Troisième et dernier volet de notre étude consacrée à la géothermie, centrée cette fois sur la production de chaleur par géothermie en France. Il s’agit, avec la production d’électricité, de la deuxième utilisation de cette source d’énergie, complémentaire de la première : elle aussi reprend son essor depuis trois ou quatre ans, après une première grande période de travaux dans les années 1980. Car si la géothermie chauffe déjà des centaines de milliers de foyers en France, elle pourrait en chauffer des millions !

Après nous être concentré, dans la première et seconde partie de notre étude, sur la géothermie de haute énergie, servant à produire de l’électricité, nous conclurons en évoquant la place de la géothermie à très basse, basse et moyenne énergie destinée à produire de la chaleur en France, soit pour des systèmes de pompe à chaleur individuelles, soit pour des réseaux de chauffage public ou d’eau chaude sanitaire.

Rappel historique : les années 1980, premier boom du chauffage par géothermie

Cette technique, largement répandue dans le monde, est également présente en France. Petit retour en arrière : le choc pétrolier, au début des années 1980, provoque l’explosion du prix du pétrole et un intérêt proportionnel pour d’autres sources d’énergie, immédiatement utilisables. L’Île de France s’est résolument tournée vers la géothermie de basse et très basse énergie pour des réseaux de chauffage.

A l’époque, les forages se multiplient un peu partout en banlieue parisienne : l’objectif, à l’époque, est de chauffer 800 000 logements grâce à la géothermie. Le cours du pétrole redescendant et des soucis techniques de corrosion ou de colmatage ont limité la portée de ces grands travaux, mais 150 000 logements franciliens sont encore chauffés par ce biais.

Parmi eux, quelques constructions sont rentrées dans l’histoire. Le réseau de chaleur par géothermie de Chevilly-Larue, inaugurée en 1985, est toujours le plus grand d’Europe. Une eau récupérée à 2 000m de profondeur est injectée dans le réseau de chauffage à la température de 72 °C : elle fournit en chauffage et eau chaude sanitaire 21 000 logements et des équipements publics.

Elle offre à la ville et à ses habitants une économie d’environ 30% par rapport à une chaufferie au fuel ; d’un point de vue environnemental, ce réseau permet d’éviter l’émission de 30 000 tonnes de CO2 et la consommation de 10 000 tep (tonne équivalent pétrole) de combustible par an.

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Un retour au premier plan au début des années 2010

Cela étant, le recours à cette technologie de chauffage avait pratiquement disparu de France pendant une trentaine d’années. Il a fallu la volonté d’imposer une transition énergétique au pays, au début des années 2010, pour voir des appels d’offre reverdir. Le ministère de l’environnement a ainsi mis en place en mars 2015 un fonds de garantie de 50 millions d’euros, nommé « Geodeep », visant à encourager le développement de la géothermie. En juillet 2015, la Loi de transition énergétique pour la croissance verte a encore accéléré le processus.

Aujourd’hui, la France entend valoriser son sous-sol : et si presque toutes les régions disposent d’un potentiel conséquent et de projets de ce type, les deux régions motrices de cette recréation d’une filière sont incontestablement l’Alsace et l’Île de France.

L’Alsace, une pionnière au sous-sol brûlant

L’Alsace entend valoriser au mieux son sous-sol : située sur la « faille du Rhin », la région dispose d’une eau dépassant les 150 °C à partir de 3 000 à 5 000 mètres de profondeur, une aubaine pour la géothermie. Cela explique que le projet pilote de centrale électrique à géothermie de haute énergie de la France est situé dans la région, à Soultz-en-Forêt. Cela explique la multiplication des forages ces quatre dernières années.

En 2015, un réseau de chaleur par géothermie a ouvert à Rittershoffen, relié à l’usine Roquette Frère de Beinheim : il permet d’éviter la consommation par l’usine de 16 000 tep par an, et une diminution de 39 000 tonnes par an des émissions de CO2.

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2017 a vu démarrer les travaux de trois centrales, à Eckbolsheim, Vendenheim puis Illkirch-Graffenstaden, dans l’Eurométropole de Strasbourg. Elles seront toutes achevées à l’horizon 2020, et participent clairement à l’ambition de la métropole d’atteindre les 26% d’énergies renouvelables dans son mix en 2020 : « C’est une énergie à bas coût et qui échappe aux fluctuations des énergies fossiles. D’ailleurs, une fois la centrale d’Illkirch terminée en 2020, il y en aura certainement d’autres en Alsace car c’est une opportunité écologique et énergétique. » a ainsi déclaré Robert Herrmann, président de l’Eurométropole.

L’île-de-France recommence aussi à forer

En Île-de-France également, les projets se multiplient, le plus souvent pour compléter des réseaux existants. Depuis début octobre 2017, une nouvelle centrale est en construction à Villejuif, pour un budget de 30 millions d’euros, financé en partie par l’ADEME.

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Cet équipement viendra compléter le réseau de Chevilly-Larue de plus de 10 000 logements supplémentaires, pour atteindre un total de 40 000 logements regroupés sur trois communes : L’Haÿ-les-Roses, Chevilly-Larue et Villejuif.

A Villiers-le-Bel, un troisième puits est en cours de forage sur un site de géothermie qui chauffe déjà « l’équivalent de 7 000 logements, dans les quartiers des Carreaux, de Derrière-les-Murs-de-Monseigneur, Puits-la-Marlière à Villiers-le-Bel et de la Fauconnière à Gonesse », explique Michel Jaurrey, adjoint (PS) délégué aux finances à Gonesse et président du syndicat intercommunal de Villiers-le-Bel/Gonesse. Le nouveau puits devrait augmenter de plus de 50% la capacité de la centrale.

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Une volonté politique forte

Au cœur de Paris, le nouvel écoquartier de Clichy-Batignolles s’appuie également sur la géothermie pour le chauffage et l’eau sanitaire des immeubles d’habitation et des équipements publics, y compris le futur Palais de Justice et le nouveau « Quai des Orfèvres ».

Plus généralement, la programmation pluriannuelle de l’énergie PPE a fixé comme objectif pour le 31 décembre 2018 la production de 200 000 tep sur la France métropolitaine, et pour le 31 décembre 2023 400 000 tep en option basse et 500 000 tep en option haute.

Toutes les régions sont concernées, le soutien public semble assuré, si bien qu’il semble peu présomptueux d’affirmer qu’en 2023, une filière de la géothermie sera en place en France, accompagnée de projets et d’appels d’offre conséquents.

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