Microsoft a annoncé, le 14 mai, qu’il mettrait fin, dès le 11 août 2025, à l’accès public à ses API de recherche Bing. Autrement dit, les développeurs qui utilisaient ce service pour récupérer des résultats de recherche bruts devront désormais composer avec une seule alternative proposée : les « agents Azure IA », intégralement pilotés par Microsoft. Une décision qui remet en question la neutralité du web et qui inquiète jusqu’aux plus gros acteurs du secteur.
Microsoft enterre Bing API au profit de ses agents IA
L’annonce est tombée sans grand bruit, par un simple courriel et une note sur le site Azure. Pourtant, ses conséquences sont immenses. Microsoft va fermer l’accès à un outil historique de son écosystème, les API de recherche Bing. Ces interfaces permettaient aux moteurs alternatifs tels que Brave, You.com, ou DuckDuckGo, de récupérer les résultats du moteur Bing pour alimenter leurs propres interfaces.
Microsoft demande d’utiliser l’Ancrage avec Recherche Bing qui « permet à vos agents Azure AI d’incorporer des données web publiques en temps réel lors de la génération de réponses ». Autrement dit, passer par les agents IA de Microsoft pour toute interaction avec les données du web. Comme le résume Donny Turnbaugh, porte-parole du groupe, Microsoft supprime les API pour privilégier un service qui « répond mieux à la demande du marché en matière de solutions d’IA ».
Les développeurs de moteurs alternatifs priés de se taire ou de se plier
Depuis des années, de nombreux moteurs alternatifs utilisaient les API de Bing pour contourner les limitations techniques du crawl à grande échelle. Cela leur évitait les lourds investissements nécessaires pour indexer eux-mêmes le web. Mais en 2023, Microsoft avait déjà commencé à durcir les conditions d’accès : hausse brutale des prix, restrictions d’usage, et enfin ce couperet final. « Microsoft envoie un signal clair aux autres entreprises de recherche : elle resserre les boulons face à une concurrence croissante », analyse dans Wired Brian Brown, directeur commercial chez Brave, qui a depuis abandonné Bing pour son propre index.
Et c’est là que le bât blesse, seuls les « gros » partenaires (comprenez ceux ayant négocié des contrats confidentiels et à long terme avec Microsoft) conserveront temporairement leur accès. Kamyl Bazbaz, porte-parole de DuckDuckGo, confirme que le moteur de recherche orienté vie privée fait partie des exceptions : « Ils mettent fin à la version en libre-service. » Pour les autres, la porte se ferme définitivement.
Une IA imposée, pas proposée
Le message est clair, Microsoft ne souhaite plus servir de fournisseur d’infrastructure neutre. Ce qu’il propose désormais, c’est une surcouche algorithmique, une IA qui résume les résultats, filtre les réponses et décide de ce que l’utilisateur doit lire. Fini les résultats bruts, place au récit préfabriqué. Un développeur, resté anonyme, résume la situation dans Wired : l’alternative « propose des résumés plutôt que des résultats de recherche bruts » et propose « une intégration plus stricte et moins de flexibilité ».
Chez Frandroid, on souligne également le caractère obligatoire de ce virage stratégique : « Microsoft met en place un service offrant un accès à des chatbots qui serviront désormais d’intermédiaires avec les données web publiques en temps réel ».
Vers un monopole IA déguisé ?
Derrière cette évolution technique se profile une manœuvre industrielle. En verrouillant l’accès à ses données de recherche, Microsoft prend le risque de fragiliser tout un écosystème d’éditeurs, chercheurs, développeurs indépendants. L’objectif ? Orienter le marché vers ses propres produits, et s’imposer comme acteur incontournable de la chaîne de valeur IA.
Des moteurs indépendants comme Mojeek ou Exa continuent de construire leurs propres index, en toute autonomie. Richard Socher, PDG de You.com, affirme dans Wired même que ses API sont devenues « une source majeure de revenus ». Mais aucun d’entre eux ne dispose des ressources d’un Microsoft ou d’un Google. « Tout ce qui bouscule le marché de la recherche est une bonne chose », estime Colin Hayhurst de Mojeek. Encore faut-il survivre au tremblement de terre.