Les Energies Marines Renouvelables (EMR) peinent à se faire une place en France, malgré un des potentiels les plus élevés du monde. L’éolien en mer, qu’il soit posé ou flottant, est symptomatique de ce hiatus : hautement prometteur, il ne produit pour l’heure pas le moindre mégawattheure. Des démarches administratives trop complexes et les recours réguliers d’opposants ont ralenti la filière, qui devrait toutefois (enfin) prendre son envol.

Suite de notre analyse du Baromètre 2018 des énergies renouvelables électriques en France. Après l’état des filières photovoltaïque, éolienne, hydro-électrique et biomasse en France, place aux énergies marines renouvelables (ETM). 

Les EMR regroupent l’ensemble des technologies permettant de produire de l’électricité grâce aux océans. Nous étudierons dans un premier temps la plus mature, celle de l’éolien en mer, qu’il soit posé ou flottant. Avec 10 millions de kilomètres carré (en incluant l’Outre-Mer), la France dispose du second espace maritime mondial. Son potentiel pour l’éolien en mer la place au second rang de l’Union Européenne, derrière le Royaume-Uni.

L’éolien en mer : un potentiel intact, mais des retards qui s’accumulent

Mais, alors que l’Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas et, justement, le Royaume-Uni ont déjà largement valorisé leur potentiel, en construisant des parcs qui commencent à être rentables, y compris sans soutien public, la France n’a pas encore une seule éolienne en mer commerciale en service.

L’éolien posé en mer est pourtant largement soutenu depuis une dizaine d’année. Pour rappel, cette technologie s’appuie sur des éoliennes qui sont posées sur les fonds marins dans des zones peu profondes (entre 5 et 40 mètres). Six projets ont remportés des appels d’offre entre 2012 et 2014, et devaient entrer en service avant 2020. Mais des procédures administratives particulièrement complexes et des recours quasi-systématiques d’opposants ont enlisé l’avancée de ces chantiers.

energies marines france 1 2 eolien mer - Les Smart Grids

Premières mises en service à l’horizon 2021

Mais le bout du tunnel semble proche. Le parc de Saint-Nazaire devrait être mis en service en 2021, celui de Fécamp en 2022, ceux de Courseulles-sur-Mer, de Saint-Brieuc et du Tréport en 2023 et celui de Noirmoutier-île d’Yeu en 2024. Les coûts de cette technologies ayant considérablement baissé, l’Etat a négocié avec les entreprises lauréates, pour faire passer les tarifs d’achat de 200 euros à 150 euros le MWh en moyenne. Cette négociation a permis de faire baisser le coût du soutien public à ses six projets de 40 milliards d’euros sur 20 ans à environ 25 milliards d’euros.

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Deux appels d’offre lancés en 2016, sous une nouvelle procédure permettant de réduire les délais de validations, devraient quant à eux connaître leurs lauréats – et leur calendrier de mise en service – dans le courant de l’année 2019. Ils sont situés au large de Dunkerque et de l’île d’Oléron.

Simplification des procédures

Par ailleurs, un texte de loi voté en juillet 2018 a permis de simplifier les futures procédures et limiter fortement les retards pour la filière de l’éolien en mer. La mesure phare de cet ensemble législatif est le « permis enveloppe ». Il s’inspire des procédures mises en place au Danemark ou au Royaume-Uni. Son principe ? Le gouvernement se charge désormais de l’étude d’impact avant la désignation des lauréats de l’appel d’offre ; jusqu’ici ce sont ces derniers qui s’en chargeaient une fois qu’ils avaient été désignés. Désormais, le public est invité à se prononcer sur le zonage et les grandes lignes du projet en amont du résultat de l’appel d’offre.

Ainsi, les lauréats pourront, dés leur désignation, demander ce fameux « permis enveloppe », qui englobera la concession d’utilisation du domaine maritime, l’autorisation environnementale et l’autorisation d’exploiter. Cette procédure devrait ainsi réduire considérablement les délais et les coûts des futurs parcs d’éolien posé en mer.

