L’autonomie énergétique : tel est l’objectif fixé par les autorités pour la Guadeloupe en 2050. Un objectif fortement soutenu par les énergies renouvelables, géothermie, photovoltaïque, biogaz et biomasse – mais aussi l’éolien, en pleine relance dans le département, qui disposera bientôt du plus grand parc éolien des Antilles.
Nous avons vu, dans la première et la deuxième partie de notre étude, comment la Guadeloupe s’était lancée dans un ambitieux plan de développement des énergies renouvelables, visant à atteindre l’autonomie énergétique à l’horizon 2050.
Après avoir étudié la géothermie, l’hydraulique, le biogaz, la biomasse et le photovoltaïque, gros plan sur une ressource-clé, l’éolien.
L’éolien couvre 3% des besoins en électricité de l’île
Le potentiel éolien de la Guadeloupe est plus que conséquent : les vents sont forts, réguliers dans l’année, et les points d’implantation d’éoliennes ne manquent pas. Ce potentiel est aujourd’hui valorisé par 12 parcs éoliens, représentant une puissance totale de 30 MW. L’installation d’éoliennes en Guadeloupe est assez ancienne, le statut de ZNI ayant imposé de déployer une énergie locale.
9 parcs, représentant un total de 21 MW ont été mis en service avant 2006 ; entre 2006 et 2010, trois nouveaux parcs ont été installés, sur les sites de la Mahaudière, de Grand Maison et à La Désirade, pour un total de 6 MW supplémentaires.
Le temps que ces parcs soient correctement reliés au réseau, la production éolienne a atteint son maximum en Guadeloupe en 2013, avec 56 700 MWh ; depuis la production a tendance à stagner, et même à légèrement baisser, atteignant en 2016 53 289 MWh, soit 3% de la production totale d’électricité.
Un potentiel énorme, limité par de nombreux freins
Depuis 2010, de nouvelles éoliennes ont été installées en Guadeloupe, mais toujours dans le cadre d’opérations de repowering, cette technique consistant à remplacer un matériel ancien par du nouveau, à la fois plus performant et disposant de davantage de puissance. Mais depuis cette date, aucun nouveau parc n’a vu le jour en Guadeloupe. Ce n’est pas faute de potentiel, puisque le Schéma Régional Eolien estime qu’entre 70 et 110 MW supplémentaires pourraient être installés.
De nombreux freins à ces installation existent en Guadeloupe. Ils sont lié à des difficultés techniques, liées essentiellement à la présence d’un radar de Météo-France, implanté au Moule, à Grande-Terre : ce dernier bloque en effet la totalité du potentiel de développement éolien de la Grande Terre, qui représente justement la part la plus importante du potentiel guadeloupéen en la matière.
Radar de Météo-France, limite des 30%, réseau de transport trop léger…
Autre problème : la Guadeloupe a déjà atteint la limite des 30% d’énergies renouvelables intermittentes pouvant circuler sur le réseau, ce qui limite grandement le déploiement du photovoltaïque et de l’éolien, et créé une concurrence entre les deux énergies pour les derniers MW disponibles. La seule solution pour installer de nouveaux parcs est de les associer à des unités de stockage ; or, jusqu’à une période très récente, les tarifs d’achat étaient insuffisants pour rendre rentable l’installation conjointe d’unités de production intermittente et de solutions de stockage.
Troisième frein : le manque de crédits pour renforcer le réseau de transport d’électricité rendait problématique la valorisation des zones de production éolienne à fort potentiel, situées pour l’essentiel au Nord de Grande-Terre et dans les îles du Sud, à grand distance des principaux foyers de consommation, zone pointoise et de Basse-Terre.
Volonté politique de redynamiser la filière
Par ailleurs les éoliennes demeurent, comme un métropole, souvent mal acceptées au niveau local, déclenchant des recours retardant la mise en service des projets.
Mais les autorités semblent déterminées à dépasser ces freins, et la filière éolienne a repris, depuis 2016, un vrai dynamisme en Guadeloupe, dans la dynamique de la Loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte.
