Sidewalk Labs, filiale d’Alphabet, la maison-mère de Google, vient de dévoiler les plans détaillés de son projet de smart city au cœur d’une friche industrielle de Toronto. Si cette vision de la ville du futur semble plutôt enthousiasmante, des voix s’élèvent pour mettre en garde contre la boulimie de terrains de Google et, surtout, sa future gestion des données – le géant de Mountain View ayant largement prouvé qu’il n’était pas un ange en la matière.

Le lundi 25 juin, Sidewalk Labs, la filiale d’Alphabet dédiée aux innovations urbaines, a dévoilé les plans précis de son vaste projet de smart city sur une friche portuaire de Toronto, sur le quartier de Quayside et la partie ouest de l’île Villiers.

smart city sidewalk labs toronto - Les Smart Grids

La ville du future, énergétiquement exemplaire

Voici un an, les autorités donnaient le feu vert à l’entreprise pour développer ce quartier de hautes technologies, qui se veut une vitrine de l’expertise technologique d’Alphabet et un laboratoire grandeur nature de la ville du futur selon Google. Le document de 1 500 pages rendu public par Sidewalk Labs contient en effet un véritable catalogue des innovations urbaines, notamment d’un point de vue énergétique.

Les édifices seront ainsi entièrement construits à partir de matériaux renouvelables, avec une structure en bois, une efficacité thermique maximale, et des panneaux photovoltaïques sur les toitures. Ces logements et bureaux, équipés de solutions de stockage, de capteurs et d’une plateforme de pilotage énergétique en temps réel, viseront la neutralité carbone – et seront même, pour certains, excédentaires en énergie. D’autres sources d’énergie renouvelable seront installées dans le quartier pour limiter son empreinte carbone.

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Une mobilité douce et verte, des logements écologiques mais abordables

Pour éviter les coûteux travaux saisonniers de déneigement et de dégel, les rues seront chauffées. Le quartier s’appuiera sur des véhicules autonomes électriques, et donnera la part belle à la mobilité électrique, notamment via des infrastructures de recharge. L’ensemble des bâtiments et des voix de circulation seront conçus pour résister aux crues printanières.

Sous la ville, un réseau acheminera les livraisons à domicile. Un centre logistique sera dédié à l’amélioration, en temps réel, du trafic urbain et de la qualité de l’air. Le but n’étant pas de créer une niche pour les plus fortunés, les logements sont annoncés à un tarif 40% en dessous de celui du marché.

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Un projet « historique » selon Sidewalk Labs

L’ensemble de ce nouveau quartier, où Google devrait déménager son siège canadien, offrira, outre des bureaux pour de grandes entreprises, des commerces, des espaces dédiés aux entreprises sociales et 4 300 logements.

Les premiers coups de pioche sont prévus pour 2022, sous réserve de validation du budget par les autorités canadiennes. Le coût total est estimé à 3,9 milliards de dollars, dont 900 millions investis directement par Sidewalk Labs.

« Ce que ce projet peut accomplir est historique. Il pourrait avoir un impact considérable sur la vie urbaine et devenir un hub pour l’industrie de l’innovation urbaine », défend Dan Doctoroff, patron du Sidewalk Labs.

Le District IDEA, une duplication à grande échelle de la smart city

Pour autant, ce projet, au-delà de cette exemplarité énergétique que personne ne conteste, suscite certaines controverses. La première est liée à l’ambition de Sidewalk Labs d’étendre ce projet bien au-delà des limites de Quayside, les seules validées pour l’heure par les autorités canadiennes.

En effet, les plans dévoilés par Sidewalk Labs envisagent le déploiement de cette logique urbaine dans un quartier beaucoup plus vaste, englobant toutes les friches industrielles de cette zone des quais de Toronto. Cet ensemble est baptisé par la filiale d’Alphabet « District IDEA ».

La folie des grandeurs

L’aménagement de ce district par Sidewalk Labs permettrait de créer 44 000 nouveaux emplois et de générer chaque année 14,2 milliards de dollars en activité économique, selon une analyse indépendante d’urbanMetrics. Alléchant… Sauf que ni la ville de Toronto, ni le gouvernement, provincial ou fédéral, n’a autorisé cette création !

« L’idée du IDEA District est prématurée. Il faut voir d’abord comment fonctionne le quartier Quayside avant de décider de travailler ensemble ailleurs » rappelle le président de Waterfront Toronto, Steve Diamond, tout en se félicitant de voir sortir de terre un quartier écologiquement exemplaire.

Main basse sur des terrains publics

Même son de cloche du coté du mouvement #BlockSidewalk, qui rappelle que Google a déjà mis la main sur d’importantes réserves foncières publiques à bas prix. Et envisage de le faire pour une zone bien plus importante : le quartier que possède Sidewalk Labs a une surface de 5 hectares, le district IDEA fait 76 hectares !

« Ce projet n’a jamais été seulement de développer un petit quartier de près de 50 000 mètres carrés. Ce plan qu’a présenté Sidewalk Labs en est la preuve » pointe Thorben Wieditz, porte-parole de #BlockSidewalk.

Peut-on vraiment faire confiance à Google sur le traitement des données ?

Autre motif (légitime) d’inquiétude : les données personnelles. Le futur quartier sera truffé de capteurs, dans les rues, les logements, les commerces, les bureaux. #BlockSidewalk s’interroge sur la façon dont Sidewalk Labs va traiter cette masse d’informations. Et ce, même si la firme a affirmé que les données ne seraient pas traitées sans le consentement de l’utilisateur.

Une inquiétude qui se comprend, quand on sait que la fortune de Google est bâti sur les données personnelles. Le modèle économique du géant du net fonctionne sur la revente de ces données. Google est d’ailleurs passé maître dans l’art d’obtenir des consentements sans que les utilisateurs ne sachent vraiment ce qu’ils ont accepté…

Sidewalk Labs, pile et face

Preuve que cette inquiétude était légitime : il a fallu une levée de boucliers d’associations de défense de la vie privée pour que Sidewalk Labs propose d’anonymiser l’ensemble des données récoltées dans le cadre urbain, et d’en rendre l’accès public et transparent via un service d’open data. Alors que c’est le B.A. BA d’une smart city en France !

Coté pile : un bon samaritain, oeuvrant pour l’avenir et la transition énergétique. Coté face : un Big Brother avide de profits, de terrains publics à prix bas et de données personnelles. De quoi osciller entre enthousiasme et vigilance pour l’avancée de cet ambitieux projet.

 

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