Une étude publiée, le 10 juin, par des chercheurs du radiotélescope Square Kilometre Array (SKA), en Australie, a provoqué un séisme dans la communauté astronomique. En cause, les satellites de Starlink, qui génèrent des interférences radio jusque dans les bandes protégées, pourtant essentielles à l’étude des origines de l’univers.
Alors que ces satellites de SpaceX sont censés respecter des couloirs spectraux strictement délimités, l’analyse démontre qu’ils émettent, involontairement, des signaux électromagnétiques parasites capables de ruiner les observations les plus sensibles. Que se passe-t-il vraiment dans ces zones censément « radio-silencieuses » ? Et pourquoi personne n’est en mesure d’y mettre fin ?
Starlink : le spectre invisible qui assiège les télescopes
Le projet Starlink, opéré par SpaceX, compte désormais plus de 7 000 satellites en orbite terrestre basse. Cette constellation massive, censée connecter les régions les plus isolées du globe, laisse dans son sillage une pollution invisible mais redoutable : des émissions radio non intentionnelles, ou UEMR (Unintended Electromagnetic Radiation). Une nuisance silencieuse, mais dévastatrice pour les astronomes.
Dans une étude rendue publique le 10 juin 2025, l’équipe du SKA-Low, branche basse fréquence du Square Kilometre Array basée en Australie, a livré un constat alarmant. Leur analyse de plus de 76 millions d’images a révélé 112 534 intrusions provenant de satellites Starlink. Au total, 30 % des satellites visibles dans le ciel à ce moment-là ont interféré avec les observations. Comme l’explique l’article publié par ExplorersWeb : « Malgré les protections nationales et internationales contre les émissions radio dans certaines bandes de fréquences, Starlink encombre le ciel de pollution électromagnétique. »
Des fréquences protégées violées en silence
À 99,7 MHz, une anomalie a retenu l’attention des ingénieurs. Cette fréquence, utilisée pour la radiodiffusion FM, s’est retrouvée reflétée vers la Terre par les satellites de Starlink, en plein cœur de zones définies comme « radio-quiet ». Ce n’est pas une première. Dès 2023, une équipe de l’Université Curtin et du SKA avait déjà détecté des émissions similaires aux alentours de 137,5 MHz et 159,4 MHz.
À l’époque, les ingénieurs avaient pointé du doigt des propulseurs bruyants émettant à des fréquences plus basses que prévu. Mais aujourd’hui, tous les satellites concernés sont déjà déployés. D’où vient donc cette pollution ? Mystère. L’étude récente, hébergée sur arXiv, le reconnaît explicitement : « Nous ne connaissons pas les différentes origines des émissions électromagnétiques non intentionnelles observées par l’équipe de SKA-Low, à l’exception d’un signal à 99,7 MHz. Et si cela évoque une fréquence de la bande FM, ce n’est pas un hasard. »
Le cadre réglementaire : un vide béant
Ce n’est pas l’émission volontaire qui pose problème. Sur ce point, Starlink coopère avec les observatoires astronomiques, en désactivant ses services dans certaines régions du ciel. Le hic, c’est que les émissions involontaires ne sont tout simplement pas régulées.
Ce flou juridique ouvre la voie à une impunité technique. Les autorités, telles que l’Union internationale des télécommunications (UIT), ne disposent d’aucun outil légal pour contraindre les opérateurs à corriger les émissions parasites non intentionnelles. Pendant ce temps, les signaux cosmiques les plus faibles, ceux émis peu après le Big Bang, sont balayés dans le bruit généré par les engins de télécommunication modernes.
Starlink contre l’Univers : une guerre asymétrique
Les objectifs du SKA-Low sont pourtant limpides, capter les échos laissés par la matière dans les âges les plus reculés de l’histoire cosmique. Pour y parvenir, ces antennes au design hérissé et atypique, installées dans le désert australien, doivent fonctionner dans un silence électromagnétique absolu. Mais comment entendre les battements de l’univers primordial quand un réseau de satellites hurle au-dessus de vos têtes à 99,7 MHz ?
Les conséquences sont lourdes. L’étude indique que certaines interférences atteignent des niveaux de 10^6 Jy/beam, soit 10 000 fois plus puissants que les signaux naturels émis par l’hydrogène primitif. (ArXiv 2506.02831, juin 2025).