Depuis plusieurs années, le concept de ville intelligente s’est répandu dans la sphère médiatique. Les experts et citoyens discutent de l’intérêt de réorganiser les villes sur un modèle plus rationnel qui prend en compte les spécificités de la vie en milieu urbain. De nombreux projets en France et à l’étranger marquent le passage vers la ville intelligente, pourtant il existe encore des freins au développement d’une approche révolutionnaire.

Les villes concentreront 70 % de la population mondiale en 2050 et généreront près de 80 % des émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, ces espaces qui ne représentent par ailleurs que 2 % de la surface de la planète, sont au cœur des stratégies pour réduire l’impact de l’homme sur son environnement. C’est pourquoi l’idée de rendre les villes plus intelligentes s’est imposée dans le débat public avec déjà certaines belles réussites, et surtout des projets prometteurs.

Une nouvelle approche de la ville

Aujourd’hui, on compte une trentaine de « smart cities » en France avec des projets dont l’état d’avancement varie beaucoup. Sans surprise, les grandes agglomérations comme Paris, Lyon et Marseille font partie des meilleurs élèves français avec notamment l’ouverture à l’open data qui permet aux citoyens d’avoir une idée globale et précise du fonctionnement de leur ville. Mais les villes de moindre importance ne sont pas en reste avec notamment Dijon qui développe un vaste programme depuis le début des années 2010 et qui vient d’entrer dans une seconde phase dont les résultats ne manqueront pas d’être scrutés en France, mais aussi à l’étranger.

En effet, le 7 septembre 2017, le consortium mené par Bouygues, Citelum (filiale d’EDF), Capgemini et Suez a remporté un appel d’offres de 105 millions d’euros. Lors des 12 prochaines années à Dijon, la gestion de l’énergie, de l’éclairage public, de la voirie et de la vidéosurveillance sera du ressort d’un seul acteur (mi privé-mi public) qui aura la main sur tous ces services depuis un unique centre dirigé par un officier de la police municipale. Ce centre sera opérationnel d’ici 2018 et sera la pierre angulaire d’une ville nouvelle dans laquelle les problèmes quotidiens peuvent être solutionnés grâce à des équipes dédiées et la participation active des habitants pour les signaler.

Bien d’autres territoires s’essaient à la gestion intelligente comme la Vendée où la montée en puissance des énergies renouvelables se fait de concert avec une approche concertée de la distribution d’électricité. Né il y a presque cinq ans, le projet Smart Grid Vendée regroupe plus de 150 collectivités locales, start-ups et ingénieurs sous la houlette du Service public des énergies vendéennes. Les villes intelligentes sont étroitement liées au développement des énergies propres et à leur raccordement optimal par Enedis (ex ERDF).

Autre exemple : Issy-les-Moulineaux, en île de France, est devenue en quelques années une des villes européennes pionnières en matière de Smart grids. Baptisé « IssyGrid », un projet de gestion intelligente de l’énergie à l’échelle d’un quartier d’affaires et d’habitations a été lancé en 2012 autour d’un consortium d’entreprises composé de Bouygues et ses filiales, Alstom, EDF, ERDF, Microsoft, Schneider Electric, Steria et Total. L’idée de ce réseau participatif est de garantir une meilleure gestion des consommations d’électricité des bâtiments ou de l’éclairage public grâce à des équipements de domotique, le tout en plaçant les usagers et entreprises au cœur de ce dispositif.

La nécessité d’impliquer les citoyens

Si la mise en place de villes intelligentes est l’affaire de spécialistes et autres visionnaires, leur bon fonctionnement dépend essentiellement de leur appropriation des habitants. Sans leur participation active, les effets des smart grids et autres technologies nouvelles restent limités. L’homme est au cœur de la transformation de la ville et peut peser dans les orientations grâce à des échanges avec les responsables en charge des questions d’urbanisme. Les projets de smart grids voient souvent naître des plateformes sur lesquelles, les suggestions et questions sont laissées par des habitants qui peuvent également interpeller les responsables de projets directement via notamment leur compte Twitter.

Une startup, finaliste du concours EDF Pulse 2017, est même née du constat de l’importance d’inclure les citoyens dans toutes les phases du projet. Fluicity, c’est son nom, vise à permettre une réelle « co-construction » de projets à l’heure où les citoyens se détournent des élus et des pouvoirs publics. Ouvrir les portes de l’intelligence citoyenne et collective est primordial, car, in fine, les villes intelligentes sont faites pour les gens et non pas dans un but abstrait. La mise à disposition pour tous des datas (pas les informations personnelles et d’ordre privé) contribue à l’émergence d’un sentiment d’appartenance à un même territoire dont la gestion doit être optimale.

Ainsi, le rôle des municipalités reste prépondérant, car l’expérience a déjà montré que les projets les plus aboutis sont ceux où les citoyens ont pu débattre des idées. Les édiles ne peuvent pas seulement s’enfermer avec les grandes entreprises spécialisées dans les smart grids pour mettre sur pied un projet viable. Chaque ville est différente et seule l’approche triangulaire : responsables politiques – citoyens – entreprises est à même de faire émerger des solutions pratiques.

Enfin, comme il est précisé dans un rapport intitulé « l’avenir des smart cities » remis par l’ancien député PS Luc Belot, il faut repenser le cadre juridique de la Recherche et Développement. Les énergies et idées se libèrent, mais restent largement freinées par un environnement légal peu compatible avec des projets souvent coûteux et qui nécessitent des technologies nouvelles. Il reste donc beaucoup à faire pour que les villes intelligentes ne soient pas qu’un épiphénomène, voire même de la pure science-fiction.

Article proposé par Matthieu Guérin

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