Après avoir été un temps mise de coté, la technologie de la pile à combustion, utilisant l’hydrogène, à de nouveau le vent en poupe dans les recherches sur la mobilité durable. Après les voitures, elle s’applique désormais aux locomotives. Un train zéro émissions, ne rejetant que de l’eau dans l’atmosphère ? C’est désormais une réalité, qui ne demande qu’à s’imposer. Découverte.

Rien ne distingue réellement cette locomotive, la Coradia iLint, des turbines diesel qui circulent quotidiennement sur nos voies régionales. Elle ressemble comme une goutte d’eau au modèle Coradia Lint 54, une locomotive diesel d’Alstom dédiée aux voies non électrifiées, largement utilisée en Allemagne comme en France – qui représente encore aujourd’hui la moitié du parc des locomotives circulant en France.

Une locomotive propre et silencieuse

Sauf que la Lint 54 rejette du CO2. Beaucoup de CO2. Sa petite sœur, elle, rejette de la vapeur d’eau. Uniquement de la vapeur d’eau. Elle est également parfaitement silencieuse. Et les flancs de la machine sont ornés d’un sigle « H2O », la formule chimique de l’eau.

Et pour cause : si elle a été conçue sur le modèle et la technologie de la Lint 54, cette locomotive, baptisée Coradia iLint, est la première locomotive à hydrogène du monde, propulsée par une pile à combustible.

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Cette technologie, connue depuis des décennies, a été longtemps envisagée comme une des clés d’une mobilité durable et propre ; l’essor de la voiture électrique lui a, un temps, fait de l’ombre, mais elle a repris, ces dernières années, du poil de la bête, et de nombreux constructeurs automobiles travaillent sur des prototypes de voiture à pile à combustible.

Un système combinant pile à combustible, batteries et pilotage intelligent de l’énergie

La Coradia iLint s’appuie sur ce même principe : « L’hydrogène, contenu dans des réservoirs, se combine à l’oxygène de l’air dans la pile à combustible. La réaction produit d’une part, l’électricité qui alimente le train et d’autre part, de l’eau rejetée dans l’atmosphère », détaille Stefan Schrank, qui dirige ce projet chez Alstom Allemagne.

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Cette locomotive est également équipée de batteries, qui peuvent stocker l’électricité produite par la pile si elle n’est pas utilisée par les moteurs. De plus le train dispose d’un convertisseur/inverseur qui permet une alimentation des moteurs en fonction des besoins, ainsi qu’une récupération de l’énergie de freinage sous forme d’électricité stockée dans les batteries. Ces dernière permettent également d’offrir un surplus de puissance en cas de besoin d’une forte accélération. Des algorithmes optimisent en temps réel l’utilisation de ces différents flux d’énergie, par un pilotage énergétique intelligent.

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Phase de test cet été en Allemagne, déploiement industriel fin 2021

L’homologation de la iLint est, a priori, une question de semaines, et le train pourra entrer en service dès cet été sur la ligne Cuxhaven-Bremervörde en Allemagne, dans une phase de test grandeur nature. 64 de ces trains ont déjà été commandés et devraient être opérationnels entre fin 2021 et fin 2022 dans plusieurs régions d’Allemagne.

Rançon de ce succès technologique, la locomotive vient  de recevoir le GreenTec Award 2018 décerné par Schaeffer dans la catégorie Mobilité : « Nous sommes très heureux de recevoir ce prix. Avec le Coradia iLint, Alstom est le premier constructeur ferroviaire au monde à avoir conçu une technologie ‘zéro émission’ prête pour la production en série » a déclaré Jörg Nikutta, Directeur général d’Alstom en Allemagne et en Autriche.

« Une technologie ‘zéro émission’ prête pour la production en série »

« La technologie hydrogène montre de nouvelles possibilités pour une mobilité sans émissions CO2 dans une chaîne énergétique durable et dé-fossilisée, en particulier dans des domaines tels que l’ingénierie ferroviaire et le transport de marchandises lourdes. Alstom met cela en pratique de manière impressionnante avec le train à hydrogène Coradia iLint » complète le professeur Hosenfeldt, directeur du Centre pour l’innovation et la Recherche appliquée de Schaeffler AG.

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Même dans le cas où l’hydrogène alimentant la locomotive iLint est produit par vaporeformage du gaz naturel, elle réduit de 45% les émissions de CO2 par rapport à sa grande sœur diesel. Dans le cas où cet hydrogène est produit par une électrolyse alimentée par du solaire ou de l’éolien, la réduction de CO2 par rapport à la Lint 54 est de 100% !

Cerise sur le gâteau, les performances de cette « locomotive à eau » n’ont rien à envie à la version diesel : « Elle atteint la vitesse de 140km/h et peut parcourir 1000 km avec un plein, comme une locomotive diesel », assure Jörg Nikutta.

La France aussi pourrait avoir son train à hydrogène

Mais l’Allemagne ne devrait pas rester longtemps le seul pays pilote de ce projet : Alstom, un groupe français rappelons-le, pourrait prochainement lancer son train à hydrogène sur les voies non électrifiées de Gironde, dans le Médoc.

C’est en tout cas la volonté de Benoit Simian, député de la 5° circonscription de la Gironde (Médoc), rapporteur du budget transports à la commission des Finances, spécialisé dans les questions de mobilité innovante.

Le point de départ de sa réflexion est que l’abandon du diesel sur les petites lignes régionales nécessite leur électrification, un investissement coûteux : « Nous nous sommes dit que sur les lignes où l’on demande l’électrification, il était finalement plus judicieux de partir sur cette solution, c’est-à-dire une pile à combustible que l’on installe dans les trains, car c’est beaucoup moins cher. Et surtout c’est répondre à ce défi des petites lignes » expose le député.

Une ligne test entre Bordeaux et Soulac, prélude à un déploiement régional ?

La ligne du Médoc, entre Bordeaux et Soulac, ferait office de test. Benoit Simian a rencontré les dirigeants d’Alstom pour leur proposer de remplacer sur un large tronçon de cette ligne les vieilles Lint 54 au diesel par des iLint, tout en adaptant les infrastructures pour obtenir une ligne 100% propre : « pour alimenter ce train, il faut une centrale photovoltaïque à proximité d’une gare, soit environ 1 500 m2 de photovoltaïque. L’étude est en cours. (…) Et on pourrait adapter les piles à combustible sur un matériel TER. Dans la loi de programmation à l’automne, il y aura un appel à projets pour l’hydrogène. C’est quelque chose de tout à fait atteignable d’ici à 5 ans » expose l’élu.

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Le projet a de l’allure, et Benoit Simian a de l’ambition pour ces trains à pile à combustible : « D’autres lignes pourraient être concernées : Oloron-Bedous dans la vallée d’Aspe, Saintes-Royan… C’est toute la Nouvelle-Aquitaine qui doit être pilote. Je réunirai fin mai l’ensemble des acteurs, dont SNCF Réseau, SNCF Mobilités, l’Ademe et la région. On peut aussi décrocher des fonds européens pour ces projets. Et ensuite on ira plus loin avec le constructeur Alstom » conclue le député.

La France pourrait ainsi suivre l’Allemagne sur le développement de cette prometteuse technologie. La pile à combustible a d’ailleurs l’avantage de se combiner parfaitement avec un réseau électrique accueillant une large part de renouvelables intermittents, puisque l’hydrogène peut être produit à n’importe quel moment, pour être utilisé par la suite : plus encore que les véhicules électriques, la mobilité à l’hydrogène offre des réserves de flexibilités précieuses au réseau – ce qui pousse à accentuer la recherche dans cette direction.

 

 

 

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