Le stockage de l’électricité est un enjeu central de la transition énergétique, indispensable pour augmenter la part d’éolien et de solaire dans le mix électrique. Contrairement à d’autres pays (Allemagne, Australie), le stockage par batterie peine à s’imposer en France, mais le marché semble aujourd’hui mature et prêt à prendre son envol. Retour sur cette question centrale, en deux parties.
La transition énergétique impose de développer fortement les sources d’énergie renouvelables intermittentes que sont l’éolien et le solaire. Pour répondre à l’intermittence de ces sources, un panel de solutions existe, mais les deux plus importantes sont :
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- toutes les formes d’effacement et de décalage de la consommation : elles consistent à déplacer la consommation vers les moments où l’électricité est produite en abondance
- toutes les formes de stockage de l’énergie : elles consistent à conserver l’énergie quand elle est produite en abondance, pour la consommer quand la production est plus faible
Stockage de l’électricité : les STEP, solution aujourd’hui dominante
L’une et l’autre peuvent, pour être utilisées de façon optimales, être pilotées par des smart grids.
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Concernant le stockage, jusqu’à une période récente, la seule technologie largement utilisée étaient les STEP (Station de Transfert d’Energie par Pompage), comme le montre une étude des Echos. L’électricité produite est utiliser pour pomper de l’eau dans un réservoir en contrebas et de la faire monter dans un autre réservoir plus haut. L’eau peut être ensuite, à la demande, versé dans le réservoir en contrebas, en entraînant des turbines hydro-électriques, et donc produire de l’électricité.
Une solution qui a fait ses preuves, mais qui ne fonctionne qu’à grande échelle et manque de réactivité. Elle représente aujourd’hui 97% de la capacité de stockage électrique dans le monde. Mais, si des STEP continuent d’être construites, ce ne sont pas elles qui dominent aujourd’hui les investissements.
Mais le stockage stationnaire par batteries a le vent en poupe
Le stockage stationnaire, par batteries électrochimiques, est aujourd’hui la technologie plébiscité, car elle permet de stocker une électricité immédiatement disponible, à des prix très concurrentiels. Les batteries les plus utilisées sont aujourd’hui les Lithium-Ion, mais d’autres technologies sont en train d’émerger.
Le développement de la mobilité électrique a fortement augmenté la demande pour ces batteries Lithium-Ion, dont le coût a fortement baissé – une dynamique qui devrait se poursuivre. Elles sont donc aujourd’hui largement utilisées dans des unités de stockage stationnaire.
Mais la France semble encore à la traîne, en la matière, par rapport aux pays leaders de cette technologie. L’Allemagne concentre par exemple 60% des capacités de stockage stationnaire par batterie de l’Europe.
Australie, eldorado des batteries de stockage d’électricité
Mais c’est l’Australie qui s’impose comme numéro 1 mondial de cette technique de stockage. En 2017, 21 000 batteries de stockage stationnaire ont été vendues aux ménages australiens. Une cinquante d’unités de stockage de grande capacité étaient par ailleurs en service dans l’ensemble du pays. Ce n’est d’ailleurs qu’un début, puisque les différents Etats d’Australie investissent de fortes sommes dans les techniques de stockage.
L’Australie-Méridionale vient par exemple d’annoncer la création d’un fonds dédié au stockage de l’électricité de 100 millions de dollars australiens (64,2 millions d’euros). Ce fonds va permettre à chaque foyer de l’Etat d’obtenir une subvention pouvant aller jusqu’à 6 000 dollars australiens (3 850 euros) pour s’équiper d’une batterie – sans distinction de fabricant. Effet d’entraînement oblige : trois constructeurs d’importance (Sonnen, Alapha-ESS et Eguana Technologies) ont annoncé la construction d’usines de batterie en Australie Méridionale.
La France à la traine
Cet exemple prouve qu’une volonté politique forte peut rapidement mettre en place un écosystème viable. La France pourrait s’en inspirer : en 2017, à peine quelques centaines de batteries ont été vendues à des particuliers dans l’Hexagone. Et les fermes de batteries stationnaires de grande capacité n’existent que dans l’Outre-Mer.
Le coût encore élevé des batteries est le principal frein à son essor, notamment pour des particuliers dans des logiques d’autoconsommation. Pour s’équiper d’une batterie Powerwall de Tesla, par exemple, il faut débourser 7 000 euros, plus des frais d’installation compris entre 1 100 et 3 300 euros. En l’absence d’un soutien financier venu des autorités, comme en Australie, l’horizon de rentabilité demeure trop lointain pour motiver les particuliers à s’équiper.
Un coût rédhibitoire pour que les particuliers s’équipent
Certains constructeurs ont même renoncé à des projets destinés au grand public, comme Schneider : « Nous ne prévoyons pas de commercialiser cette offre dans l’immédiat. Mais nous restons persuadés que le stockage sera un élément clé de la transition énergétique » a exposé un porte-parole du groupe allemand.
Même analyse du côté de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), dans une optique franco-française : « A ce jour, en métropole, les surcoûts occasionnés par les dispositifs de stockage (coûts initiaux et opérationnels) ne permettent pas de rentabiliser l’installation d’autoconsommation ».
Mais ce frein devrait être levé à moyen terme. Le coût des batteries devrait fortement baisser dans les années à venir. Les usines de batteries à Lithium-Ion poussent en effet comme des champignons un peu partout dans le monde.
Une baisse spectaculaire des prix dans les 10 ans à venir
Dans l’Union Européenne, alléchés par le juteux futur marché de la mobilité électrique, les industriels des batteries Lithium-Ion vont fortement augmenter leur capacité de production, qu’il s’agisse des constructeurs asiatiques historiques (CATL, LG Chem, Samsung SK Innovation) comme de nouveaux entrants (Terra-E, Northvolt). En Chine, leader mondial (et de loin) de la production de ces batteries, les usines pharaoniques se multiplient.
Les analystes estiment que cette industrialisation généralisée et cette production en forte hausse vont provoquer une baisse spectaculaire des prix. Le coût des cellules et packs lithium-ion devrait ainsi être divisé par trois d’ici 2030.
Parallèlement, des fermes de batteries d’importance sont (enfin) en construction en France métropolitaine. Reste la question du positionnement et du soutien des pouvoirs publics, aujourd’hui assez problématiques en France. Nous évoquerons ces question dans la seconde partie de notre étude, demain.