Le stockage de l’électricité est une des problématiques majeures de la transition énergétique. Petite visite de deux projets encourageants pour notre avenir : aux Etats-Unis, le MIT développe une batterie révolutionnaire et particulièrement économique ; en Australie, une centrale électrique associant éolien, solaire et stockage, une première mondiale, vient d’être mise en chantier.
Partout dans le monde, des collectivités, des chercheurs et des industriels travaillent à développer des méthodes efficaces et innovantes pour stocker l’énergie.
Cette question est fondamentale pour assurer une transition énergétique mondiale, car elle répond à l’intermittence des énergies renouvelables – permettant de décaler production et consommation d’électricité –, et assure une continuité dans l’approvisionnement électrique, évitant au réseau de coûteux recours à des réserves énergétiques. A l’inverse, des systèmes de stockage nombreux permettent d’absorber des pics de production dépassant les besoins, et limiter (voire supprimer) le gaspillage d’énergie.
Les projets ou réalisations innovantes ne cessent de se multiplier sur ce front qui manque encore de maturité mais qui regorge d’inventivité. Gros plan sur deux d’entre elles.
Le MIT dévoile une batterie « qui respire » !
Aux Etats-Unis, un groupe de chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) vient de mettre au point le prototype d’une batterie révolutionnaire. Pensée d’emblée pour répondre aux besoins spécifiques des énergies renouvelables intermittentes et des réseaux électriques, cette batterie peut stocker de l’électricité sur de très longues périodes, avec une densité d’énergie légèrement inférieure à celle des batteries Lithium-Ion, mais à un coût… cinq fois moins élevé !
Ce projet, piloté par le professeur Yet-Ming Chiang, a réuni plus de 180 chercheurs pendant cinq ans : le résultat est une batterie d’autant plus surprenante qu’elle respire ! Plus exactement elle inspire de l’air pendant la décharge et expire de l’oxygène (et non du CO2) pendant la charge.
Une batterie à flux à coût réduit
A l’origine, Chiang est parti du principe des batteries à flux, qui s’appuient, rappelons-le, sur deux cuves contenant les couples électrochimiques et sur une réaction d’oxydoréduction ayant lieu au niveau de l’électrolyte.
Parmi les multiples avantages de cette technologie encore embryonnaire mais prometteuse figure le fait que la quantité d’électricité stockée ne dépend que de la taille des cuves. Puissance et capacité de stockage sont totalement indépendantes. Ce qui en fait une solution de choix pour stocker de grande capacité pendant de longues périodes : exactement les besoins d’un réseau électrique utilisant des sources intermittentes.
Nous avons vu que la technologie Quinones-Redox Flow était aujourd’hui la plus efficace des batteries à flux opérationnelle : mais l’équipe de Chiang vient de proposer une belle alternative. Leur objectif état de mettre en place une solution peu onéreuse, utilisant des matériaux et des couples électrochimiques bon marché. Très rapidement, ils ont choisi pour l’anode une solution de polysulfure contenant des ions sodium, en s’appuyant sur la densité d’énergie élevée du soufre et le fait qu’il est abondant.
Un prototype opérationnel, mais des perspectives industrielles considérables
En testant, au niveau de la cathode, une solution de permanganate de potassium, les chercheurs se sont aperçus que la batterie, pendant la décharge, intégrait de l’air et produisait des ions hydroxyde au niveau de la cathode. Et lors de la recharge, la cathode produisait de l’oxygène et des ions hydrogènes, qui renvoyaient les électrons à l’anode.
Les chercheurs ont alors remplacé le permanganate par une solution saline oxygénée : et le processus s’est répété, amplifié et amélioré ! La batterie « respire », et fonctionne à merveille, pour un coût particulièrement compétitif.
Pour l’heure, le prototype est minuscule, de la taille d’une tasse à café, mais les chercheurs l’assurent transposables à échelle industrielle : si c’était le cas, le monde disposerait d’une technologie de stockage flexible, peu onéreuse, à grande échelle et grande durée – probablement la technologie idéale pour stocker une énergie produite par des énergies renouvelables.
Première mondiale en Australie : éolien + photovoltaïque + stockage
Parallèlement, en Australie, une autre première mondiale vient d’avoir lieu : la première pierre d’une centrale électrique triple technologies vient d’être posée. Nommée Kennedy Energy Park, ce complexe ouvrira fin 2018 et sera composé de 12 turbines éoliennes de 3,6 MW, soit 43,2 MW au total, fournie par Vestas, de 15 MW de panneaux photovoltaïques et d’une unité de stockage de 4 MWh, sous forme de batteries Lithium-Ion, fournies par Tesla.
La production prévisionnelle de cette centrale électrique est de 210 GWh par an : il s’agit de la première centrale à cumuler, sur un même site, éolien, photovoltaïque et unité de stockage ; le but est que les périodes d’intermittence ces énergies se compensent, le stockage pouvant venir compenser les éventuelles heures sans vent de nuit qui pourraient arriver.
Un projet pilote d’une révolution triple technologies pour le Queensland
Par ailleurs les heures de pointe de l’éolien et du photovoltaïque sont, dans cette région aride, complémentaires : le vent est en général le plus fort la nuit, quand la production photovoltaïque est nulle, et l’ensoleillement maximal vers midi, heure où le vent a tendance à tomber. Au bout du compte, le complexe proposera une production d’électricité presque aussi continue qu’une centrale au charbon ou une centrale nucléaire – mais avec un impact environnemental presque nul.
De plus, si le site est conçu pour être opérationnel pour lui-même, il est également un test grandeur nature d’un projet plus large : nommé « Big Kennedy », ce programme prévoit de compenser les très nombreuses fermes photovoltaïques du Queensland par la construction de 1 200 MW d’énergie éolienne, systématiquement associée à des unités de stockage – pour réduire au minimum l’intermittence de cette production d’énergies renouvelables.
Ces deux exemples prouvent le foisonnement des innovations en matière de stockage – et renforcent l’espoir d’atteindre, très vite, des gammes de solutions matures, complémentaires et efficaces pour renforcer les réseaux électriques de demain.