Une étude passionnante et très documentée vient de présenter une projection pour l’année 2030 : elle part du principe que la France développerait à plein les énergies renouvelables, les smart grids et la mobilité électrique. Le résultat est impressionnant : au lieu des 37% prévus par la PPE, le pays pourrait atteindre 50% d’électricité renouvelable à cette date. Première partie de l’analyse de l’étude.

Le bureau d’étude Artelys, fondé entre autre par d’anciens cadres d’EDF, est spécialisé dans la modélisation de systèmes énergétiques : en collaboration avec le think tank E3G, il vient de publier une étude intitulée « Plus propre, plus intelligent, moins cher », qui propose un scénario dit « d’opportunité ». Ce scénario suppose que la France lève les freins au développement des sources renouvelables d’énergie, des réseaux électriques intelligents, de la mobilité électrique et des unités de stockage à court terme.

Un objectif réaliste de 50% d’électricité renouvelable en 2030, avec 20 GW de nucléaire en moins

Dans cette optique, le pays pourrait, à l’horizon 2030, atteindre 50% d’électricité d’origine renouvelable, sans construire de nouvelles centrales à gaz, en éliminant le charbon et 20 GW de puissance nucléaire, et sans s’équiper de nouvelles unités de stockage stationnaire ! Soit un dépassement des objectifs nationaux actuels, tels que fixés par la PPE. Un véritable conte de fée, parfaitement étayé par les gains qu’offriront la flexibilité, le pilotage des consommation et le stockage d’électricité quotidien.

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L’étude s’appuie largement sur un rapport publié à Bruxelles par Energy Union Choices le 21 novembre 2017, portant sur les choix d’infrastructures nécessaires pour accélérer la transition vers une économie sobre en carbone au niveau européen. Nous évoquerons d’abord le contexte général de ce rapport, ces scénarios et ses hypothèses.

Les scénarios de l’UE n’ont pas anticipé la baisse des coûts et le développement des smart grids

L’étude d’Artelys part du principe que les scénarios modélisés par l’Union Européenne en 2015 en vue d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre (désignés ici « scénarios EUCO ») n’avaient pas anticipés des évolutions clés du secteur énergétique : la forte baisse des coûts de production d’électricité renouvelable et de stockage, ainsi que les progrès inattendus sur le front des smart grids.

Le bureau d’étude a ainsi élaboré deux scénarios présentant les avantages que représenterait pour l’UE des objectifs dépassant ceux du paquet législatif « Energie propre », et présente ses conclusions pour la France.

Présentation des deux scénarios de l’analyse

Le premier est le « Scénario de référence » (REF), qui reflète l’état de la politique européenne en 2017 – c’est à dire avant que les objectifs d’énergies renouvelables dans l’Union soient relevé de 27% à 32% pour 2030 dans la révision de la directive énergie. Le scénario REF est donc une mise à jour du scénario EUCO30 de l’UE, en actualisant les coûts de technologie de production d’électricité renouvelable.

Le second est le « Scénario d’opportunité » (OPS), qui prévoit une politique énergétique beaucoup plus ambitieuse, dépassant le scénario de référence à deux niveaux. Il suppose d’abord une volonté de développer beaucoup plus largement les énergies renouvelables, notamment l’éolien et le photovoltaïque, afin de parvenir à un arrêt beaucoup plus rapide des centrales au charbon et nucléaire.

Il part également du principe que « les Etats membres mettent en œuvre des politiques robustes pour activer la flexibilité du coté de la demande en électricité dans l’ensemble du système en se concentrant spécifiquement sur l’intégration intelligente des courbes de charge distribuées existantes et nouvelles » : c’est à dire un développement plus rapide des solutions smart grids.

Pour les deux scénarios, les auteurs se sont appuyés sur l’hypothèse d’une optimisation conjointe de l’investissement et de l’équilibre sur le réseau européen, afin de déterminer les besoins précis en investissement, tant pour les filières renouvelables (photovoltaïque, éolien terrestre et en mer) que pour les solutions de flexibilité, afin de proposer un système électrique globalement moins onéreux.

Moins de nucléaire, plus du tout de charbon, grâce à des EnR bien moins chères que prévues !

Pour rentrer dans le détail des scénarios, pour le scénario REF, les capacité nucléaire est maintenue à 60 GW d’ici 2030, ce qui nécessite d’investir pour prolonger la durée de vie des réacteurs ; les 3 GW de centrales au charbon résiduelles demeureraient. Dans le scénario OPS, les capacités nucléaires sont réduites de 20 GW, pour atteindre 40 GW en 2030, représentant alors seulement 50% de la production nationale ; l’ensemble des centrales au charbon serait déclassées. Dans un cas comme dans l’autre, les capacités en gaz devraient se limiter à 8 GW résiduels, en baisse de 28% par rapport à 2015.

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Le rapport s’est également appuyé sur des coûts d’énergies renouvelables actualisés à la baisse. Par exemple, le scénario EUCO30 anticipe un prix d’achat de l’électricité photovoltaïque à 65 euros par MWh en 2030, alors qu’il est déjà descendu aux alentours de 55 euros le MWh ! Il en va de même pour l’éolien terrestre : 65 euros aujourd’hui, contre 80 euros prévus en 2030. Le rapport s’appuie donc sur les dernières estimations de coûts provenant de la littérature, des fabricants et des producteurs d’électricité pour arriver à des projections de coûts réalistes pour 2030.

La France peut augmenter massivement sa puissance photovoltaïque et éolienne installée

L’amélioration des facteurs de charge fait de l’électricité solaire photovoltaïque l’énergie renouvelable la moins chère de France, avec un coût actualisé de l’énergie (Levelised Cost of Energy, LCOE) moyen de 34 euros le MWh, dans le peloton de tête de l’UE juste derrière l’Espagne et le Portugal. Le LCOE moyen de l’éolien terrestre est évalué à 42 euro le MWh, celui de l’éolien en mer à 49 euros le MWh, en supposant une accélération de la réduction des coûts par un développement fort des filières. A titre de comparaison, le LCOE moyen du charbon est aux alentours de 55 euros le MWh et celui du gaz à 65 euros le MWh.

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En prenant en compte ces baisses des coûts, le scénario REF imagine un développement beaucoup plus important de l’éolien et du photovoltaïque que le scénario EUCO30 ; il reste limité par le potentiel maximal de ces deux énergies en fonction des capacités des réseaux électriques, soit 28 GW pour le photovoltaïque et 32 GW pour l’éolien terrestre. Imaginant une révolution du réseau électrique, le scénario OPS fait sauter ces limites, pour monter la puissance installée à 41 GW pour le photovoltaïque et 45 GW pour l’éolien terrestre.

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Enfin l’ensemble des prévisions s’appuient sur une demande nette en électricité, pertes du réseau incluses, proche du scénario EUCO30, soit 495 TWh en 2030. La demande d’électricité des véhicules électriques est estimée à 14 TWh en 2030 (soit sept millions de véhicules électriques) et celles des pompes à chaleur à 26 TWh (soit 7,1 millions de pompes à chaleur résidentielle).

Ces données posées, rendez-vous demain, dans la suite de notre étude, pour découvrir les ambitieuses projections du rapport sur le devenir possible de l’électricité française.

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