Pour l’heure la PPE pointe un potentiel de 82 MW de puissance éolienne supplémentaire à l’horizon 2023, en lançant une politique de grands travaux (éoliennes, réseau de transport, solutions smart grids), toujours associés à des solutions de stockage, pour partie avec des nouveaux parcs, pour partie avec des opérations de repowering.
Deux chantiers sont emblématiques du nouveau visage de l’éolien en Guadeloupe et de cette volonté de le lier systématiquement à des unités de stockage.
Le premier est le repowering du parc éolien de Petite Place à Marie-Galante. Inauguré le 30 juin 2016, le nouveau parc présente une puissance de 2,5 MW, avec neuf éoliennes rabattables de 275 kW (contre 1,5 MW dans sa version originelle) ; il s’agit surtout du premier parc éolien de France disposant d’une unité de stockage.
Le repowering de la centrale de Marie-Galante, avec ajout d’une unité de stockage
Constituée de batteries Lithium-Ion pour une capacité de stockage de 460 kWh, cette unité permet de répondre à l’intermittence de l’énergie éolienne. Le cas de Marie-Galante est particulier, puisqu’il s’agit d’une petite île au sein d’une zone déjà insulaire, la Guadeloupe : cette double insularité rend capitale la production d’une électricité locale que l’on peut stocker.
En février 2017, des travaux de raccordement électrique ont coupé l’île du réseau de la Guadeloupe pendant 12 heures : la centrale de Petite Place a pu assurer la distribution du courant aux habitants, à raison d’une production injectée stable, comprise entre 1 500 et 1 800 kW – 40% des besoins électriques ont été couverts, dépassant largement la limite des 30% : « Cette opération est un succès puisque les habitants de Marie-Galante n’ont perçu aucune différence de service avec le fonctionnement habituel du réseau lorsqu’il est connecté à la Guadeloupe » a déclaré un responsable de Quadran, mettre d’oeuvre de cette opération de repowering.
Le futur plus grand parc éolien des Antilles à Sainte-Rose
Second chantier emblématique, du coté des nouvelles centrales éoliennes : le groupe Valorem a annoncé, le 20 janvier 2018, la mise en service pour la fin 2018 du premier parc de Basse-Terre, dans la commune de Sainte-Rose. Il s’agira du premier parc éolien « multi-mégawatt » des Antilles françaises, composé de 8 éoliennes réparties sur 12 000 mètres carré, pour une puissance totale de 16 MW, qui en feront le plus grand parc éolien de la région.
Le parc utilisera des éoliennes géantes de type G90-2.0 MW, qui disposent d’un dispositif innovant anticyclonique, qui permet de produire de l’énergie même en cas de cyclones. Il sera là aussi associé à une unité de stockage et profitera d’un système de pilotage (un Energy Management System, EMS) du smart grid ainsi constitué.
Un outil de pilotage smart grid pour assurer un approvisionnement régulier
L’EMS analyse en temps réel les données de production d’énergie renouvelable, de stockage d’énergie et d’effacement éventuel de charges ; il offre ainsi au gestionnaire du réseau électrique la possibilité de surveiller, de contrôler et d’optimiser les performances de la production et du réseau tout en assurant sa sûreté de fonctionnement : « Il s’agit de prévoir la quantité d’électricité produite 24 heures en avance, pour informer EDF du volume qui sera injecté sur le réseau, ce qui lui permettra de savoir quelle quantité produire (…). Ce système de gestion d’énergie permet de s’affranchir de l’intermittence de la production d’énergie éolienne », note Loïs Pacou, chargé du projet au sein de Valorem.
Le parc de Sainte-Rose permettra ainsi à lui seul d’augmenter la part d’électricité renouvelable de l’île de 10% ; mais il n’est que le vaisseau amiral de ce plan beaucoup plus vaste, qui devrait multiplier par trois ou quatre la puissance éolienne installée en Guadeloupe d’ici 5 ans.
A cette date, si toutes les filières renouvelables que nous avons évoquées suivent les prévisionnels de la PPE, les 40% de renouvelables dans le mix électrique devraient être proches – ce qui ferait de la Guadeloupe un des départements phares de la transition énergétique en France.