L’Internet des objets est une composante fondamentale de la future smart city : pour relever des données et piloter des usages, les villes doivent connecter des objets. Ces technologies offrent des perspectives considérables pour les villes, mais peinent encore à s’imposer en France, notamment à cause des problématiques liées à la gestion de la donnée, et aux questions sur l’échelle et le réseau IoT que les villes doivent choisir.
Pour qu’une ville devienne intelligente et puisse améliorer en temps réel les services urbains, elle doit connecter des objets et collecter des données – rien de nouveau sous le soleil.
Mais quelle forme prend cette fameuse connexion, l’alpha et l’oméga de la smart city ? Elle s’appuie sur l’Internet des objets (« Internet of Things » en anglais, abrégé en « IoT »), une technologie consistant à intégrer (ou ajouter) des capteurs et / ou des outils de pilotages à un objet pour qu’il puisse collecter des données ou être commandé à distance via un réseau numérique.
Deux famille : les objets connectés disposant uniquement de capteurs…
« En connectant les objets, on les rend créateurs de valeur », déclare Stéphane Allaire, président d’Objenious, filiale de Bouygues Telecoms dédiée à l’IoT. Deux grandes familles d’objets connectés sont utilisés par une smart city. La première est composé de ceux disposant uniquement de capteurs permettant le relevé de données.
Il s’agit typiquement des capteurs purs, qui mesurent en temps réel la pollution de l’air, la météo, la circulation dans une rue, le bruit, l’humidité, mais aussi l’usure d’un équipement afin d’optimiser sa maintenance. Une benne à ordures connectée est un objet du même type : elle indique aux opérateurs de ramassage quand elle est pleine pour optimiser les tournées et éviter les débordement.
… et ceux pouvant être pilotés à distance
La seconde famille, beaucoup plus cruciale, regroupent les objets qui relèvent des données mais sont également pilotables. L’exemple type est l’éclairage intelligent, car il s’agit d’une des technologies les plus rapidement rentables, économiquement et énergétiquement : un lampadaire est équipé de capteurs pour déterminer en temps réel le trafic de véhicules et de passants sur une artère, et adapter l’éclairage en fonction.
Les feux de signalisation intelligents, qui peuvent s’allumer ou s’éteindre en fonction de la présence de véhicules ou de piétons et de l’état de la circulation dans la ville, fonctionnent sur le même principe.
Le cas particuliers des compteurs communicants, première brique des smart grids
Certains objets connectés ont essentiellement une fonction de collecte, mais ouvrent la possibilité à un pilotage futur : dans ce domaine, les plus prisés sont les compteurs intelligents de réseaux de fluides (électricité, eau, gaz…). Ces équipements permettent, dès leur installation, de faire des économies de fonctionnement en basculant sur un télé-relevé automatique, tout en suivant en temps réel la consommation, permettant une adaptation de la politique énergétique locale.
Mais ces compteurs intelligents, notamment pour l’électricité ou le gaz, peuvent aussi être pilotables, dans une logique de smart grid : dans ce cas le réseau, local ou national, envoie de informations à un bâtiment pour adapter sa consommation à la production. Le développement de solutions smart grids devrait profondément modifier le rapport à l’énergie (notamment électrique) des villes, le transformant en un interlocuteur responsable d’une politique locale forte – particulièrement dans l’optique d’un développement des énergies renouvelables intermittentes (éolien et solaire) et de l’avènement de la mobilité électrique.
Des économies substantielles en ligne de mire
En utilisant intelligemment ces technologies connectées, une ville peut ainsi apporter une amélioration de la qualité de vie à ses habitants et faire des économies. C’est ainsi que la ville de Limours, en équipant certains bâtiments stratégiques gérés par la ville de capteurs sur les compteurs électriques, s’est aperçue que le terrain de tennis couvert consommait plus qu’un groupe scolaire : un audit a été réalisé pour optimiser l’utilisation de l’éclairage de ce cours de tennis.
Une ville peut, évidemment, coupler plusieurs initiatives de ce type dans une démarche plus globale. C’est le cas à Rouen, où Vinci Energies utilise la solution d’hypervision BIMCity dans le cadre d’une expérimentation sur la régulation du trafic associée au suivi de la qualité de l’air, en rapprochant différents jeux de données pour avoir une vision 360° de la situation.
« En agrégeant les données environnementales aux données de fonctionnement sur la mobilité, et en permettant une gestion dynamique des feux tricolores par exemple, on peut améliorer la situation de manière transversale. Via des panneaux signalétiques connectés, il est possible de faire de la micro gestion du trafic en temps réel en proposant des itinéraires de délestage par exemple », expose Simon Coutel, business manager digital smart city chez Vinci Energies.
Des freins au développement de l’IoT smart city, du coté de la donné ou du maillage
Pour autant, ces technologies tardent à se généraliser dans les villes de France. La question de la gestion des données, de leur statut (qui en aura la propriété, la responsabilité, le droit d’usage, et dans quelles conditions ?) et de leur protection, est un frein d’importance, d’autant que les villes ne partent pas, en la matière, de zéro : « Il faut construire un modèle de partage et de gestion interopérable alors même qu’on ne part pas d’une feuille blanche. Les services informatiques sont ce qu’ils sont, il faut composer avec l’existant tout en inventant quelque chose de nouveau », considère Céline Faivre, DAJ de la commande publique et CDO du conseil régional de Bretagne.
Le maillage de cette utilisation de l’IoT est également une problématique centrale : les plateformes d’agrégation de données et de pilotage doivent-elles être opérante au niveau de la commune, du département, de l’Etat ?
Ces difficultés à définir une stratégie sont d’autant plus pénalisantes que chaque ville a tendance à se lancer dans sa propre politique, avec sa propre logique et ses propres technologies, pas forcément compatibles avec celles de ses voisines. C’est notamment le cas d’une composante majeure de cette stratégie – le choix du réseau IoT sur lequel s’appuyer.
Une question clé, au cœur des débats qui agitent les responsables smart city des grandes villes de France, que nous détaillerons demain, dans la suite de notre étude.