Le véhicule électrique va s’imposer dans nos vies beaucoup plus vite qu’escompté, donnant l’avantage aux pays, industriels et constructeurs ayant fait très tôt le pari de miser sur cette technologie. En la matière, les gagnants se trouvent en Asie du Sud-Est et aux Etats-Unis, et les constructeurs européens se retrouvent avec un retard technologique, industriel et même philosophiques à combler. Consciente de ces réalités, la Commission Européenne vient de faire des propositions concrètes aux constructeurs, entre incitations, contraintes et proposition d’une grande aventure industrielle. Second volet de cette étude, consacrée à ces propositions.
Nous avons vu, dans la première partie de notre étude, comment les véhicules électriques allaient s’imposer dans le monde, bien plus rapidement que prévu : dès 2035, il est probable que les constructeurs automobiles européens ne produisent plus que des véhicules électriques. Face à cette réalité et au retard européen en terme de technologie électrique et, surtout, de production des batteries Lithium-Ion, la Commission Européenne pousse pour un abandon complet des recherches sur les moteurs à combustion pour se consacrer totalement à l’électrique.
Si Volvo par exemple a décidé de renoncer à produire des véhicules 100% thermiques et des moteurs thermiques dès 2019, une majorité des constructeurs européens, pour sauvegarder à court et moyens termes les emplois du secteur automobile en Europe, proposent de conserver le plus longtemps possible un statu quo, et défendre le moteur à combustion jusqu’à la dernière goutte d’essence.
La Commission Européenne a fait le choix de favoriser l’électrique
Mais la Commission Européenne ne semble pas convaincue par cette demande d’une période de transition. Elle veut accélérer le processus de transfert industriel du thermique vers l’électrique, et va prendre des mesures en ce sens. Les deux principales seront un soutien encore accru au déploiement des infrastructures de recharge, et des normes encore plus strictes en matière d’émissions de CO2 des voitures et des camionnettes.
La Commission a également conscience qu’une bascule vers le tout électrique imposerait de commander des batteries Lithium-Ion en Chine, au Japon ou aux Etats-Unis – avec un impact économique et social d’importance pour l’ensemble de l’Union. Pour les commissaires européens, cette question est même centrale.
Ils font confiance aux constructeurs européens pour rattraper, par des investissements en recherche et développement, le retard en terme de technologie et de prix des véhicules électriques ; ils estiment qu’une mutation industrielle sera nécessaire pour l’industrie automobile, mais que l’exemple de Volvo prouve que les constructeurs ont la puissance économique pour l’effectuer.
Les batteries, secteur-clé, où le retard sera le plus difficile à combler
Mais, en revanche, le retard européen en terme de conception et de production des batteries leur semble irrattrapable sans renouveler de fond en comble cette industrie. C’est justement la proposition que vient de faire le commissaire européen à l’énergie Maros Sfcovic, ce lundi 18 septembre. Jugeant cette technologie « trop importante pour être importée de l’étranger », il veut que les constructeurs et industriels européens s’unissent pour, le plus rapidement possible, mettre en place une filière efficace et concurrentielle.
Conscient que le temps joue contre l’Europe, il rapproche la situation de celle de l’aéronautique des années 1970, quand les constructeurs européens ne parvenaient pas à rattraper leur retard derrière Boeing, qui raflait tous les marchés mondiaux. La solution fut trouvé en unissant les capitaux, les savoirs et la puissance industrielle de plusieurs pays en une seule unité, transnationale, qui pris le nom d’Airbus – avec l’éclatant succès que l’on sait.
S’unir pour survivre : suivre l’exemple d’Airbus pour créer une filière des batteries
Maros Sfcovic milite pour la mise en place d’un « Airbus des batteries », qui devrait devenir une priorité absolue du secteur automobile européen. Il est certain qu’en unissant les expertises techniques des industriels européens spécialisés dans les batteries et de plusieurs constructeurs automobiles européens, des solutions techniques pour améliorer encore les batteries Lithium-Ion devraient être rapidement trouvées.
Et surtout, en matière de batterie, les économies d’échelle sont un facteur capital pour tirer les prix vers le bas ; la rapide réussite chinoise en la matière s’explique par des commandes pharaoniques, qui ont permis de rentabiliser très vite des investissements très lourds ; c’est également le pari de Tesla et de son usine géante de batteries. Pour l’instant, les constructeurs européens travaillent à trop petite échelle pour proposer des batteries compétitives.
2,4 milliards d’aides européennes pour la recherche et le développement
Des réunions sont programmées très rapidement pour déterminer quel soutient l’Union Européenne pourrait apporter à ce projet – et s’il convainc des acteurs clés en Europe. « Nous mettrons des moyens à disposition pour soutenir la recherche, l’infrastructure et le marché », a ainsi affirmé Sefcovic, qui a évoqué une enveloppe de 2,4 milliards d’euros d’aide à la recherche et au développement.
L’idée est de s’appuyer sur des savoirs-faire éprouvés et sur l’excellence, pour mettre en place un vaste projet industriel. Il s’agit aussi d’éviter les errements chinois qui, dans leur plan de développement de la mobilité électrique, ont dispersé une partie des aides dans des start-up fantômes qui ne parviendront jamais à commercialiser la moindre voiture ou batterie.
Vers une logique de consortium transnational ?
Au-delà, les discours des différents euro-commissaires prouvent que l’Union Européenne est prête à soutenir et aider les constructeurs qui prendront au plus tôt avec elle le virage du 100% électrique. Volvo sera à coup sûr de ceux-là ; on peut imaginer que Renault, leader français de la voiture électrique, Volkswagen ou Mercedes, très impliqués dans la question du véhicule électrique, accompagneront ce mouvement.
Peut-être même que l’ambition de l’Union Européenne est d’unir, au-delà de la question des batteries, des constructeurs et des industriels, en un vaste consortium européen capable de peser de tout son poids sur la révolution en cours du véhicule électrique…
Quoiqu’il en soit, les mois à venir seront capitaux pour l’avenir d’un secteur qui demeure un fleuron européen, tant en terme technique, économique ou d’emploi. L’industrie automobile européenne fera-t-elle les bons choix pour négocier le virage le plus important de son histoire ? Le temps seul le dira.