La révolution du véhicule électrique est en marche. Une marche plus rapide et plus précoce qu’attendus par des nombreux industriels, à commencer par les constructeurs automobiles européens. En retard sur la Chine, le Japon, et même les Etats-Unis, sur les véhicules eux-mêmes, mais plus encore sur les batteries, l’industrie automobile européenne est à un tournant. Entre les commissaires européens qui poussent à des investissements « tout électriques » pour combler ce retard, des constructeurs qui préféreraient une période de transition pour éviter une perte massive d’emplois et certains constructeurs, comme Volvo, qui ont déjà fait le choix de l’électrique, les voix discordent. Mais un consensus et un choix fort semblent nécessaires pour maintenir la position européenne sur le marché automobile. Première partie de notre étude, centré sur un état des lieux et les positions des constructeurs.

L’industrie automobile européenne est à un virage capital, celui de la mobilité électrique. Un carrefour qu’elle va négocier avec un temps de retard, qui, si elle ne choisit pas bien son orientation, pourrait lui être fatal.

« La plupart d’entre nous conduiront une voiture électrique d’ici dix à quinze ans »

Voir dans le véhicule électrique l’avenir de l’automobile est une évidence depuis plusieurs années ; la seule question d’importance était celle de l’échéance – et le moins que l’on puisse dire, c’est que ceux qui ont misé sur une échéance proche vont rafler la mise ou, du moins, des parts de marché.

En effet, une prise de conscience mondiale sur les effets du changement climatique et sur l’impasse que représentent les combustibles fossiles s’est imposée en quelques années. Aujourd’hui la mutation est déjà en marche. Et la Commission Européenne veut que les constructeurs s’y attellent aussitôt que possible.

« Cela se passe beaucoup plus vite que ce qui était prévu, il y a quelques années. Cette révolution progresse très rapidement » : le 18 septembre, lors d’une conférence de presse, Elzbieta Bienkowska, l’Euro-Commissaire en charge du Marché Interne et de l’Industrie, a martelé cette idée. « Je pense que la plupart d’entre nous dans cette salle conduiront une voiture électrique d’ici dix à quinze ans » a ajouté Bienkowska. Les voitures de société pourraient même être concernée par cette révolution dans les cinq années à venir.

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Un nouveau modèle économique pour le secteur automobile

Le cabinet ING estime que dès 2035 les constructeurs automobiles européens ne produiront plus que des véhicules électriques. Les infrastructures de recharge ne cessent de se multiplier, l’autonomie des batteries d’augmenter, et, d’ici peu, le prix d’achat des véhicules électriques devrait commencer à baisser largement. Le cabinet estime que d’ici 7 ans, rouler un kilomètre avec une voiture électrique coûtera le même prix qu’avec une voiture à essence. A l’horizon 2025, la première option deviendra, définitivement, la moins chère.

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Parts de marché estimées des véhicules électriques en Union Européenne

« Les constructeurs européens dominent dans le domaine des moteurs à explosion, mais l’avènement de la propulsion électrique devrait réduire à néant cet avantage concurrentiel. Les moteurs électriques et les batteries offrent moins de possibilités de se démarquer de la concurrence » détaille l’étude.

Le modèle économique de demain est à des véhicules plus simples, nécessitant moins d’entretiens et de pièces détaches – deux points qui ont toujours assuré aux constructeurs automobiles des marges confortables.

Pour survivre, l’automobile européenne doit « tout miser sur les voitures propres »

Pour la Commission Européenne, les constructeurs européens doivent faire le deuil de ce modèle du passé, et vite, pour se porter dès que possible à l’avant-garde de la mobilité électrique. Bienkowska affirme que l’heure n’est plus aux demi-mesures : chercher à améliorer les moteurs à combustion n’a aucun sens. « Nous devons tout miser sur les voitures propres et investir tout l’argent des départements R&D dans la production de ces voitures. » exhorte l’euro-commissaire.

Car, devant l’avance prise par les Etats-Unis et l’Asie (Chine, Japon, Corée du Sud), cette révolution est impérative : « Sinon, ces voitures de l’avenir seront construites hors de l’Union Européenne. ». En matière de mobilité électrique, l’avance technologique de constructeurs japonais (Honda, Toyota) ou Coréen (Hyundai) n’est pas encore un fossé infranchissable ; en revanche, en terme de batteries Lithium-Ion, la Chine et les Etats-Unis (grâce à Tesla) tiennent que plus nettement le haut du pavé.

De nombreux constructeurs militent pour une période de transition

Mais de nombreux constructeurs automobiles européens, en partant du même constat, arrivent à une conclusion inverse. Carlos Tavares, le président de PSA, a affirmé que forcer l’industrie automobile européenne à se jeter dans le tout électrique le plus vite possible aurait pour effet de la détruire.

En effet, pour ne parler que du secteur-clé des batteries, seules 3% de la production mondiale provient de l’Union Européenne. Une marche forcée trop rapide vers l’électrique obligerait les constructeurs à acheter ces batteries aux Etats-Unis ou, plus probablement, en Asie du Sud-Est, Chine en tête. Une facture actuellement de 4 000 à 7 000 euros par véhicule. Et l’industrie automobile représente pas moins de 12,6 millions de postes dans l’Union Européenne, soit 5,7% du total d’emploi de la zone – une saignée rapide serait durement vécue d’un point de vue social.

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« Nous devons proposer une période de transition raisonnable, susceptible de nous empêcher de faire à nos amis chinois des cadeaux involontaires » a affirmé Roberto Vavassori, président de l’association européenne des équipementiers automobiles (Clepa). Ces constructeurs demandent de retarder la généralisation du tout électrique, en proposant d’améliorer les performance des moteurs à combustion pour prolonger leur place sur le marché de quelques années, ou de s’appuyer sur les carburants de synthèse, qui pourraient être neutres en carbone et sont utilisables par les moteurs que nos constructeurs européens savent si bien fabriquer.

Volvo, le pari de tout électrique, le plus vite possible

D’autres constructeurs ont fait le choix opposé : Volvo a annoncé cet été qu’il ne proposerait plus aucun véhicule 100% thermique dès 2019. Le constructeur suédois a décidé de prendre dès que possible le virage de la mobilité électrique. Il va développer des modèles 100% électriques, 5 devrait sortir d’ici 2020, et va progressivement remplacer ses autres modèles par des hybrides.

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Pour se concentrer totalement sur cette révolution, le constructeur va fermer d’ici deux ans toutes ses usines de moteurs thermiques, et équipera à partir de 2019 ses voitures hybrides de moteur BMW ou Volkswagen. Un choix audacieux, mais qui semble aller davantage dans le sens de l’histoire que ceux défendus par la Clepa.

C’est d’autant plus vrai que l’Union Européenne va soutenir largement les constructeurs penchant vers l’électrique, par des incitations et des pénalités aux émissions de CO2 – et et par un projet industriel d’importance pour rattraper le retard en terme de construction de batteries. Détails de ces propositions et de leur impact dans la seconde partie de notre étude, demain.

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