Développer massivement le véhicule électrique est une nécessité pour la France, et les réseaux électriques doivent s’adapter à cette nouvelle donne. Les contraintes de puissance, tant redoutées par les Cassandre de la mobilité électrique, sont un faux problème. Elles ont été largement anticipées, notamment grâce à des solutions intelligentes, et, de ce point de vue, la France est prête pour cette révolution.

Nous avons vu, dans la première partie de notre étude, comment les industriels de la filière énergie et automobile étaient prêts à s’engager dans le déploiement de la mobilité électrique, sous réserve d’un accompagnement fort des pouvoirs publics. Parmi les priorités mises en avant figure le développement de nouvelles formes de relations entre véhicules électriques, réseaux électriques et bâtiments consommant de l’électricité, sous le contrôle de solutions smart grids.

« La mobilité électrique est une affaire collective »

Ces synergie sont une nécessité : « la mobilité électrique est une affaire collective. Il faut que le monde de l’énergie rencontre le monde de la construction automobile, mais aussi celui des startups » a ainsi déclaré Dominique Lagarde, Directeur Mobilité électrique d’Enedis, en marge du premier Forum Energy For Smart Mobility qui s’est déroulé les 14 e 15 mars au Palais du Pharo à Marseille.

france mobilite electrique 2 2 reseau - Les Smart Grids

Le dirigeant en profite pour souligner le rôle pionnier que joue le gestionnaire réseau en matière de développement du VE : « nous sommes au cœur du monde de l’énergie mais aussi déjà un peu au cœur du monde de la mobilité. Nous avons une flotte de 18 000 véhicules dont 10% sont électriques. Nous avons donc déjà une expérience en interne de la mobilité électrique » précise Dominique Lagarde.

L’appel de puissance de la charge des VE : un épouvantail sans fondement

Pour autant, une des critiques récurrentes portés à l’encontre du VE est qu’il risque de provoquer des black-out, à cause des besoins de puissance électrique supplémentaire qu’il engendrera. Un des grands arguments est celui-là : quand il y aura dix millions de VE en France, et qu’ils voudront tous se brancher en même temps, le soir, au moment de la pointe de consommation, le réseau électrique va flancher !

Cette idée reçue est en réalité fausse, pour plusieurs raisons. D’abord parce que les béotiens ont tendance, intuitivement, à surestimer les besoins de puissance supplémentaire qu’induisent les VE pour leur recharge : « le phénomène est progressif et nos estimations montrent que pour les premiers millions de véhicules, nous n’aurons pas d’énormes besoins de renforcement des réseaux. Par exemple, pour les stations d’autoroute l’une de nos études, qui a été reprise dans son dernier rapport par la CRE, indique que nous pourrons installer jusqu’à 2 gigawatts sur les différentes stations du réseau autoroutier concédé, sans avoir à faire des renforcements de réseau importants » détaille Dominique Lagarde.

Un réseau adapté aux variations d’appels de puissance

Ensuite parce que le réseau français est parfaitement paramétré pour absorber, au niveau local, de grandes variations d’appels de puissance, notamment grâce au développement des énergies renouvelables.

« A certains endroits fortement équipés en panneaux solaires, nous avons des sauts de puissance en l’espace d’une demi-heure qui sont de 5,10 voire 14 mégawatts et personne n’en entend parler car le réseau sait parfaitement gérer des sauts de puissance de cette nature. 14 mégawatts localement, c’est équivalent à vraiment beaucoup de voitures » donne en exemple Dominique Lagarde.

Charger le véhicule au meilleur moment pour éviter les contraintes

Au-delà, l’autre erreur est de croire que les véhicules seront tous rechargés en même temps, au moment où les particuliers rentrent chez eux. C’est oublier qu’un véhicule individuel passe la majeure partie de la journée garé, et que les trajets qu’il effectue sont majoritairement inférieurs à 50 kilomètres quotidiens.

D’où la nécessité de développer les bornes de recharge en entreprise ou dans les bâtiments publics, afin de permettre aux particuliers de recharger leurs véhicules électriques dans la journée, de préférence quand la production d’électricité locale est forte (ou quand la consommation est basse).

Et, pour la recharge au domicile, il faut prioriser les moments de faible consommation, notamment au cœur de la nuit : une voiture qui rentre à la maison avec une batterie pleine à moitié n’a pas besoin d’être intégralement rechargée à 19 heures, elle peut parfaitement attendre 2 ou 3 heures du matin !

La charge intelligente, alpha et omega de la future mobilité électrique

Pour piloter cette charge en fonction des besoins et capacités du réseau électrique, la charge intelligente (ou smart charging) est une nécessité technologique. Une borne intelligente reçoit des instructions du réseau local de distribution, lui indiquant les moments où l’électricité est excédentaire, et où la charge doit être effectuée en priorité, contre un avantage financier pour l’usager.

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Ce dernier, en cas d’urgence, pourra toujours choisir de charger sa batterie en dehors de ces moments, même si la période n’est pas optimale pour le réseau : il paiera dans ce cas plus cher. A terme, le consommateur indiquera, en la branchant, l’heure à laquelle il souhaite que sa batterie soit intégralement chargée, et le réseau intelligent déterminera le meilleur moment pour le faire.

Soutenir le réseau avec des batteries de VE

Mieux, ces batteries pourraient être utilisées pour soutenir le réseau. En les reliant à des bornes bi-directionnelles, les véhicules électriques pourront fournir de l’électricité au réseau. Un véhicule restant garé une majeure partie du temps, il peut devenir une réserve de stockage pour le réseau. Un smart grid pourra donc, non seulement choisir de charger la batterie du VE aux meilleurs moments, mais aussi de soutirer de l’électricité en cas de pic de consommation, et recharger la batterie plus tard.

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Ainsi, un particulier qui rentre chez lui à 18h avec une VE à la batterie chargée à 50%, branche son véhicule à la borne bidirectionnelle, indique qu’il veut une batterie intégralement chargée à 7h le lendemain, et que sa batterie ne doit pas descendre en dessous de 25%. Entre 18h et 20h, période de pointe pour la consommation, le réseau peut choisir d’utiliser l’électricité de la batterie du VE, jusqu’à ces 25%. Si le début de soirée s’avère très venteux, et qu’un pic de production est enregistré vers 23h, la batterie peut être rechargée à ce moment. Ou au cœur de la nuit, quand la consommation est minimale.

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De nouvelles opportunités d’investissement

Ce principe ouvre également la voix à de nouvelles applications, et de nouvelles opportunités d’investissement : le smart charging « prendra toute son utilité quand le nombre de voitures électriques aura fortement augmenté. A ce moment, ceux qui voudront valoriser l’énergie en batteries pourront capitaliser sur un nombre suffisant de véhicules pour valider leur business plan. En tant que réseau, à la maille locale, nous pourrons optimiser la gestion du réseau par ces utilisateurs qui seront aussi des producteurs et des stockeurs d’énergie. Le smart charging nous permettra de le faire car il faudra pour cela que les bornes soient pilotables et connectées avec les autres utilisateurs du réseau » explique Dominique Lagarde.

En tout état de cause, la technologie est mature pour répondre, plus que largement, aux appels de puissance des VE, notamment dans un paysage électrique faisant la part belle aux renouvelables. Les VE peuvent même devenir une source de flexibilité supplémentaire et, in fine, une change pour le réseau électrique.

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