La filière éolienne française s’est réellement développée à partir de 2000 et la loi mettant en place l’obligation d’achat. le soutien public a dicté le rythme d’implantation de l’éolien en France ; le bilan de ses résultats, avant la Loi de Transition Energétique, est contrasté mais encourageant : des contraintes sous-estimés, une puissance installée en dessous des prévisions, mais une filière qui s’est mise en place, des bénéfices environnementaux et économiques indéniables. Revue de détail.

La première loi d’importance sur le développement de l’éolien en France est celle du 10 février 2000, qui met en place le système d’obligation d’achat et de tarif d’achat de l’éolien, dès 2001. Ce dispositif est le réel acte de naissance de la filière éolienne française.

Dans son excellent document Filière éolienne française : bilan, prospective et stratégie, l’ADEME revient sur 15 années de soutien à l’éolien public, depuis cette première loi cadre jusqu’à la Loi de Transition Energétique pour une croissance verte de 2015, qui rebat les cartes et élève les objectifs, les moyens et les appels d’offre.

Une politique publique qui se précise

D’un point de vue réglementaire, la loi de 2000 a été progressivement complétée par de nouveaux dispositifs, visant à accélérer et faciliter l’installation d’éoliennes en France.

Certains auront, avec le recul, un impact négatif sur le développement de l’éolien : on peut citer le dispositif des Zone de Développement de l’Eolien (ZDE), entré en vigueur en 2007, et abrogé en 2013. Est également concernée la première mouture du régime des Installation Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE) de 2010, avec notamment la règle des 5 mâts, qui obligeait tout parc éolien de contenir au moins 5 éoliennes : le régime des ICPE sera revu et amélioré par la loi Brottes de 2013 en supprimant notamment cette règle des 5 mâts.

Parmi les autres éléments négatifs, citons le recours du Conseil d’Etat contre le tarif d’achat de l’électricité éolienne, en 2012-2013, créant une baisse des installations à cette période, suivi d’un rebond suite au rejet de ce recours en 2013.

La majorité des autres textes d’importance, notamment la loi Grenelle II de 2011 et la loi Brottes de 2013, visaient à éviter les embûches déjà rencontrées par la filière lors de ses premières années.

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Les objectifs n’ont pas été atteints

Car les résultats du grand appel d’offre pour l’éolien terrestre et en mer de 2003 ont été plus que décevants, si bien qu’aucun des objectifs fixés par les Programmations Pluriannuelles des Investissements (PPI) en 2003, 2006 et 2009 n’ont été atteint, avec un résultat entre 10 et 30% en dessous des prévisions.

Cela est dû, en partie, au surplace de l’éolien en mer, qui n’a encore, à ce jour, aucun parc en service en France, alors que 440 MW aurait dû être installé par an – même si cela devrait changer très vite, et à grande échelle.

Mais même sur l’éolien terrestre, les objectifs n’ont pas été atteints : entre 2004 et 2015, il aurait fallu installer 1 140 MW par an pour atteindre ces objectifs ; seuls 840 MW par an ont été installé.

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Recours et absence d’intégration citoyenne

Ce résultat décevant s’explique par le manque d’anticipation de certains freins : durée de développement des projets, aménagement du réseau électrique, cohabitation de l’éolien avec d’autres activités (notamment l’observation radar et l’aéronautique), difficulté d’intégration locale.

En la matière, les pouvoirs publics ont su tirer les leçons de ces erreurs en adaptant la législation. Des normes ont été mises en place en matière d’éloignement des habitations, pour répondre aux inquiétudes sur la gêne sonore et visuelle ; des études d’impact environnemental sont devenues obligatoires pour minimiser les recours liés aux effets des éoliennes sur les écosystèmes et notamment les espèces protégées ; de nouvelles réglementations et de nouveaux outils ont rendu la cohabitation des éoliennes, des radars et de l’aéronautique harmonieuse.

Ces avancées législatives sont un acquis dont bénéficient déjà les prochains plans de déploiement. Les pouvoirs publics vont également prendre en compte que, malgré ces nouveaux textes, la France demeure, de loin, le pays du monde où les recours locaux contre des éoliennes sont les plus nombreux. En question : un manque d’informations et surtout de participations des populations aux projets d’énergies renouvelables ; là où les populations allemandes sont à la fois enthousiastes et impliquées, la France peinait à intégrer les citoyens à des projets décentralisés. C’est l’un des objectifs de la Loi pour la Transition Energétique.

Une filière est née

Pour autant, cette politique a eu des effets positifs : une filière éolienne s’est constituée, forte en 2015 de près de 600 entreprises. En 2015, la part des entreprises françaises sur le marché domestique de l’éolien était de 56% ; ce chiffre tombe à 43% pour la phase d’installation de nouvelles éoliennes : cela s’explique par l’absence d’un fabricant majeur de turbine de plus de 1MW en France et par un implantation faible des turbiniers étrangers en France – même si l’essor programmé de l’éolien offshore est en train de faire bouger ces lignes.

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Pour autant, malgré de belles réussites à l’international, notamment sur le marché de certains composants, la filière éolienne française, d’un point de vue industriel, reste en retard sur les fabricants allemands ou d’Europe du Nord. D’ambitieux outils ont été mis en place en 2010 pour dynamiser la filière éolienne industrielle, notamment les grands projets de Recherche et Développement Industrie – mais il est encore trop tôt pour sentir leur impact sur le retard industriel français.

Une politique publique déjà rentable

Malgré les retards pris, l’éolien s’est imposé comme une alternative valable à d’autres sources d’énergie, et a contribué largement à l’augmentation du mix renouvelable français. En 2015, la filière représentait 3,9% de l’électricité produite en France, et 22% de l’électricité d’origine renouvelable – contre 0,4% en 2002.

La consommation électrique française n’ayant que peu augmentée depuis 2000, l’électricité éolienne est venue remplacer une électricité d’origine nucléaire ou de combustibles fossiles (gaz, charbon ou fioul). La filière éolienne a ainsi contribué à réduire la dépendance énergétique de la France, en limitant les importations de combustibles fossiles et fissibles.

Au total, l’électricité éolienne produite entre 2002 et 2015 a permis d’éviter des émissions de gaz à effet de serre à hauteur de :

  • 63 millions de tonnes de CO2 équivalent (en incluant les émissions indirectes)
  • 127 000 tonnes de SO2
  • 112 000 tonnes de NOx
  • 8 600 tonnes de particules fines

D’un strict point de vue économique, la monétarisation de ces bénéfices environnementaux et sanitaires font état d’une somme comprise entre 3,1 milliards et 8,8 milliards d’euros économisés ; on peut mettre ces chiffre en rapport avec le coût du soutien public à l’éolien, incluant l’obligation d’achat, les coûts d’équipement des réseaux de transport et de distribution et les coûts de RDI, qui se chiffre à 3,2 milliards d’euros.

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Ainsi, même si certains prétendent que la filière éolienne est trop largement subventionnée, ces aides sont largement compensées par les économies faites par la collectivité grâce au déploiement de ces solutions durables.

Evidemment, ce bilan reste contrasté : mais il présente de vraies réussites et ses échecs ont servi à bâtir un cadre réglementaire plus efficace pour les années à venir. Tout cela confirme, plus que largement, le bel avenir de l’éolien en France – et valide le choix public de soutenir vigoureusement cette filière.

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