Le développement d’énergies renouvelables, éolien et photovoltaïque, nécessite une planification précise et une anticipation des besoins et du développement du réseau électrique – sous peine de se retrouver à produire une électricité qui n’est utilisée par personne. La Chine se retrouve actuellement dans cette impasse avec l’énergie éolienne : mais une refonte du réseau électrique et une révision du cahier des charges des nouvelles centrales devraient pallier ces problèmes.
Nous l’avons récemment vu avec le cas du Chili, forcé pendant plusieurs années de fournir de l’électricité gratuitement à certaines villes, faute d’infrastructures permettant de transporter l’électricité produite par les centrales photovoltaïques du nord du pays, en zone aride, pendant les périodes de fort ensoleillement et de production trop élevée.
Avant de construire une ferme éolienne, anticiper la consommation de l’électricité produite
Installer une source d’énergie éolienne ou photovoltaïque impose de penser le réseau électrique et les points de consommation de cette électricité en aval : favoriser le choix des meilleurs sites naturels de production (ensoleillement maximum, vents forts et réguliers), sans prendre en compte la consommation de l’électricité produite, conduit à des impasses de ce type.
C’est actuellement la situation d’un pays pourtant renommé pour sa capacité à planifier soigneusement l’ensemble de son économie – la Chine. Le pays est confronté à une surproduction qu’aucune consommation ne vient éponger, non avec le photovoltaïque comme le Chili, mais avec l’éolien.
La Chine, leader mondial de l’éolien… et du gaspillage de l’électricité éolienne !
Pour autant, en chiffres bruts de puissance installée, la Chine se taille la part du lion au niveau mondial. Une vigoureuse politique publique, à la fin des années 2000, a conduit le pays sur le toit du monde. Fin 2016, la Chine revendiquait 168 690 MW de puissance éolienne installée, soit 34,7% du total mondial, alors que sa population ne représente que 19,3% du total mondial.
Mais des soucis sont très vite apparu, à l’orée des année 2010 : une planification trop lâche, se contentant de réclamer des installations éoliennes toujours plus nombreuses, a produit des absurdités. Des régions riches en vent et désertiques ont construit massivement des fermes éoliennes – sans mettre en place les réseaux de transport nécessaire à l’évacuation de la production.
Une nouvelle législation a été mise en place dès 2012, limitant ce genre de situations, mais en 2013, sur 91 424 MW d’éolien installé, seul 75 480 MW étaient effectivement raccordé au réseau chinois, soit à peine plus de 80%.
Deux fois plus de puissance installée que les Etats-Unis, pour 7% de production de plus !
Même s’il est moins aigu, le problème subsiste aujourd’hui : si fin 2016, l’éolien représentait 4% de l’énergie consommée en Chine, un chiffre considérable, le pays est encore très loin d’utiliser toute l’électricité que lui fournit ses éoliennes – à cause d’un réseau encore trop mal adapté, et de la concurrence du charbon, qui couvre à lui seul 65% de la consommation d’énergie chinoise.
En effet, sur l’année 2016, la Chine a régulièrement imposé à ses entreprises d’arrêter leurs éoliennes ; au total, 17% de l’énergie éolienne que la Chine aurait pu produire ne l’a pas été, faute de débouchés pour cette électricité. Sur le premier trimestre 2017, un mieux est perceptible, mais le gaspillage atteint tout de même les 13,6%.
Résultat : avec une puissance installée deux fois supérieure à celle des Etats-Unis, la Chine, en 2016, n’a produit que 7% d’électricité éolienne de plus.
Ce gaspillage se traduit également en terme monétaire : en 2015, les producteurs du secteur ont perdu environ 2,4 milliards d’euros à cause des limites de production imposées par les autorités locales – ces limites visant à ne pas saturer le réseau par un trop-plein d’électricité non utilisée.
Les provinces du nord concentrent le gaspillage
Ce problème se concentre d’ailleurs toujours essentiellement dans les provinces du nord de la Chine, venteuses et peu peuplées, où se concentrent les plus grandes fermes éoliennes du pays. Sur le troisième trimestre 2017, la province du Gansu a négligé 33% de sa production éolienne, et celle du Xinjiang 29,3%.
Car, en plus de concentrer la majorité des installations photovoltaïques, ces régions sont également riches en charbon, et possèdent, ultime paradoxe, des centrales électriques au charbon flambant neuves…
Et si le gouvernement vise les 200 GW d’éolien à l’horizon 2020 – et, de ce point de vue, la planification chinoise a largement prouvée son efficacité, le pays devrait atteindre cette objectif –, il entend désormais cesser de gaspiller l’électricité produite. L’objectif du gouvernement chinois est de mettre fin aux restrictions de production imposées au producteurs d’éolien en 2020 : à cette date, toute l’électricité produite devra être consommée et absorbée par le réseau.
Renforcer le réseau et repenser la politique de soutien à l’éolien
Parmi les mesures qui devraient permettre d’atteindre cet objectif figurent un renforcement du réseau de transport d’électricité et les annulations de construction de centrales à charbon annoncées par le gouvernement en 2016 – le manque à produire devant être absorbé conjointement par l’éolien et le photovoltaïque.
Le gouvernement va également agir sur la filière éolienne ; pour les six provinces dont la puissance éolienne installée dépassent trop largement les capacités de consommation (Xinjiang, Gansu, Ningxia, Mongolie intérieure, Jilin, Hellongjiang), une suspension des nouveaux projets de fermes éoliennes a été décidé. Conséquence de cette politique, la puissance éolienne chinoise n’a progressé que de 18% en 2016, contre 30,5% en 2015.
L’Administration Centrale de l’Energie a décidé de tester un nouveau modèle économique pour ses fermes éoliennes : un projet pilote de 13 centrales va voir le jour, sans subvention ni tarifs préférentiels, mais une obligation pour le réseau local d’acheter 100% de l’électricité produite.
Soit un système proche de celui en vigueur en France : on a beaucoup reproché à notre pays sa lenteur dans la constitution de son parc éolien, mais chaque MW produit a, à ce jour, toujours été consommé – la planification « à la française » a aussi ses bons cotés !