Ce 27 novembre, après une année de discussions, la nouvelle PPE pour la période 2019-2028 a été présentée conjointement par le président de la République, Emmanuel Macron, et le ministre de la Transition Ecologique, François de Rugy. Si elle relève les efforts énergétiques et climatiques de la France, elle ne semble pas assez ambitieuse pour tenir les engagements de l’Accord de Paris. Première partie de notre présentation : le secteur de l’électricité.

Elles devaient être présentées au début d’automne, puis furent repoussées à début novembre. Il a finalement fallu attendre le 27 novembre pour découvrir les deux feuilles de route qui dessinent l’avenir énergétique de la France pour les dix années à venir.

Réduire la consommation de combustibles fossiles de 35% d’ici 2028

A cette date, le président de la République, Emmanuel Macron, et son Ministre de la Transition Ecologique et Solidaire, François de Rugy, ont dévoilé la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE), qui fixe les objectifs de la France en terme de production d’énergie, et de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC), qui définit la baisse des émissions de gaz à effet de serre – dans les deux cas pour la période 2019-2028, avec des objectifs intermédiaires à horizon 2023.

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Cette mise à jour des ambitions françaises en terme de transition énergétique était nécessaire, la précédente PPE manquant singulièrement de vigueur, et étant notoirement insuffisante pour atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris – maintenir le réchauffement climatique sous les 2°C.

De ce point de vue, l’objectif principal, affiché par le texte, est de réduire de 35% la consommation d’énergies fossiles d’ici 2028 (par rapport à l’année de référence de 2012), puis de 40% dès 2030.

Un « nouveau modèle énergétique français » qui manque singulièrement d’ambition

François de Rugy n’a pas eu peur d’évoquer la volonté de « bâtir un nouveau modèle énergétique français », en mettant en avant deux grands virages : la lutte contre les changements climatiques, en baissant la consommation d’énergie fossile, et la réduction de la « dépendance au nucléaire, pour que la France ne passe pas à côté des renouvelables ».

Mais ces nouvelles feuilles de route, si elles fixent des objectifs souvent plus élevés et ont l’avantage de poser un cadre indispensables à la construction de politiques industrielles, semblent toujours trop timides pour répondre à l’urgence climatique. Et ce, alors que la France dispose du potentiel, de l’expertise et des compétences pour faire beaucoup mieux.

Nous allons détailler et analyser les objectifs par secteurs. Cette première partie de notre étude sera consacré à la production d’électricité – question centrale et polémique.

La question clé de l’évolution de la consommation d’électricité

Polémique d’abord à cause des divergences sur l’évolution de la consommation électrique en France. L’électricité est la principale énergie produite par les sources renouvelables : il semble logique que verdir le mix énergétique imposera une augmentation de la consommation d’électricité (même si la consommation globale d’énergie baisse). C’est du moins le point de vue d’EDF.

Mais, à l’inverse, le responsable du réseau public de transport d’électricité, RTE, affirme que, dans le cadre d’une transition énergétique couplée à une généralisation des solutions smart grids, les gains en efficacité énergétique et en flexibilité pourraient permettre de faire baisser la consommation d’électricité. Le gouvernement a choisi de suivre le point de vue d’EDF et de tabler sur une légère augmentation de la consommation.

Le nucléaire, une énergie d’avenir ? Seulement en France

L’électricité est polémique aussi, et surtout, à cause de l’épineuse question du nucléaire. Véritable pilier de la sécurité énergétique française, fleuron industriel et grand vecteur d’emploi, le nucléaire est toujours perçu comme une énergie d’avenir en France, au moins à moyen terme – nous sommes sans doute le seul pays au monde dans ce cas.

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Pour autant la nouvelle PPE maintient l’objectif de réduire de 71,6% à 50% la part du nucléaire dans la production d’électricité en France entre 2017 et 2035. Pour ce faire, le gouvernement va intensifier ses investissements dans le développement des énergies renouvelables, qui devraient passer, dès l’année prochaine, de 5 milliards d’euros annuel sà « de 7 à 8 milliards d’euros par an », a annoncé Emmanuel Macron.

Accélérer sur les renouvelables, en s’appuyant sur les filières matures

L’objectif est donc de passer de 17% d’électricité renouvelable en 2017 à 40% en 2030, et atteindre d’ici 2028 entre 102 et 113 GW de puissance renouvelable installée (contre 48,6 GW fin 2017).

Pour ce faire, la PPE va majoritairement s’appuyer sur les filières matures : « Nous faisons le choix de développer des technologies fiables, éprouvées et compétitives, comme l’éolien terrestre et posé en mer, et le solaire photovoltaïque, qui ont des coûts de plus en plus proches des prix de marché », a déclaré François de Rugy. Rappelons que la France a valorisé la quasi-totalité de son potentiel pour les « grandes » centrales hydro-électriques.

