Déterminé à s’engager plus fortement dans la transition énergétique, le groupe EDF vient de lancer un grand plan de stockage de l’électricité. 8 milliards d’euros seront investis d’ici 2035, pour augmenter de 10 GW les réserves de stockage du groupe, et devenir leader européen du secteur. Décryptage.

Tancé par le ministre de la Transition Ecologique Nicolas Hulot pour ne pas s’engager assez fortement dans la transition énergétique, le groupe EDF, détenu à 83% par l’Etat, a entendu le message : après l’annonce, fin 2017, d’un grand plan d’investissement dans le photovoltaïque en France (25 milliards d’euros sur la période 2020-2035 pour construire 30 GW de panneaux supplémentaire), l’énergéticien vient de s’engager à investir 8 milliards d’euros sur la même période, dans le stockage de l’électricité – au niveau mondial, cette fois.

Répondre à l’urgence climatique

« L’urgence climatique nous impose de trouver des solutions industrielles et compétitives » a ainsi déclaré le PDG d’EDF Jean-Bernard Lévy. Au total, le groupe envisage d’augmenter sa capacité de stockage de 10 GW sur 15 ans. Pour l’heure, EDF exploite environ 5 GW de stockage, essentiellement à travers des Stations de transfert d’énergie par pompage (STEP), installées sur ses centrales hydroélectriques en France.

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Mais le développement du stockage d’électricité est une nécessité pour augmenter la part de renouvelables intermittents (photovoltaïque et éolien notamment) dans la consommation d’énergie totale : une unité de stockage peut prendre le relai d’une éolienne quand le vent ne souffle plus, ou d’un panneau photovoltaïque quand le soleil ne brille plus – et ainsi assurer une continuité de fourniture d’électricité d’origine renouvelable.

« Lisser l’intermittence des énergies renouvelables et les rendre plus pilotables »

« Avec le stockage, on peut lisser l’intermittence des énergies renouvelables et les rendre plus pilotables. (…) On peut également assurer un complément plus stable et plus prévisible à la production pilotée comme l’est le nucléaire ou l’essentiel de la production hydraulique. (…). Nous allons pouvoir garantir l’équilibre et la performance des grands réseaux tout en favorisant le développement de systèmes décentralisés » a ainsi déclaré M. Levy.

Le PDG du groupe EDF pointe également les améliorations considérables des technologies de stockage, qui rend cet investissement beaucoup plus sûr : « les progrès en matière de stockage de l’électricité ouvrent des perspectives essentiels pour réussir les objectifs de la transition énergétique » a-t-il précisé. Le groupe n’investira pas sur ses fonds propres, mais s’appuiera sur des partenaires industriels et financiers, sur le modèle de son action dans les énergies renouvelables avec sa filiale EDF Energies nouvelles (EDF EN).

Ce plan d’investissement d’EDF se scindera en deux parties : 60% pour des solutions de stockage à grande échelle, partout dans le monde, 40% pour des unités plus légères visant à l’autoconsommation, essentiellement en France.

Des unités de stockage de grande capacité pour soutenir les réseaux électriques

Pour la première partie, EDF va construite environ 6 GW d’unités de stockage de grande capacité, pour soutenir des réseaux électriques dont la production est parfois insuffisante ou disposant d’une part élevée de renouvelables. L’électricien devrait, dans un premier temps, se concentrer sur les deux technologies de stockage les plus mures, les STEP et les batteries Lithium-Ion (dont le coût a baissé de 80% entre 2010 et 2017, une dynamique qui devrait se poursuivre), mais sans s’interdire d’investir plus tard dans une technologie émergente ayant fait ses preuves.

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Pour autant, le groupe n’envisage pas de construire lui-même ses batteries, comme le fait Total avec Saft, compte tenu des investissements massifs qu’impose cette technologie : « Nous sommes un énergéticien, nous ne sommes pas un équipementier » rappelle M. Levy.

Des batteries pour améliorer l’autoconsommation en France

La seconde partie de ce plan est donc centrée sur la France et sur les stratégies d’autoconsommation, avec 4 GW d’unités de stockage plus légères, destinées aux particuliers, aux entreprises et aux collectivités qui produisent eux-mêmes de l’électricité renouvelable (aujourd’hui essentiellement du photovoltaïque).

« Il y a une vraie attente sociale pour l’autoconsommation », expose M. Lévy, qui anticipe une évolution de la législation française en faveur de cette stratégie : pour l’heure elle encourage davantage la revente de l’électricité produite en surplus que son stockage.

Mais le modèle d’avenir, qui devra se généraliser si la France veut réussir sa transition énergétique est d’allier panneaux photovoltaïques en toiture, unité de stockage, véhicule électrique et compteur électrique intelligent.

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Un gain pour le producteur, pour le réseau et pour l’environnement !

Ainsi, le foyer produit de l’électricité quand le soleil brille : il peut l’utiliser pour sa consommation ou pour recharger la batterie domestique ou celle du véhicule électrique. Ainsi, quand le soleil ne brille plus, le foyer peut utiliser l’électricité de la batterie domestique (voire celle du véhicule électrique), si l’électricité fournie par le réseau national est peu abondante et chère, ou prélever de l’électricité sur le réseau national si elle est abondante et peu chère – et conserver la batterie pleine pour un moment plus rentable. Si les deux batteries sont pleines et que la production dépasse la consommation, le surplus peut être réinjecté sur le réseau.

Pour l’heure, EDF veut déjà proposer des batteries à tous les foyers, entreprises ou collectivités déjà équipés en panneaux photovoltaïques : associées à un compteur intelligent, ces batteries permettront au producteur de consommer davantage l’électricité qu’il produit, d’en injecter moins sur le réseau et d’en consommer moins venant du réseau. Soit un gain pour tous les acteurs de la chaîne !

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Muscler la recherche sur le stockage et soutenir l’Afrique

En dehors de ces deux grands volets d’investissement, EDF reste à l’affût des nouvelles technologies de stockage et de l’amélioration des technologies existantes : le groupe a décidé de doubler ses efforts de recherche et développement sur ce secteur, pour les porter à 70 millions d’euros sur la période 2018-2020. Dans le même temps, la société « EDF Nouveaux Business » consacrera 15 millions d’euros, soit un tiers de ses investissements, aux projets et start-up liés au stockage électrique et à la flexibilité.

EDF a également fait de l’Afrique une de ses priorités : le groupe veut y atteindre un portefeuille de 1,2 millions de clients off-grid d’ici 2035, en leur proposant des solutions alliant panneaux photovoltaïques et unité de stockage. EDF va également mettre en service plusieurs projets de batteries assurant une stabilité aux réseaux électriques locaux, encore trop souvent victimes de coupures à la tombée de la nuit.

Au total, EDF ambitionne, avec l’ensemble de ces projets, de devenir leader des solutions de stockage électrique dans l’Union Européenne, et de se faire une place parmi les géants mondiaux du secteur.

 

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