Face à l’explosion programmée du nombre d’objets connectés, notamment dans les secteurs de l’énergie (smart grids, smart building, éclairage ou chauffage connecté, solutions domotiques…), les autorités françaises et notamment les parlementaires veulent prendre position. L’Opecst, via son vice-président, le député Didier Baichère, a présenté au Sénat une note à leur sujet. Explications.

Une révolution technologique a lieu sous nos yeux : le nombre d’objets connectés est en augmentation exponentielle, ils sont aujourd’hui plus nombreux que les humains sur Terre (environ 8 milliards), leur nombre oscillera entre 30 et 80 milliards d’ici 2020 – soit après-demain.

Les objets connectés, au cœur de la transition énergétique

Ils sont également l’armature de la révolution du secteur de l’énergie vers plus de renouvelables : qu’il s’agisse des briques smart grids (capteurs, compteurs communicants, transformateurs intelligents, plateforme de pilotage du réseau…), d’outils pilotant la consommation publique (éclairage public intelligent, chargeurs intelligents de véhicules électriques…), ou d’outils domotiques du smart building (thermostat, chauffage, prises électriques, ampoules, appareils ménagers connectés…), les objets connectés sont incontournables dans la transition énergétique.

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Leur nombre croissant ne pouvait laisser longtemps les parlementaires français inactifs : l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), présidé par Cédric Villani, a missionné son vice-président, le député LREM des Yvelines Didier Baichère, pour rédiger une note sur le sujet. Synthétique et clair, le document vise à définir la situation actuelle et à poser des recommandations pour que la France soit partie prenante de cette révolution – en évitant les chausses-trapes du monde de l’IoT (« Internet of Things », l’Internet des objets).

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La maintenance prédictive, une réussite à généraliser

La note évoque d’abord les domaines où l’efficacité des objets connectés a déjà été largement démontrée, et où les collectivités et l’Etat ne doivent pas hésiter à investir massivement. Elle point deux applications en particulier, qui ont en commun d’être conçues ou commandées par des grands groupes industriels à l’expertise reconnue, et d’assurer un niveau de sécurité maximum et une consommation d’énergie maîtrisée.

La première est la maintenance prédictive, que Didier Baichère juge comme « l’une des applications les plus probantes de l’Internet des objets, notamment utilisée dans l’industrie [où] elle s’appuie sur des réseaux de capteurs sans fil« . Le principe est connu : installer des capteurs tout le long d’un équipement, pour vérifier son état de fonctionnement en temps réel, et pouvoir ainsi anticiper les pannes ; cette technologie permet aux opérations de maintenance de se concentrer sur les fragilités supposées de l’équipement. Au final : gain de temps, d’argent et d’énergie.

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Tous les réseaux publics (électricité, gaz, eau, éclairage public…) sont en train de basculer vers cette nouvelle logique de maintenance, mais le secteur industriel, les équipements urbains, les routes sont également concernés.

Les smart grids, application exemplaire des objets connectés

Seconde application plébiscitée par l’Opecst : les smart grids, justement. Dans ce domaine, l’apport des différents outils connectés est une considérable avancée technologique, qui permet notamment de piloter en temps réel production et consommation d’électricité, tout en vérifiant l’état des équipement. Les objets connectés permettent ainsi d’optimiser l’équilibre entre demande locale d’électricité, production décentralisée et soutirage sur le réseau.

Leur rentabilité financière et énergétique ne fait, dans ce secteur, aucun doute – plusieurs études l’ont largement confirmé.

Objets connectés achetés par des particuliers : se méfier du rapport coût / bénéfice énergétique

En revanche, l’Opecst se montre plus prudent sur les objets connectés achetés par les particuliers, notamment les outils domotiques (éclairage intelligent, système de contrôle de la ventilation, thermostats connectés…) : « Paradoxalement, si certaines applications de l’IoT vont ainsi tendre à réduire la consommation énergétique, la consommation électrique due aux objets connectés et à leurs centres de données devient de plus en plus importante« .

La note ne remet pas en cause le principe d’économiser de l’énergie grâce à ces outils : il faut simplement veiller à ce qu’ils soient correctement conçus et utilisés pour éviter que certains ne consomment plus d’énergie qu’ils n’en font économiser. Et, en la matière, la note invite à voir plus loin que les chiffres bruts de consommation : la faible durée de vie de certains objets connectés (voire leur obsolescence programmée) risque de produire d’importants déchets électroniques, qu’il faut faire peser dans la balance du rapport coût / bénéfice.

L’Opecst recommande donc d’intensifier la recherche et développement dans la récolte d’énergie par ces objets et dans le stockage embarqué : le but est à la fois de les rendre autonomes, et de leur permettre d’emmagasiner de l’électricité quand elle est abondante sur le réseau, et de l’utiliser quand elle est plus rare. Nul doute que le radiateur connecté avec batterie de Lancey doit beaucoup plaire à Didier Baichère ! Et à raison !

Les délicates questions des données personnelles et de la sécurité

Les objets connectés des particuliers posent deux autres grands problèmes. Le premier est celui de la collecte des données personnelles, de leur traitement et des convoitises qu’elles peuvent faire naître : si un smart grid ou une solution smart city encadrent précisément l’utilisation des datas générées, ce n’est pas encore assez le cas des objets domestiques. Et les géants du net sont à l’affut pour récupérer cet or blanc, qui est le fondement de leur richesse. La note invite donc à la plus grande vigilance en la matière.

Le second problème est encore pire : la sécurité de ces objets connectés est encore trop faible, ce qui les rend vulnérables à un vol de données personnelles, voire à une prise de contrôle par des botnet type Mirai. « La réglementation européenne incite les fabricants à concevoir des objets connectés sécurisés, qui produisent et transmettent le strict minimum de données. Pour autant, les standards de conception assurant la sécurité informatique des technologies de l’Internet des objets ne sont pas encore généralisés. Les défauts de sécurisation des réseaux d’objets connectés sont pourtant des risques majeurs et une attention particulière doit y être prêtée« , expose avec justesse l’Opecst. En la matière, une information claire aux consommateurs est plus que nécessaire, pour qu’ils soient vigilants et évitent de se retrouver avec un outil passoire en terme de sécurité.

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Vraie réussite pour les solutions industrielles, attention requise pour les applications privées

La note évoque également la question des réseaux sur lequel ces objets connectés vont transmettre leurs données – plutôt sur des réseaux existants, 4G ou 5G, ou sur des réseaux à bas débit dédiés, de type LoRaWan ou Sigfox ? Une interrogation qui dépasse largement la France, et où se jouent des luttes d’influence entre les opérateurs télécoms (favorables à la première solution, plus « sûre » selon eux, mais aussi plus chère) et le monde de la tech et des start-up, plutôt convaincu par ces réseaux à bas débit, à coût plus faible et tout aussi efficaces, sinon plus, qu’un réseau type 4G.

Au bout du compte, ce document définit assez nettement que l’IoT est déjà une réussite dans laquelle il faut que la France s’engouffre pour toutes les applications à échelle industrielle (notamment dans le domaine de l’énergie), mais que son application dans la sphère privée doit faire l’objet de grandes attentions de la part des autorités, qui doivent l’encadrer pour éviter de dangereuses dérives.

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