Les filières émergentes, comme les énergies marines (notamment l’hydrolien), resteront donc les parents pauvres des investissements – alors que la France est souvent technologiquement à la pointe, avec des prototypes convaincants. La petite hydraulique ne semble pas non plus dans les priorités gouvernementales.

Des objectifs EnR plutôt élevés…

En terme d’objectifs chiffrés, le gouvernement veut passer, pour le solaire, de 7 GW installés aujourd’hui à plus de 20 GW en 2023 et plus de 40 GW en 2028. L’éolien terrestre devrait passer de 11 GW en 2017 à 24,6 GW en 2023 et environ 35 GW en 2028. Pour l’éolien en mer, pour lequel aucune centrale n’est encore en service en France, malgré un potentiel considérable et une technologie mature, la PPE vise 2,5 GW en 2023 et 5 GW en 2028.

Les simplifications réglementaires annoncées pour l’éolien doivent rapidement devenir des réalités pour atteindre de tels objectifs.

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… mais qui pourraient l’être infiniment plus

Des objectifs d’ailleurs en retrait du potentiel français en la matière. Le Syndicat des Energies Renouvelables estime que la France, en se lançant dans un vraie politique d’investissements renouvelables à grande échelle, pourrait atteindre les 40 GW de puissance éolienne et les 52 GW de solaire en 2030 – pour une part de renouvelables dans le mix électrique à 54%. De ce point de vue, les 40% visées par la PPE en 2028 semble bien peu ambitieux.

Le groupe d’ONG Réseau Action Climat n’a pas hésité à accuser le gouvernement de délibérément freiner le potentiel des EnR pour préserver les intérêts du nucléaire et ralentir au maximum la fermeture programmée des centrales.

Nucléaire : une PPE assez conservatrice

D’ailleurs, sur la question du nucléaire, cette nouvelle PPE s’avère bien plus conservatrice les premières annonces de l’ancien ministre Nicolas Hulot au début de son mandat. 14 fermetures de réacteurs sont programmées d’ici 2035 (sur les 58 que compte la France), donc les deux de Fessenheim qui devraient être arrêtés en 2020. Ce chiffre est la fourchette basse dans l’optique d’une réduction de la part du nucléaire à 50% à cette date.

Aucune autre fermeture n’aura lieu avant deux réacteurs en 2027 et 2028. EDF devra ensuite définir le calendrier des 10 autres réacteurs qui devront être fermés entre 2029 et 2035, aux dates proches de leur fin de vie. Les premiers à être fermés seront choisis parmi les plus anciens des huit centrales suivantes : Tricastin, Bugey, Gravelines, Dampierre, Blayais, Cruas, Chinon et Saint-Laurent.

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Le gouvernement a par ailleurs annoncé que ces arrêts ne conduiraient à l’arrêt d’aucun site nucléaire, « pour ne pas déstabiliser les territoires et permettre la construction de nouveaux réacteurs lorsqu’ils seraient décidés », reconnait François de Rugy.

« Conserver une capacité industrielle de construction de nouveaux réacteurs nucléaires »

Dans le communiqué de presse qu’il a publié sur la PPE, le gouvernement est d’ailleurs limpide sur son soutien à la filière nucléaire : « Nous ne savons pas quelle sera la meilleure technologie de production d’électricité décarbonée, du nucléaire ou des énergies renouvelables couplées au stockage, pour remplacer notre parc nucléaire existant au-delà de 2035. La France doit donc conserver une capacité industrielle de construction de nouveaux réacteurs nucléaires, pour des enjeux de souveraineté ».

Le même document précise qu’une décision sera prise en 2021 pour savoir si la France doit construire de nouveaux réacteurs pour remplacer ceux qui fermeront après 2035, en fonction de l’état du réseau électrique à cette date. Une annonce qui sonne également comme un désaveu cinglant à la filière renouvelable, aux smart grids et aux solutions de flexibilité qui pourraient pourtant permettre, à terme, de proposer un mix à base d’électricité 100% renouvelable. C’est l’objectif de nombreux pays ou Etat dans le monde, notamment en Europe.

La France se place à contrecourant, en affirmant qu’elle pourrait construire de nouveaux réacteurs nucléaires à grande échelle. Comme si le pays avait davantage confiance dans ce qu’il connait que dans des renouvelables associés à du stockage et un pilotage intelligent. De ce point de vue là également, cette PPE laisse un goût amer dans la bouche des défenseurs des filières renouvelables.

Mais la PPE et la SNBC recèlent, malheureusement, d’autres manques d’ambition sur les dossiers de la chaleur et de l’efficacité énergétique, comme nous le verrons demain, dans la suite de notre étude.

 

 

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