Peu médiatisés lors des débats parlementaires autour du projet de loi sur la transition énergétique, les effacements de consommation électrique sont pourtant au cœur de la réforme. Tandis qu'elle permet de concilier diminution de la consommation énergétique et, néanmoins, confort des ménages, cette pratique est également bénéfique pour le consommateur lui-même.
Il est impensable, au XXIème siècle, de tirer un trait sur l'une des plus grandes avancées technologiques de notre temps : l'électricité. Si elle a, à l'époque où l'homme a réussi à la maitriser, amélioré le quotidien de millions de personnes, l'ambre jaune est aujourd'hui une valeur indispensable pour plusieurs milliards d'individus, et ce à plusieurs niveaux : social, économique et énergétique. Une question, dès lors légitime, peut se poser si l'on prend en considération la nécessité de diminuer la consommation énergétique – comme indiqué dans la future loi sur la transition énergétique – sans empiéter sur la liberté des agents consommateurs – personnes privées, entreprises, etc. – : comment réguler le niveau d'électricité fournie de manière efficiente et, surtout, équitable ? Tandis que le gouvernement entend accélérer le recours aux réseaux électriques intelligents dans les régions, l'installation, à partir de cette année, de Linky, le nouveau boitier électrique d'ERDF, propose un début de réponse.
L'effacement de consommation électrique, c'est quoi ?
« Nous assistons régulièrement au niveau national à des pointes importantes de consommation électriques aux alentours de 19h en hiver, et de 13h à 15h en été », d'après les corédacteurs du rapport universitaire « Prospectives d'évolution de la consommation électrique domestique à l'horizon 2030 ». Ces derniers, mentionnant l'incapacité des producteurs traditionnels à faire face aux bonds de consommation quotidiens, estiment que « des moyens de production (et de distribution) flexibles doivent être mis en œuvre. » La pratique de l'effacement en fait partie.
Egalement nommé « lissage de la courbe de charge par le pilotage de la demande », l'effacement de consommation électrique joue en cas de déséquilibre entre l'offre et la demande en électricité ; la consommation d'un site ou d'un ensemble d'agents est, en période de pointe – donc ponctuellement –, réduite, sans que le confort de ces derniers en pâtisse. Les opérateurs d'effacement (ou agrégateurs) veillent à ce que, lors d'un pic de consommation, la demande énergétique des consommateurs soit limitée, afin d'assurer la stabilité des réseaux électriques. Leur principal objectif : éviter la mise en route de moyens de production alternatifs – émetteurs pour la plupart de CO2, comme les centrales thermiques.
Comme le rappelle une note administrative du ministère de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie, la pratique de l'effacement de consommation repose sur le volontariat : « Les opérateurs proposent à leurs clients (les consommateurs particuliers ou industriels), des solutions techniques pour mettre en pause pendant quelques minutes ou quelques heures certains de leurs équipements dont la consommation est flexible (exemples : cellules électrolytiques, fours industriels ou, pour les particuliers, radiateurs, ballons d'eau chaude, climatiseurs). »
Il existe, en France, plusieurs méthodes d'effacement. Les effacements dits de marché, tout d'abord. Des opérateurs d'effacement signent un contrat avec des consommateurs, au terme duquel ces derniers autorisent les premiers à modifier leur volume de consommation ; l'effacement négocié se retrouve alors sur un « marché de capacité », où s'échangent des capacités électriques. C'est la loi « Brottes » du 15 avril 2013 qui prévoit la mise en place d'un cadre réglementaire, permettant la valorisation des effacements de consommations d'électricité sur ces marchés de l'énergie. La deuxième solution réside dans la pratique de l'effacement tarifaire, où le prix de l'électricité incite à des réductions de consommation sur certaines périodes.
Linky, source d'économies
A travers ces différentes méthodes, le consommateur offre – véritablement – de quelques kilowatts à quelques mégawatts de puissance, ce qui, grâce à la capacité cumulée, contribue à la sécurisation de l'approvisionnement sur le réseau. S'il s'agit de la solution la moins coûteuse, pour le gestionnaire, de pallier les pics de consommation – puisqu'il ne s'agit pas, à proprement parler, de production supplémentaire –, le consommateur peut y trouver également son compte.
Dans une étude réalisée en 2012, l'Agence de l'environnement et de la maitrise de l'énergie (ADEME) a rendu compte de l'impact de l'effacement sur la consommation d'énergie des ménages. « Les premiers résultats de ces campagnes de tests menées de janvier à mars 2012 font apparaître des économies d'énergie pour les effacements de chauffage », indique-t-on chez l'opérateur de l'Etat. Un effacement de 20 minutes en moyenne par heure, sur une journée, permettrait ainsi de réaliser 13,2 % d'économies en électricité, celles-ci étant naturellement d'autant plus importantes que le pourcentage d'effacement horaire est élevé. Rien de plus logique : en acceptant de réduire sa consommation électrique, l'agent – personne privée, entreprise – voit sa facture – énergétique et économique – diminuer. De ce point de vue, la mise en place accélérée des réseaux électriques intelligents (smart grids) en France permettra aux consommateurs d'avoir un compte rendu exact et authentique de leur utilisation énergétique. ERDF, le gestionnaire du réseau de distribution, doit d'ailleurs commencer cette année à installer, dans quelque trois millions de foyers, les premiers compteurs communicants , « Linky », qui permettront une fluidification des données énergétiques entre le consommateur et le fournisseur.
Les économies d'énergie – et d'argent – issues des effacements de consommation électrique, grâce à ces nouveaux boitiers, n'en seront que plus fiables. Le consommateur disposera de plus d'un historique détaillé, délivré par son fournisseur, et pourra ainsi mettre à jour son contrat d'effacement. Mieux : « Linky » permettra de piloter les appareils électriques d'un foyer, en fonction de signaux tarifaires envoyés par le fournisseur. Là encore à l'avantage du consommateur.