De tous les types d’énergies, c’est pour l’électricité que l’impact des outils numériques sera le plus fort. Non seulement ces smart grids offrent d’importantes réduction des coûts de production, mais ils proposent une métamorphose du secteur tout entier, qui va induire de nouvelles économies et un impact carbone réduit.

Nous avons analysé, dans la troisième partie de notre étude du rapport Digitalization and Energy 2017 de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), les réductions de coûts de production que pouvait offrir la numérisation au secteur de l’énergie, en particulier de l’électricité.

D’une logique verticale à une logique de réseau

Mais au-delà de ces économies brutes, estimées par l’AIE à 65 milliards d’euros annuels, les smart grids vont bouleverser le secteur de l’électricité, induisant une nouvelle logique de rapport à l’énergie, à l’impact environnemental réduit.

La numérisation vient en effet brouiller la distinction entre la production et la consommation, en les rendant interdépendantes, comme les deux faces d’une même réalité, qui se modulent ensemble en temps réel. L’idée est de passer d’une logique verticale, où l’énergie est produite en fonction d’une planification prenant en compte les historiques de consommation, puis distribuée aux consommateurs, à une logique de réseau, où production et consommation varient constamment, et s’adaptent l’une l’autre à ces variations.

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L’AIE cite notamment quatre opportunités interdépendantes, ouvrant à de franches économies, toutes liées entre elles dans une même dynamique vertueuse :

  • une réponse intelligente à la demande
  • l’intégration de sources d’énergie renouvelables intermittentes
  • la mise en œuvre de la recharge intelligente pour les véhicules électriques
  • l’émergence de ressources électriques distribuées à petite échelle dans des logiques d’autoconsommation

1. Une réponse intelligente à la demande

Dans le détail, les systèmes de pilotage intelligent de la demande, par des techniques d’effacement et l’utilisation de solutions de stockage, pourraient fournir, au niveau mondial, une flexibilité de système de 185 GW par an. L’AIE estime qu’environ 1 millards de ménage pourraient, à court terme, bénéficier de ces logiques smart grid de pilotage de la demande, et des économies d’énergies qu’elles offrent. Au total, le rapport calcule les économies, en terme d’investissements dans de nouvelles infrastructures électriques évités, à environ 270 milliards de dollars (218 millions d’euros).

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2. Une meilleure intégration des sources d’énergie renouvelables intermittentes

Les smart grids permettraient également d’intégrer plus efficacement les sources d’énergies renouvelables (éolien et photovoltaïque) au réseau électrique, en adaptant mieux la demande d’énergie aux périodes où le soleil brille et où le vent souffle, par un pilotage de la demande et des solutions de stockage. Cela éviterait ces périodes où de l’électricité est produite sans être utilisée, à cause d’une surproduction – un fardeau qui plombe, encore aujourd’hui, de nombreuses installations photovoltaïques ou éoliennes à grande échelle, comme en Chine.

L’AIE estime que dans la seule Union Européenne une augmentation des capacités de stockage et un déploiement de solutions smart grid pilotant la demande pourraient diminuer les pertes de production du solaire photovoltaïque et de l’éolien : ces pertes passeraient de 7% en 2016 à 1,6% en 2040. Soit 30 millions de tonnes d’émissions de CO2 évités en 2040, ainsi que de nouveaux investissements, en augmentant le rendement des fermes éoliennes et photovoltaïques existantes.

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3. Le développement de la charge intelligente pour les véhicules électriques

Troisième opportunité : le développement de bornes de recharge intelligentes pour les véhicules électriques permettrait d’adapter cette charge aux périodes où la demande d’électricité est faible et l’offre abondante. Cela permettrait d’accroître la flexibilité du réseau tout en économisant entre 100 et 280 milliards de dollars (en fonction du nombre de véhicules électriques déployés) en évitant d’investir dans de nouvelles infrastructures électriques entre 2016 et 2040.

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Le développement de la charge bidirectionnelle permettraient aussi d’utiliser les batteries de véhicules électriques à l’arrêt comme un autre outil de flexibilité, offrant au réseau la possibilité de les utiliser comme une réserve de puissance en cas de demande dépassant l’offre.

4. Le déploiement de l’autoconsommation

Quatrième opportunité : les smart grids rendent possibles un fort développement des stratégies d’autoconsommation, individuelles ou collectives, en associant des panneaux photovoltaïques à des unités de stockage. Là encore les gains seraient forts en terme de flexibilité pour le réseau.

De nouveaux outils, comme la blockchain, pourraient faciliter la vente de l’électricité entre particuliers, et ainsi renforcer l’autonomie des micro grids – et donc leur impact sur le réseau national.

Cybersécurité et protection des données personnelles

Le rapport de l’AIE évoque ensuite des corollaires fondamentaux du déploiement à grande échelle des solutions digitales, à savoir l’attention à apporter à la cybersécurité et à la protection des données personnelles.

L’agence recommande aux nations et aux entreprises de renforcer la résilience de leurs systèmes informatiques, par des efforts de recherche et développement, une sensibilisation accrue de tous les acteurs des systèmes, des normes fortement restrictives, des politiques lisibles et un partage des bonnes pratiques.

Ces attitudes sont indispensables pour limiter les risques de cyberattaques sur les réseaux d’énergie, qui pourraient avoir des conséquences catastrophiques.

Vers de nouvelles politiques énergétiques, prenant en compte la digitalisation

L’AIE recommande également d’être extrêmement attentif au traitement des données personnelles : leur collecte est indispensable pour réussir cette révolution industrielle et énergétique, mais il faut s’assurer qu’elles le sont dans un cadre défini, qui assure qu’elles seront anonymisées dans leur traitement global et constamment protégées de toute intrusion extérieure.

Le rapport conclue sur la nécessité de définir des politiques énergétiques qui comprennent, canalisent et exploitent pleinement les impacts de la numérisation, tout en minimisant ses risques. Ce changement de paradigme est indispensable pour réussir cette révolution qui nous conduira à un monde énergétique sans cesse plus numérisé, plus économe, plus durable.

 

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