Lancé dans un développement des énergies renouvelables et des smart grids, la Thaïlande fait dans le même temps face à une augmentation exceptionnelle de sa consommation d’énergie, qui l’oblige à augmenter fortement sa consommation de combustibles fossiles et, partant, ses émissions de gaz à effet de serre. Une situation qui rappelle celle de la Chine ou de l’Inde.

S’engager dans la transition énergétique et développer les renouvelables, tout en consommant de plus en plus de combustibles fossiles : tel est le paradoxe des économies émergentes, dont les besoins en énergie croissent plus vite que leur création de centrales photovoltaïques, éoliennes ou hydrauliques, provoquant une augmentation de leurs émissions de gaz à effet de serre.

Un pays encore dépendant des énergies fossiles à… 97% !

Décarbonner un mix énergétique quand la consommation augmente est bien plus compliqué que quand elle est stable ou en baisse (comme en Occident) : telle est la leçon de la Chine, le plus emblématiques des pays dans cette situation, ou de l’Inde. Toute proportion gardée, la Thaïlande est dans une situation similaire, avec une dépendance plus importantes aux combustibles fossiles et une volonté politique moins ferme.

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En 2016, la consommation d’énergies primaires du pays reposait à presque 97% sur les énergies fossiles, et sa production d’électricité était à 89% fossile, essentiellement du gaz naturel et du charbon (lignite).

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Des objectifs de transition énergétique qui semblent modestes

Pire : « malgré des ressources énergétiques fossiles (pétrole brut, gaz naturel, charbon), la Thaïlande est dépendante des importations à hauteur de 60 % de sa consommation primaire et les réserves prouvées d’hydrocarbures sont relativement faibles (4 à 5 ans de consommation) », souligne un rapport de l’Ambassade de France à Bangkok de novembre 2017. Le pays devrait ainsi prochainement avoir recours aux importations de gaz naturel pour couvrir sa demande interne.

A l’horizon 2030, la Thaïlande s’est donnée comme objectif de réduire de 20 à 25% le niveau de ses émissions de gaz à effet de serre et de porter à 18% la part de renouvelables dans sa production d’électricité.

Une croissance économique folle, imposant une explosion de la consommation de charbon

Ces chiffres peuvent sembler modestes, mais, selon une enquête de l’Irena, en poursuivant les politiques actuelles, « la demande d’énergie de la Thaïlande pourrait augmenter de 78% entre 2015 et 2036, portée par une forte croissance économique (estimée à 3,9% par an sur cette période) ».

Sans un infléchissement fort, la consommation de charbon augmenterait d’ici là de 160%, provoquant une augmentation des émissions de CO2 liées à l’énergie de 70%. Mis en perspective avec ces chiffres, les objectifs de transition énergétique thaïlandais sont en réalité extrêmement élevés, et peu réalistes en regard des politiques actuelles.

En effet, le premier ministre Siri Jirapongphan a récemment qualifié de « très basse » la part actuelle du charbon dans la production électrique thaïlandaise, jugeant urgent de l’augmenter pour sécuriser l’approvisionnement en électricité. Même si deux projets de centrales au charbon à Krabi et Songkhala, dans le sud touristique du pays, sont pour l’heure suspendues par des oppositions locales, le gouvernement est déterminé à investir à court terme dans le charbon.

Le coût élevé de l’efficacité énergétique

Pourtant, s’il veut réussir sa transition énergétique tout en sécurisant l’approvisionnement énergétique, ce sont sur trois autres fronts que le pays doit investir : améliorer l’efficacité énergétique pour limiter la hausse de la consommation, développer les énergies renouvelables pour verdir son mix électrique, s’équiper de smart grids pour recevoir plus de renouvelables et éviter le gaspillage d’électricité.

L’efficacité énergétique est toujours complexe à développer dans un pays au réseau électrique et aux bâtiments souvent vétustes, difficiles à chauffer ou à rafraîchir, où les véhicules sont souvent anciens et extrêmement polluants, et où les industries consomment d’impressionnantes quantités de combustibles fossiles.

Le coût élevé d’une telle politique semble pour l’heure rebuter le gouvernement thaïlandais, même s’il faut souligner que les rénovations de bâtiments et les créations de nouveaux quartiers répondent à des normes énergétiques plutôt élevées.

Renouvelables : une politique de déploiement maintenue, mais pas d’explosion en vue

Pour ce qui est des renouvelables, Siri Jirapongphan ne semble pas aussi partisan du solaire et de l’éolien que les gouvernements indiens ou chinois : il estime ainsi que le développement récent des énergies renouvelables, malgré sa réussite, a été « très couteux ».

Il admet cependant que la baisse des coûts des unités renouvelables les rapprochent de la parité réseau, et motive les investissements du pays dans le solaire, l’éolien, la biomasse et la transformation des déchets, qu’il entend conserver.

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Du coté des smart grids, le pays avait annoncé en 2016 un investissement de 13,6 milliards de dollars dans des infrastructures de réseau intelligent, dont les fruits commencent à éclore.

A Pattaya, la station balnéaire de la province de Chonburi, à 147 km au sud-est de Bangkok, le déploiement de 120 000 compteurs communicants est programmé pour la fin de l’année : il s’accompagnera de la mise en place d’une plateforme d’agrégation des données énergétiques. Pattaya fera ainsi office de ville-pilote dans la stratégie smart grids du pays.

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Smart grids et microgrids en approche

Par ailleurs, deux microgrids vont être mis en service prochainement. Le premier sera une expérimentation des solutions intelligentes de productions photovoltaïques combinées à une unité de stockage dans une milieu urbain et interconnecté au réseau, dans la ville de Mae Sariang, au nord du pays, près de la frontière avec le Myanmar.

Le second concernera les deux îles de Koh Kood et de Koh Mak, dans la baie de Bangkok, dans la province de Trat, deux zones non interconnectées au réseau, là encore avec des panneaux photovoltaïques et des unités de stockage pilotés par un smart grid.

Ces investissements sont une excellente nouvelle pour l’avenir énergétique du pays. Mais, en l’état, la croissance exponentielle de l’économie thaïlandaise, alliée à des choix politiques manquant de clarté, ne rend pas optimiste pour la réduction des émissions de la Thaïlande, malgré de réels efforts dans les renouvelables.

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