Pionnière du développement des énergies renouvelables (EnR) en Europe, dès le début des années 2000, l’Espagne avait vu son bel élan stoppé net par la crise et cinq ans de gel du soutien aux EnR. Le nouveau gouvernement veut inverser la tendance, avec une loi de transition énergétique ambitieuse. Reste à savoir si les députés suivront le sens de l’histoire.

L’Espagne est un cas à part dans le développement des EnR en Europe. Le pays possède l’un des plus beaux potentiels du continent, porté par un taux d’ensoleillement record et des vents atlantiques particulièrement puissants. L’énergie solaire pourrait à elle seule suffire à répondre plusieurs fois à la demande en électricité de l’Espagne. Et le gouvernement a souhaité valoriser ce potentiel particulièrement tôt à l’échelle de la planète, puisqu’il a lancé, dès 2000, un Plan de promotion des énergies renouvelables (2000-2010).

L’Espagne, pionnière mondiale des EnR

Grâce à soutien public particulièrement fort, le pays a multiplié les constructions de fermes éoliennes et photovoltaïques : le plan avait fixé pour 2010 un objectif de 30% de renouvelables dans la production d’électricité. Arrivé à la date, cette part atteignait déjà 35% !

Depuis 2009, l’éolien a dépassé le charbon dans la production d’électricité, et est devenu la troisième source d’énergie électrique du pays. L’Espagne est longtemps resté numéro mondial de la puissance éolienne installée, et était solidement arrimé au podium jusqu’au milieu des année 2010.

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Depuis 2005, le pays impose pour la construction de tout bâtiment neuf, l’installation de panneaux solaires en toiture et d’un système d’eau chaude solaire.

Une politique figée à partir de 2013

Mais la crise qui a frappé l’Espagne a profondément changé la donne, notamment sous le gouvernement de Mariano Rajoy. Dans une politique de rigueur, le soutien aux énergies renouvelables a été figé en 2013, et les tarifs d’achat des centrales existantes a été revu à la baisse.

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Le secteur, autrefois parmi les plus dynamique d’Europe, s’est retrouvé lui aussi figé, les nouvelles installations renouvelables se faisant de plus en plus rares. Si bien qu’en 2015 la part de renouvelables dans la production électrique dépassait à peine les chiffres de 2010 (36% contre 35%).

Le nouveau gouvernement propose une « Loi de changement climatique et transition énergétique »

Mais, là encore, le vent a sans doute, à nouveau, tourné. Dès 2017, les autorités espagnoles ont lancé, pour la première fois depuis 2010, un appel d’offre soutenu financièrement par le gouvernement pour ajouter 3 000 MW de puissance renouvelable (éolien, solaire, biomasse).

Un premier pas encourageant, qui en appelait d’autres. Le nouveau gouvernement du socialiste Pedro Sanchez semble justement décidé à changer, à nouveau d’échelle.

Le 13 novembre, le ministère de la transition énergétique, mené par Teresa Ribera, l’ex-directrice à Paris de l’Institut de développement durable et de relations internationales (Iddri), a présenté un courageux projet de loi. Baptisé « Loi de changement climatique et transition énergétique (LCCTE) », le texte fixe des objectifs élevés au pays, et semble fermer la page de la rigueur en terme de renouvelables.

70% d’électricité renouvelable en 2030

L’Espagne ambitionne en effet qu’en 2030 35% de l’énergie finale sera d’origine renouvelable, dont 70% de l’électricité, avec une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40%.  Sachant qu’en 2015, la part des renouvelables dans la consommation finale d’énergie était de 12,8% : l’effort proposé sur onze ans est proprement considérable. En 2050, c’est 100% de l’énergie espagnole qui devra être renouvelable.

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Pour atteindre de tels objectifs, le gouvernement a posé un cadre réglementaire contraignant, afin de polariser les volontés vers cette transition énergétique. Fort logiquement, la loi interdit la valorisation de nouveaux gisements de combustibles fossiles et va donc prohiber l’exploration pétrolière et gazière, ainsi que la fracturation hydraulique, sur l’ensemble du territoire et des eaux territoriales espagnols.

Efficacité énergétique et politiques locales

Le gouvernement a pris en compte le fait qu’une telle politique n’est possible qu’avec un soutien local fort. Dès 2022, toutes les villes de plus de 100 000 habitants devront mettre en place leur propre plan de sauvegarde du climat, et toutes les villes de plus de 50 000 habitants devront avoir créé des zones de basses émissions.

Plus globalement, 20% du budget national devra être consacré à des missions ayant un « impact positif » sur la lutte contre le réchauffement climatique.

Pour améliorer l’efficacité énergétique, le gouvernement prévoit la rénovation de 100 000 logements par an entre 2021 et 2030. L’expérience française prouve à quel point ce volet est souvent le plus complexe à mettre en place, de part la multitude de cas particuliers et de compétences imbriquées dès qu’il est question de logements.

Vers une interdiction des véhicules à combustibles fossiles dès 2040

En revanche, la mesure qui a provoqué la plus franche levée de boucliers semble celle qui est la plus « simple » à mettre en place, tant elle va dans le sens de l’histoire et des politiques des industriels du secteur, au niveau mondial. Le gouvernement envisage en effet d’interdire la vente de voitures diesel, essence, gaz et même hybrides en 2040 – une nécessité pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

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Le syndicat des constructeurs automobiles espagnols est immédiatement monté au créneau, en agitant le spectre de l’emploi et du chômage (9% de la population active dépend du secteur de l’automobile), craignant que cette mesure ait « un fort impact négatif sur la demande, la fabrication et la future adjudication de modèles à l’industrie espagnole ».

Jouer les Cassandre est un rôle que tiennent admirablement les constructeurs automobiles dans ce genre de situation ; pour autant, ils sont légitimes quand ils demandent des aides gouvernementales pour réussir leur « transition industrielle » vers les véhicules verts (électriques ou à hydrogène). Abandonner les combustibles fossiles ne signe pas la mort de l’industrie automobile, mais l’ouverture d’une nouvelle page de son existence, qui risque de rebattre les cartes.

3 000 MW de puissance renouvelable supplémentaire par an (au minimum)

Au final, la loi vise un minimum de 3 000 MW de puissance électrique renouvelable installée par an en Espagne d’ici 2030, une mesure qui devrait créer 130 000 emplois dans le secteur. Conscient des enjeux, le président de l’association de producteurs d’énergie renouvelables, José Miguel Villarig, a demandé un « haut niveau de consensus politique » pour cette loi.

C’est bien le point noir de cette annonce. Le gouvernement socialiste au pouvoir est en très forte minorité au Parlement Espagnol. Et il faudra des alliances solides pour faire passer cette excellente loi. En espérant que la classe politique espagnole saura faire fi de ses divergences et de vues électoralistes à court terme, et aura le courage de faire passer et, surtout, d’appliquer ce texte.

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