Cela peut sembler paradoxal, mais le cœur pétrolier du monde s’est lancé, assez largement, dans la production d’énergies renouvelables. Les pays du Moyen-Orient, Emirats Arabes Unis et Arabie Saoudite en tête, investissent dans le photovoltaïque et l’éolien. Découverte.

L’inauguration a eu lieu le 30 avril 2018 : à une heure des tours vertigineuses de Dubaï, en plein désert, des panneaux photovoltaïques brillent à perte de vue, au soleil. Le projet, d’une puissance de 200 MW, est piloté par EDF, associé à Masdar et avec Dubai Electricity and Water Authority (DEWA).

Aux Emirats, « un des plus puissants projets de parc solaire au monde »

Il s’agit de la première tranche d’un ensemble de 800 MW, baptisé DEWA III, attribué à EDF au tarif extrêmement compétitif de 0,0299 $ par kilowattheure (kWh) : 300 MW supplémentaires seront mis en service en 2019, puis à nouveau 300 MW en 2020.

« DEWA III constitue la Phase 3 de l’un des plus puissants projets de parc solaire au monde – le Parc Mohammed bin Rashid Al Maktoum », explique EDF : les deux premières phases, DEWA I et DEWA II, d’une puissance totale de 218 MW, sont déjà opérationnelles.

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75% d’énergie propre aux Emirats Arabes Unis en 2050 ?

Ces 1 018 MW actuellement installés ne sont en effet que le début de l’histoire d’un projet photovoltaïque pharaonique : « Représentant un investissement total de 14 milliards de dollars US, ce parc aura une capacité installée totale de 5 000 MW, créant plus de 1000 emplois durant son développement et évitant jusqu’à 6,5 millions de tonnes de dioxyde de carbone par an, une fois entièrement opérationnel en 2030 » complète l’énergéticien français.

Dubaï est également le site d’une centrale solaire thermique à concentration d’une taille démesurée : la première phase de ce projet devrait être achevé en 2021, fournissant une puissance de 200 MW au réseau émirati, mais là encore, les travaux ne seront achevés qu’en 2030, où cette centrale devrait atteindre les 1 000 MW de puissance.

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Ces deux projets emblématiques font partie de la stratégie « Dubaï Energie Propre 2050 », qui ambitionne d’atteindre les 75% de renouvelables aux Emirats à cette date.

L’Arabie Saoudite : le photovoltaïque pour réduire la dépendance aux hydrocarbures

Mais si les Emirats Arabes Unis sont le pays du Moyen-Orient a avoir placé la barre le plus haut en la matière, et à investir le plus massivement dans les renouvelables, le cas est loin d’être isolé. La puissante Arabie Saoudite veut réduire sa dépendance au pétrole, notamment dans le secteur de l’électricité, et ambitionne une production électrique convertie à 50% aux énergies renouvelables et au nucléaire en 2032.

L’énergie solaire est le fer de lance de cette ambition : les autorités saoudiennes ont récemment attribué un contrat pour un projet de parc photovoltaïque de 300 MW, avec la société locale Acwa Power, pour un prix de 0,023417 $ par kWh – un record mondial !

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Le pays a programmé la construction de 41 GW de puissance photovoltaïque supplémentaire d’ici 2032, tout en développant également les filières éoliennes (9 GW), biomasse (3 GW) et de géothermie (1 GW).

L’Iran privilégie l’éolien, le Qatar, Oman, Bahrein ou le Koweït fourmillent de projets

L’Iran s’est également lancé dans l’aventure des renouvelables, mais en s’appuyant plus nettement sur l’éolien, où le potentiel du pays, estimé à 100 GW, rivalise avec les leaders européens en la matière, la France et le Royaume-Uni. Le pays avait fixé un objectif de 5 GW de renouvelables installés pour fin 2018, dont 4,5 GW d’éolien – un objectif qui ne sera pas atteint, à cause des sanctions financières et l’embargo frappant le pays, mais qui marque une vraie volonté politique.

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Entre 2014 et 2030 le Qatar a prévu multiplier par 60 sa capacité de production électrique d’origine renouvelable. Oman, la Jordanie, Bahrein ont également des projets photovoltaïques d’importance en cours de construction, le Koweït un mix de projets solaires et éoliens. L’Irak en reconstruction souhaiterait également s’équiper, même si les investissements et les partenariats avec l’étranger y sont très compliqués à mettre en place.

Un potentiel conséquent, à un coût compétitif

Cette course aux renouvelables peut surprendre pour des pays qui figurent en tête des producteurs mondiaux d’hydrocarbures. Mais ce paradoxe n’est qu’apparent : la manne pétrolière offre des capacités d’investissement et d’emprunt important, et ces pays disposent pour la plupart d’un potentiel élevé d’énergies renouvelables, notamment solaire.

Les régions arides et désertiques, au taux d’ensoleillement élevé, sont légions au Moyen-Orient. Bien entendu il faut trouver des solutions efficaces pour lutter contre les effets des tempêtes de sable, qui peuvent recouvrir les panneaux et diminuer leur efficacité de 30% – mais la main d’oeuvre y étant relativement bon marché, ce soucis n’est pas un frein au développement de projets de centrales photovoltaïque. L’adoption de solutions de stockage efficaces est une autre priorité, pour répondre à l’intermittence du solaire et de l’éolien.

Autre atout : les coûts des renouvelables sont en chute libre, notamment pour des pays disposant d’un taux d’ensoleillement aussi fort que les Emirats Arabes Unis ou l’Arabie Saoudite : «Dans le cœur pétrolier du Moyen-Orient, les investissements dans les énergies renouvelables se font à des coûts qui changent vraiment la donne», a ainsi déclaré Adnan Amin, directeur général de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA), dont le siège est justement à Abou Dhabi, capitale des Emirats.

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Diversifier l’économie et le mix énergétique, pour anticiper la fin des hydrocarbures

Les renouvelables permettent également à ces pays de diversifier leur mix énergétique, et de réduire leur consommation de pétrole et de gaz naturel, qui restent ainsi disponible pour l’exportation – et ce, d’autant plus que la consommation totale d’énergie du Moyen-Orient est en constante augmentation. Ces pays peuvent également diversifier leur économie et la rendre moins dépendante des hydrocarbures, qui représentent encore environ 80% des revenus de cette région.

L’installation de panneaux solaires photovoltaïques sur le toit d’une maison ou d’une entreprise, dans une stratégie d’autoconsommation, est également en vogue : ces panneaux sont, dans une grande majorité des cas, plus fiables, moins chers et plus propres que les générateurs diesel ou les raccordements au réseau. Symptomatiquement, le ministre de l’électricité et de l’énergie du Yémen, Abdullah al-Akwaa, a récemment déclaré lors d’une conférence à Abu Dhabi qu’environ 400 MW d’électricité sont produits à partir de panneaux solaires sur le toit dans son pays ravagé par la guerre.

Et, au-delà de l’urgence climatique, ces pays savent que l’or noir n’est pas éternel : « La question est maintenant de savoir comment utiliser la richesse issue des combustibles fossiles pour réaliser la prochaine transformation énergétique. (…) À mon avis, les États producteurs d’hydrocarbures pourraient prendre les devants. Ils ont les ressources financières et ils ont le sens de l’urgence, car à un moment donné les ressources en combustibles fossiles seront épuisées et ils devront changer leur chaîne de valeur économique » a ainsi déclaré Maria van der Hoeven, directrice exécutive de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), lors du récent sommet de l’IRENA.

Une majorité de pays du Moyen-Orient semblent avoir tirés les mêmes conclusions de la situation économique, énergétique et climatique mondiale.

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