La COP24 s’est achevée en décembre 2018 à Katowice, en Pologne, pour un bilan en demi-teinte. Si le rulebook de l’accord de Paris semble solide et constitue une bonne base de travail, les défenseurs de la transition énergétique ont été déçus par la faible représentation politique, l’absence de relèvement des ambitions et les ambiguïtés sur les financements. Rien n’est encore perdu. Mais l’urgence climatique impose d’en faire beaucoup plus.

La vingt-quatrième édition de la Conférence des Nations Unies sur le climat (dites « Conférence de Parties » ou COP) s’est achevée le 19 décembre 2018, à Katowice, en Pologne. Elle laisse un goût amer dans la bouche des défenseurs de la transition énergétique : c’était en effet un rendez-vous marquant, le moment de concrétiser le guide d’application de l’accord de Paris de 2015, après deux COP de transition.

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Accord de Paris : des objectifs déjà trop timides devant l’urgence climatique

C’était l’occasion de marquer un grand coup et de relever les ambitions mondiales de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Rappelons que l’accord de Paris fixe un objectif assez ambitieux, de maintenir « l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5 °C ».

Rappelons aussi que l’ensemble des contributions des Etats signataires, si elles sont respectées telles quelles, nous amèneraient aux alentours d’une augmentation de 3°C à l’horizon 2030, et davantage pas la suite. Et que les politiques actuelles ne garantissent même pas un respect de ces contributions. Symptomatiquement, les émissions de gaz à effets de serre sont reparties à la hausse en 2017.

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Quand le Giec tire le signal d’alarme…

Pour enfoncer ce clou, un rapport sur le réchauffement climatique commandé au Giec par les Nations Unies durant la COP 21 a été présenté en octobre 2018, afin de peser sur cette COP24. Ce rapport souligne qu’au rythme actuel, le réchauffement climatique atteindra le 1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle entre 2030 et 2052 – et probablement au-delà des 3°C à l’horizon 2100.

Les scientifiques du Giec ont tiré le signal d’alarme, rappelant que les conséquences pour l’homme seraient désastreuses. Les effets du réchauffement climatique se font de plus en plus sentir, mais ce n’est qu’un début sans réaction mondiale. Le rapport soulignait ainsi que, pour la sauvegarde de la planète, les émission de gaz à effet de serre devaient être divisées par deux d’ici 2030, puis tendre à zéro d’ici 2050.

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… en encourageant les Etats à se montrer plus ambitieux

Grosse éclaircie dans un ciel encombré : le rapport pointe qu’une telle ambition est parfaitement réaliste dans l’état actuel des technologies matures, des financements disponibles, des gains possibles en efficacité énergétique et du potentiel mondial en énergies renouvelables valorisable à court terme. Mais pour cela, il faut se lancer dans une politique de grands travaux au niveau mondial, lancer une véritable révolution énergétique.

 

Même les plus optimistes défenseurs de la transition énergétique n’attendaient pas cela de cette COP24. Mais un relèvement des ambitions mondiales – et de celles de certains Etats – semblait réaliste. Symboliquement, Katowice fut le théâtre d’une bataille sémantique aux forts enjeux politiques.

Une cruciale question de sémantique

Le groupe des petits Etats insulaires, premiers menacés par la montée des eaux qu’induit le réchauffement climatique, ont demandé que la COP24 accueille « favorablement » le rapport du Giec – ce qui, sans le rendre normatif ou prescriptif (ce qui n’est pas son but), en faisant une référence pour les négociations à venir.

Mais l’Arabie Saoudite, soutenue par le Koweït, la Russie et les Etats-Unis (soit quatre des plus gros producteurs d’hydrocarbures mondiaux), ont refusé, préférant que la COP24 « prenne note » de ce rapport, tout en saluant « son achèvement dans les délais ». La question en arrière-plan était celle du crédit accordé à la parole scientifique dans la politique climatique mondiale.

Des objectifs inchangés : une victoire pour les producteurs d’hydrocarbures

De quoi faire s’étrangler certaines ONG engagée dans la bataille climatique : pour Greenpeace, les pays pétroliers, par ce geste, « ne font ni plus ni moins que remettre en question la science et manquent une opportunité de reconnaître la limitation du réchauffement à 1,5 degré comme boussole politique ».

Le fait est que le relèvement des objectifs posés durant l’accord de Paris ne semble pas à l’ordre du jour. Plusieurs pays l’envisagent sans l’avoir formalisé (France, Canada, Argentine, Nouvelle-Zélande, Espagne, Norvège). La Commission Européenne et le Parlement Européen plaidaient pour augmenter les ambitions de l’Union, et passer d’un objectif de 40% de réduction d’émissions en 2030 à 45% (Commission) ou 55% (Parlement), mais le Conseil de l’Europe (union des gouvernements des 28) a refusé cette proposition. Au final, un seul Etat signataire de l’accord de Paris a augmenté ses ambitions : les Îles Marshall…

Pire : après les Etats-Unis, un nouveau mastodonte de l’économie mondiale pourrait quitter l’accord de Paris, le Brésil du nouveau président Jair Bolsonaro. Le pays a en tout cas renoncé à accueillir la COP25, et envisage d’exploiter certaines réserves amazoniennes.

Des représentants politiques aux abonnés absents, notamment du coté français

Et cette COP24 n’a absolument rien changé à cette situation mondiale préoccupante. Aucune décision, aucune déclaration, aucun nouvel objectif – même évoqué. Aucun responsable politique n’a eu ce courage. Il faut dire que, devant la technicité des enjeux et leur absence de clinquant, les dirigeants ne se bousculaient pas au portillon de Katowice.

La France était malheureusement emblématique de cette désaffection : ni le président Emmanuel Macron, ni son premier ministre Edouard Philippe n’avaient fait le déplacement. Le ministre de la transition énergétique, François de Rugy, a été d’une grande discrétion, et la secrétaire d’Etat Brune Poirson a quitté Katowice à quatre jours de la fin des débats, laissant la France sans représentant ministériel à l’heure où se négociait l’accord crucial sur la mise en oeuvre de l’accord de Paris – le fameux rulebook.

Pour autant, la rédaction de ce document, fiable et solide, demeurera comme le point le plus positif de cette COP24. Rendez-vous demain pour détailler ce rulebook et ses avancées.

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