L’éolien flottant : enfin les premiers appels d’offre commerciaux ?

De son coté, l’éolien flottant devrait enfin connaître ses premiers appels d’offre commerciaux. Cette technologie consiste à utiliser des éoliennes munies de fondations flottantes, et les ancrer aux fonds marins par des câbles. Elle permet d’installer des éoliennes dans des fonds entre 40 et 200 mètres. France Energie Eolienne estime le potentiel de la France dans ce secteur à 120 GW.

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Pour l’heure, l’éolien flottant (qui est déjà exploité commercialement par nos voisins du nord de l’Europe) se résume en France à une éolienne de démonstration, mise en service en septembre 2018 au large du Croisic, et à quatre parcs pilotes en construction, dont la mise en service est prévue entre fin 2020 et 2021.

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Une PPE trop timide ?

Publié début 2019, la nouvelle Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) a fixé de nouveaux objectifs à l’éolien en mer. Ils peuvent paraître élevés pour une filière qui ne produit pas encore d’électricité. La PPE table ainsi sur 2,4 GW installés fin 2023, et entre 4,7 GW et 5,2 GW fin 2028.

Mais cette proposition a fortement déplu aux professionnels de la filière et au Syndicat des Energies Renouvelables, qui estiment que le potentiel réalisable est beaucoup plus élevé. Ils militent pour que la France mise sans retenue sur cette énergie à l’énorme potentiel. D’après eux, au rythme fixé par la PPE, l’éolien en mer ne peut trouver son modèle économique.

En janvier 2019, le SER et les syndicats de la filière ont donc proposé un objectif compris entre 4 et 6 GW dès 2024. En mai 2019, alliés aux présidents de six régions littorales françaises (Normandie, Bretagne, Pays-de-la-Loire, Nouvelle Aquitaine, Occitanie, Provence-Alpes-Côte-d’Azur), ils montent à nouveau au créneau et réclament un objectif d’au moins 1 GW par an de puissance éolienne en mer installé.

Le SER, les professionnels et les élus locaux montent au créneau

Ils l’estiment largement réalisable : « Sur le volet éolien offshore, le projet de décret est à ce jour très insuffisant au regard des attentes de nos territoires et de leurs habitants, en termes de transition énergétiqueNous attendons aujourd’hui de l’État des volumes programmés à la hausse et davantage de régularité dans les appels d’offres » ont demandé conjointement les six présidents des régions en question (Loïg Chesnais-Girard, Carole Delga, Christelle Morançais, Hervé Morin, Renaud Muselier et Alain Rousset).

Ils demandent également d’ajouter des appels d’offre spécifiques pour l’éolien flottant, dès que possible. Ils proposent ainsi trois appels d’offre à 250 MW dès cette année, deux appels d’offre à 500 MW en 2021 et un appel d’offre à 1 000 MW en 2023.

« Une des filières énergétiques les plus compétitives en Europe, et la France n’y fera pas exception »

« L’éolien en mer posé est aujourd’hui l’une des filières énergétiques les plus compétitives en Europe, et la France n’y fera pas exception. De la même manière, l’éolien en mer flottant est une filière d’avenir et a vocation à converger vers des prix compétitifs, sur l’horizon de temps de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie, en cours de révision, c’est-à-dire d’ici 2028 », ont déclaré France Energie Eolienne et le Syndicat des Energies Renouvelables.

Le dynamisme et le potentiel de cette filière lui offrent, quoi qu’il arrive, un très bel avenir, même si une plus grande ambition du gouvernement pourrait aider à accélérer son développement et, partant, la transition énergétique française. En revanche, les autres EMR, malgré des potentiels parfois très élevés, sont dans des positions plus délicates, comme nous le découvrirons demain, dans la suite de notre étude.

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