambition qui impose la construction de nombreuses centrales renouvelables : la Californie veut devenir autonome électriquement, alors qu’elle ne produit actuellement que 74% de son électricité, le reste étant importé des Etats voisins ou du Mexique.
Panneaux photovoltaïques en toiture obligatoires pour les bâtiments neufs
L’Etat s’est également engagé dans une vaste politique d’efficacité énergétique, indispensable pour réussir ses objectifs. Autre belle initiative : à partir du 1er janvier 2020, tous les nouveaux bâtiments résidentiels construits sur le sol californien devront être équipés de panneaux photovoltaïques.
Cette mesure vise à réduire de « 50% la consommation énergétique dans les nouveaux logements ». Une opération gagnante également pour les habitants : si les prêts immobiliers résidentiels dans le neuf devraient augmenter d’environ 40 dollars par mois pour compenser le surcoût de ces panneaux, les dépenses de chauffage, de climatisation ou d’éclairage, devraient, selon la Commission Californienne de l’Energie, baisser de 80 dollars mensuels.
Investissements dans le stockage et les smart grids
Pour accompagner l’augmentation programmée de la part de renouvelables intermittents dans le mix électrique, la Californie a également adopté un texte programmant 830 millions de dollars d’investissements dans le stockage de l’électricité pour les 5 ans à venir.
Ces investissements vont également permettre au réseau californien de basculer vers une logique de smart grids, afin d’optimiser production et consommation d’électricité renouvelable. Rappelons que 97,3% de la population californienne vit dans une aire urbaine, et que les pics de consommation électrique, notamment à la tombée de la nuit, sont un problème endémique du réseau électrique californien – cause principale des coupures massives survenues en 2 000 et 2 001.
Développer le stockage, les smart grids et la mobilité électrique va donc permettre donc à la Californie d’augmenter sa part de renouvelables intermittents tout en sécurisant son approvisionnement électrique.
Doper l’économie et l’emploi
Au-delà, les parlementaires californiens rappellent que la transition énergétique est également bonne pour l’économie et l’emploi. Le sénateur Kevin de Leon estime ainsi que le 100 Percent Clean Energy Act va « créer des dizaines de milliers d’emplois. (…) Il y a déjà dix fois plus d’emplois dans ce secteur pour la seule Californie que dans l’exploitation des mines de charbon pour l’ensemble des Etats-Unis ».
La Californie veut ainsi devenir un phare de la résistance environnementale à la politique de la Maison Blanche. L’Etat ayant déjà prouvé qu’il savait mettre les moyens pour atteindre ses objectifs, ce phare devrait rester bien solidement arrimé, face à l’Océan Pacifique.