Les nouvelles orientations énergétiques pour la France, dévoilées le 27 novembre, ont déçu les défenseurs des énergies renouvelables et de la transition énergétique. L’électricité, la chaleur, l’efficacité énergétique : de belles intentions, mais des objectifs souvent sous-évalués, ou manquant de mesures concrètes pour les rendre réalistes. Dernier volet de notre analyse, avec les transports et l’agriculture.

Nous avons vu, dans la première et la seconde partie de notre étude, que la nouvelle PPE et la nouvelle SNBC allaient dans la bonne direction, mais manquaient d’ambition et de courage politique, sur les fronts de l’électricité, de la chaleur ou de l’efficacité énergétique, pour tenir les objectifs de l’Accord de Paris.

Transports : à l’aube d’une révolution

Le secteur des transports est à l’aube d’une véritable révolution, entre électrification des voitures, bus et camions, développement de la propulsion à hydrogène, du véhicule autonome et de l’autopartage – sans parler des expérimentations futuristes mais désormais réalistes comme l’hyperloop.

Le paysage de la mobilité va profondément se transformer dans les années à venir. La réduction de son empreinte carbone est au cœur de cette transformation.

La nouvelle PPE est-elle à la hauteur de ce changement de paradigme ? Pas de faux suspens : pas vraiment. Certes, les objectifs fixés dessinent un bouleversement du paysage de la mobilité française. Mais pas autant que l’urgence climatique l’impose. Rappelons que de nombreux analystes estiment qu’à l’horizon 2035, en Union Européenne, une écrasante majorité des véhicules vendus seront électriques (ou une autre alternative aux combustibles fossiles).

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Parts de marché estimées des véhicules électriques en Union Européenne

Mobilité propre : la PPE va dans le bon sens, mais pas assez vite !

Le Président Emmanuel Macron comme son ministre de la Transition écologique, François de Rugy, ont conscience qu’ils doivent faire œuvre pédagogique pour défendre la mobilité électrique, et profitent des tensions actuelles liées à l’augmentation du prix du pétrole pour proposer un autre argument que l’urgence climatique : « L’intérêt des Français est le même que celui de la France et de son commerce extérieur : ne plus dépendre de la volatilité du prix du baril« , a déclaré François de Rugy.

Mais les ambitions de la PPE demeurent mesurées. Le gouvernement veut qu’en 2023 1,2 millions de voitures particulières électriques circulent en France, puis 4,8 millions en 2028 – la fin de la vente des véhicules thermiques neufs étant fixés en 2040. Pour soutenir la mobilité propre, le gouvernement veut porter la prime à la conversion à 1 million de bénéficiaires d’ici 2023. Tout en développant le réseau de bornes de recharge.

Réduire l’empreinte carbone des véhicules thermiques

Parallèlement à cette volonté de promouvoir le véhicule électrique, la PPE veut réduire autant que possible l’empreinte carbone des véhicules à combustibles fossiles. Pour ce faire, le texte reprend la mesure européenne imposant, pour les véhicules thermiques neufs, une limitation des émissions de CO2 à 95 g de CO2/km en 2020 et 60 g en 2030. Les constructeurs ne respectant pas ces normes devront payer une compensation de 95 euros par gramme de dépassement et par véhicule vendu.

Autre voie pour réduire les émissions du secteur : développer les biocarburant et le gaz renouvelable. Actuellement, la part de carburants réalisés à partir d’énergies renouvelables est de 7% de la consommation finale, exclusivement (ou presque) avec des agrocarburant de première génération.

C’est à dire réalisés à partir d’oléagineux ou de plantes à sucre, donc de cultures destinées à l’alimentation. Rentrant en concurrence avec l’agriculture vivrière, disposant d’un bilan carbone souvent médiocre, ces biocarburants sont aujourd’hui hautement controversés. En conséquence, la France souhaite maintenir la part de ces biocarburants de première génération à 7%.

Cap sur les biocarburants de seconde génération

La PPE ambitionne tout de même que la part de renouvelables dans les carburants soit portée à 10% en 2023 et 15% en 2028. La croissance se fera donc exclusivement avec des biocarburants de seconde génération, dont l’industrialisation commence à peine.

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Produits en accélérant la décomposition de matière organique issu des déchets de l’agriculture ou de l’industrie (résidus de bois notamment) ou d’algues, ils sont garantis 100% verts – et ne concurrencent en aucun cas l’agriculture vivrière. Leur part devra atteindre 3,8% dans l’essence et 3,2% dans le gazole en 2028.

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L’agriculture aurait besoin d’une révolution écologique et responsable

Reste enfin le secteur de l’agriculture. Sans doute celui où le gouvernement marche le plus sur des œufs. Certes, le développement programmé des filières de biogaz et de biocarburants de seconde génération devrait offrir des revenus de complément à de nombreuses exploitations agricoles. Mais le secteur reste plongé dans une crise profonde. Il est pourtant responsable de 21% des émissions nationales de gaz à effet de serre.

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Une révolution agricole pourrait inverser totalement la tendance et transformer les campagnes françaises en puits de carbone. Mais, pour cela, il faudrait adopter à très grande échelle l’agro-écologie, l’agro-foresterie, l’agriculture de conservation. En plus de produire des produits de meilleur qualité, de supprimer les pesticides et engrais polluants et souvent dangereux pour la santé, cette révolution permettrait d’augmenter le stockage du carbone dans les sols.

Mais l’Etat ne semble pas décidé à accompagner une telle révolution agricole

La PPE évoque cette question, fixant une vague ambition de « diminuer l’artificialisation des sols ». Mais sans objectif précis, chiffré ou inscrit dans le temps. Cette révolution coûterait en effet extrêmement cher, car peu d’exploitations sont aujourd’hui en mesure de financer un abandon des cultures intensives. Et l’imposer conduirait à une fronde sans précédent.

L’Etat devrait donc massivement subventionner un secteur déjà largement soutenu. Là encore, en raisonnant à moyen terme, l’investissement serait largement rentabilisé, d’un point de vue sociétal, énergétique et de qualité de vie. Maisle gouvernement n’a visiblement pas l’intention de proposer un vrai et profond changement, en pariant sur l’avenir.

Une PPE qui ne prend aucun risque : une belle occasion ratée

Au final, le bilan de cette PPE pourrait être celui-là : la rigueur budgétaire à court terme semble plus importante que de faire de la France un exemple de transition énergétique et sociétale, rapide et volontaire. Encore une fois, cette PPE va dans le bon sens, et les orientations qu’elle dessine sont les bonnes. Mais elle ne prend aucun risque, se limite à des propositions dont la rentabilité à 5 ou 10 ans est assurée.

Prendre le risque d’investissements qui ne seront pleinement rentabilisés que dans 20, 30 ou 50 ans, mais qui feront de notre pays un vrai leader de la transition énergétique et changeront son visage en profondeur : pas à l’ordre du jour. Une très belle occasion ratée.

 

 

 

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