Le directeur de l’Ademe vient de l’affirmer avec justesse dans une rencontre avec le SER : pour qu’elles soient pleinement acceptées par la population, le développement des EnR doit « se faire de manière irréprochable ». La transition énergétique ne peut se passer d’un soutien des citoyens, et des efforts de transparence et de pédagogie sont indispensables.

Début février 2019 avait lieu le vingtième colloque annuel du Syndicat des Energies Renouvelables (SER). Dans ce cadre, Arnaud Leroy, président de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) a pris la parole, et a rappelé à quel point les positions de son agence étaient proches de celles du SER, tout en réaffirmant l’importance des défis à relever dans les mois à venir.

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Ne pas occulter les questions qui fâchent

Dans un contexte troublé par la crise des gilets jaunes et le rôle de bouc émissaire parfois donné aux énergies renouvelables, alors que des voix défendant les combustibles fossiles trouvent de plus en plus d’écho, l’Ademe doit occuper le terrain médiatique, et faire œuvre de pédagogie pour défendre la transition énergétique. Dans le même temps, Arnaud Leroy a affirmé avec force que « le développement des EnR doit se faire de façon irréprochable », pour ne pas prêter le flanc aux critiques.

Et, pour cela, les défenseurs des EnR ne doivent pas occulter les questions qui fâchent, mais au contraire, y faire face. Arnaud Leroy a évoqué quelques sujets sur lesquels les responsables ne doivent pas se cacher.

Renouvelables et biodiversité : une question à prendre à bras-le-corps

La question de la biodiversité, et de l’impact qu’ont sur elle les éoliennes et les panneaux photovoltaïques, doit être prise à bras-le-corps, et plus largement intégré dans les choix des sites et des politiques énergétiques.

Le président de l’Ademe le reconnaît sans peine, il faut que l’agence se penche sur « l’apparition de nouveaux enjeux, dont le risque de conflit d’usage des sols avec l’agriculture et l’élevage, et la nécessité de revoir certaines doctrines établies par le passé. ».

Le recyclage des éoliennes, point noir de la transition énergétique ?

Autre sujet qui pose problème : le recyclage. L’Ademe souligne avec justesse, rejoignant là aussi le SER, que des progrès ont été fait dans le recyclage des panneaux photovoltaïques usagés, notamment, en France, via l’association PV Cycle, qui collecte et traite ces panneaux.

En revanche, sur le front de l’éolien, le difficile recyclage des pales risque de devenir un vrai point noir de la transition énergétique. Aucune méthode n’est aujourd’hui convaincante pour traiter ce mélange de fibres de verre et de résine de polyester. Et, avec la fin de vie des éoliennes mises en service dans les années 1990, un pays comme l’Allemagne se retrouve avec « un énorme problème», comme le reconnaît un porte-parole d’une grande entreprise de recyclage allemande. Nos voisins d’Outre-Rhin vont devoir gérer 50 000 tonnes de pales d’éoliennes usagées dès cette année.

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Au-delà, le démantèlement d’une éolienne a un coût très important… qui n’a souvent pas été pris en compte dans le plan de financement des parcs éoliens allemands. Avec, à la clé, un vrai scandale national. L’Ademe milite pour que ces coûts soient anticipés dès les appels d’offre, d’autant qu’ils n’empêcheraient pas une majorité de parcs éoliens d’être rentables.

Faire des promesses que l’on peut tenir, notamment sur les emplois

Autre pomme de discorde : les promesses d’emplois dans le secteur des énergies renouvelables n’ont jamais été tenues. Entre optimisme béat, confusion entre emploi temporaire et durable, voire falsification pure et simple, les erreurs de communication ont été nombreuses.

Si bien que quand, aujourd’hui, un communicant met en avant des chiffres d’emploi dans les EnR, il déclenche une véritable levée de bouclier : « on paie aujourd’hui le prix de déclarations passées sur le sujet » déplore Arnaud Leroy. L’Ademe milite ainsi pour des études solides des besoins réels en emplois des différentes filières d’EnR en France, afin de faire des promesses qui seront, cette fois, tenues. Pour restaurer la confiance – et le SER a un rôle à jouer dans cette entreprise.

Défendre les énergies renouvelables négligées par le gouvernement

En revanche, quand les responsables politiques manquent d’ambition ou de courage, le patron de l’Ademe est également prompt à monter au créneau. Il rejoint ainsi la franche déception du SER sur les faibles ambitions de la PPE en matière d’énergies marines (balbutiantes, mais prometteuses, surtout dans un pays bordés de mers comme la France) et de biogaz.

Sur ce dernier sujet, l’Ademe estime que les débouchés du gaz vert dans la mobilité et le transport lourd sont de réelles opportunités, et que la France ne doit pas rater ce virage. Elle est en cela proche des vues de GRDF, qui estime que la part de biogaz dans les réseaux français pourraient être de 30% en 2030 – alors que la PPE ne défend qu’un très modeste 7%.

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De la même façon, Arnaud Leroy pointe le manque d’unité des acteurs industriels, réglementaires et gouvernementaux sur la défense des EnR, notamment au niveau européen : le patron de l’Ademe recommande de « continuer à aller à Bruxelles, et à y aller ensemble. Cela fait parfois défaut à la France, et nous risquons de le payer cher au moment des choix sur des normes et des standards. »

Créer (enfin) un consensus social pour l’efficacité énergétique

Mais le point sur lequel le dirigeant de l’Ademe est le plus offensif reste la sobriété et l’efficacité énergétique. L’Agence Internationale de l’Energie estime en effet que ces deux points doivent être les plus gros contributeurs à la baisse des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050, devant le développement des énergies renouvelables.

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Consommer moins et mieux l’énergie, éviter le gaspillage, lutter contre les passoires énergétiques : autant de chevaux de bataille qui peinent à se réaliser, faute de volonté politique, de moyens, de faisabilité technique et de consensus social. En la matière, les déclarations d’intention et les mesures incitatives inefficaces doivent appartenir au passé, et là aussi, un effort de communication est crucial.

Il faut faire de cette question un enjeu de société, en usant de pédagogie positive, mais, aussi, en refusant de se laisser faire par les amateurs de raccourcis. Arnaud Leroy le sait, qui se dit prêt à « employer les mêmes armes que ceux qui nous expliquent qu’on ne pourra jamais se passer de pétrole ». Une combativité nécessaire, devant l’ampleur du défi qui attend la France – et le monde – sur cette question.

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